Les lycées ont-ils raison de manifester contre la suppression de postes d’enseignants dans l’Education Nationale ? Xavier Darcos explique qu’elle est la conséquence d’une baisse démographique sur la classe d’âge 15 – 20 ans. Les lycées ripostent en arguant du fait que l’on ne peut plus travailler avec 35 élèves par classe. Passons en revue les arguments de chacun.
La « suppression de postes »
Tout d’abord, commençons par les chiffres : 8500 postes d’enseignants supprimés pour la rentrée 2008 et 50000 depuis 5 ans. Cela fait 6% de postes en moins sur le dernier lustre. On est loin du 1% évoqué par Xavier Darcos il y a quelques semaines.
Mais il ne faudrait pas travestir le sens du mot « suppression ». Contrairement au monde de l’entreprise privée pour qui suppression signifie licenciement, l’Education Nationale entend par ce vocable la diminution du nombre de postes global.
Comment opère-t-il cela sans licencier ? Tout simplement en ne remplaçant pas l’ensemble des départs en retraite qui vont s’accumuler d’ici quelques années. Les enseignants voyant leur poste disparaître, auront un autre poste à la rentrée dans un autre établissement, une protection tenant compte de la carte scolaire leur assurant de ne jamais se retrouver bien loin de l’affectation précédente.
D’un point de vue humain, le problème reste que ceux qui veulent muter ne le peuvent plus, le mouvement proposant très peu de postes vacants auxquels seuls ceux qui ont vu leur poste supprimé peuvent prétendre. Le risque à long terme est de voir des équipes pédagogiques se scléroser, ou pire des enseignants craquer lorsqu’il se retrouve depuis 8, 10 ou 15 ans dans des établissements sensibles et qui voient leur espoir de mutation fondre comme neige au soleil.
Les classes surchargées ?
Mais la question principale reste celle des classes surchargées que dénoncent haut et fort les lycéens. Qu’en est-il exactement ?
D’une part, il faut rappeler que l’argument de la baisse démographique sur la tranche d’âge du lycée est réelle et démontrée par les chiffres. Le collège a souffert de la même crise depuis 4 ans, le primaire il y a une dizaine d’année. Elle correspond à une baisse des natalités dans les années 90. Un petit « baby boom » à partir de 1999 endiguera cette érosion des naissances et laisse augurer des lendemains qui chantent comme dans le primaire où des postes sont à nouveau créés.
Pour autant, les lycées brandissent le chiffre de 35 élèves par classe. Il n’est pas faux mais il n’est qu’un reflet déformant de la réalité. S’il est vrai que certains établissements comptent jusqu’à 40 élèves par classe, ce qui soit dit entre nous était déjà le cas il y a 15 ans, d’autres sont à 28. Au collège, les variations sont du même type. Pour donner un exemple précis, l’établissement dans lequel je travaille dans l’Avesois est classé en ZEP et est garanti d’avoir des classes avec des effectifs maximums de 25 élèves par classe. Or cette année nous disposons de 4 troisièmes avec respectivement 18, 17, 16 et 17 élèves. Finalement, la moyenne par classe est dans cet établissement précis est de 18,5 élèves par classes, bien loin de la limite des 25. Ces variations en fonction des bassins a plusieurs origines : boom économique à certains endroits, récession et paupérisation dans d’autres qui engendrent le déplacement massif des populations, natalité en berne due à un vieillissement…
En d’autres termes, il n’y a rien d’illogique à supprimer des postes. Tout le problème étant de parler de chiffre global, là où il faudrait évoquer des cas précis et des situations particulières. Mais le gouvernement nous a habitués à faire fi de la pédagogie de sa politique.
Economie, certes, mais où ?
La véritable problématique se trouve dans la nécessité de faire des économies. 45 milliards de déficit par an, 1250 milliards cumulés depuis 30 ans : les chiffres sont accablants. Et l’Education Nationale étant le premier pôle de dépense de l’Etat (50 % de ses fonctionnaires et 27% du budget total), il est bien normal qu’elle participe aussi à l’assainissement des finances publiques. Mais pas à n’importe quel prix.
Comment peut-on justifier la suppression de postes par l’économie à faire, quand le gouvernement Fillon a débloqué des dizaines de milliers d’heures supplémentaires défiscalisées pour les études du soir pour des élèves qui même dans ce contexte refuse d’apprendre et traînent des pieds pour assister à ce qu’ils considèrent être une « énième » heure de cours ?
Et les décharges horaires attribuées à bon nombre d’enseignants pour un IUFM qui a prouvé depuis des années son inefficacité et même sa nocivité ?
Et celles attribuées à des fonctions obscures comme « la coordination REP » dont le but est d’assurer la communication entre des établissement en ZEP et de mettre en place « les activités » propres à dynamiser l’ensemble ? Rien que pour mon établissement ce sont 18 heures attribuées à un CPE qui reconnaît en privé les utiliser à des fins personnels pour préparer sa future et prochaine reconversion !
Il y a un tel gâchis comme ces fonds débloqués pour des activités culturelles pour des projets, pour des infrastrucures que l’on est « contraint » d’utiliser chaque année sous peine de les perdre l’année suivante (« ce qui serait dommage » vous explique-t-on !!). Rien que pour le changement de la sonnerie qui annonce la fin des cours, ce sont 20000 euros qui ont été engloutis ! Pourquoi autant ? Car l’établissement avait reçu cette somme à cet effet et qu’il devait l’utiliser sans quoi « il serait perdu » ! Aujourd’hui c’est la cloche de Big Ben qui retentit dans nos couloirs, une cloche en toc avec une pale imitation au bon vieux « Bontempi » pour 20000 euros ! 20000 euros c’est pourtant le salaire que touche en un an un prof en début de carrière !
Encore des preuves du gâchis ? On « banalise » régulièrement des matinée entières au nom de projets artistiques, à hauteur de 1000, 2000 ou 3000 euros la demi-journée pour voir des spectacles, les élèves étant heureux de zapper 2 heures de français et de maths, eux qui ne savent toujours pas reconnaître le verbe être au présent de l’indicati en 4ème ! Ce sont encore 2000 euros qui ont été consacrés pour un périple à Paris pour découvrir l’Assemblée Nationale. Saine activité me diriez-vous. Certes mais comme on faisait 250 Kms il fallut meubler le reste de la journée (il faut « rentabiliser » un tel déplacement !) et l’on paya le Mc Donald’s aux élèves, le budget « le permettant largement ». Depuis quand les deniers publics font-ils les affaires de la restauration rapide ?
Conclusion
Le problème n’est donc finalement pas véritablement dans les suppressions de postes. Le problème est que l’Education Nationale gère mal, voire très mal l’argent qu’on veut bien lui confier. La cigale arrivé masquée en fourmi mais ne dupe personne. L’Etat devrait investir davantage dans la gestion précise et personnalisées des deniers qu’elles confient plutôt que de couper dans ce qu’il y a de plus visible pour se donner bonne conscience. Et de leurs côtés les syndicats devraient davantage veiller uniquement et seulement à la gestion de leur personnel plutôt que de s’occuper de la pseudo- pédagogie, de didactique et autres subterfuges au nom desquelles on dilapide l’argent que l’on a pas. Des Economies ? Oui ! Mais de la justice, de la méthode et de l’éthique.
PS : caricature que je trouve excellente et pertinente empruntée à www.bulledair.com. Je remercie à ce titre chaleureusement Martin Vidberg pour m'autoriser l'utilisation de celle-ci.