« Quelqu'un est venu vous dire à Dakar après tout cela que l'homme africain n'est pas entré dans l'Histoire. Pardon, pardon pour ces paroles humiliantes qui n'auraient jamais dû être prononcées. »
C’est évidemment la déclaration du jour. En visite à Dakar, Ségolène Royal a osé demander pardon… pour les propos de Sarkozy…
Inutile d’allumer vos postes pour deviner la réaction des politiques : la gauche applaudit, la droite crie à la démagogie… En son juste milieu les hauts-cadres du Mouvement Démocrate dénonceront la méthode tout en étant d’accord sur le fond.
Il n’empêche. Ségolène Royal est en train de prendre une sacrée stature. Car tout dans cette déclaration, savamment distillée, touche juste.
Médiatiquement, c’est le bingo. Elle se savait suivie ; elle a marqué sans hésiter. Parfaitement conseillée, inspirée, elle est apparue sereine, sincère, preuve que la patte Besnéard commence à se faire sentir. Sans la caricature du Zénith.
Sur le fond, tout est juste. Les propos de Sarkozy étaient d’une maladresse confondante. Et c’est sans doute lui qui aurait pu (dû ?) à s’excuser pour ce jugement passéiste, colonialiste et indigne de notre Pays. Funambule rhétoricien, l’artiste qui se joue du fond pour faire jouer la forme s’emmêle les diabolos dès qu’il touche des sujets sérieux… Et Ségolène de fondre sur l’ambulance avec dextérité. La maladroite « néologilicienne » a laissé place à l’habile escrimeuse sur le terrain des idées…
Sur la forme, c’est subtil. Le « quelqu’un » qui ne désigne pas en apparence tout en nommant implicitement n’est pas sans rappeler Alceste, qui dans le Misanthrope, indisposé par le sonnet d’Oronte , n’ose lui adresser directement des reproches et passe par le même subterfuge, proche de la prétérition :
Mais un jour, à quelqu'un, dont je tairai le nom,
Je disais, en voyant des vers de sa façon,
Qu'il faut qu'un galant homme ait toujours grand empire
Sur les démangeaisons qui nous prennent d'écrire;
Qu'il doit tenir la bride aux grands empressements
Qu'on a de faire éclat de tels amusements;
Et que, par la chaleur de montrer ses ouvrages,
On s'expose à jouer de mauvais personnages.
Molière, Le Misanthrope, I-2
Sarkozy est touché sur son terrain de prédilection : la rhétorique.
L’équipe du Président avait ces derniers temps sous-estimé la Présidente du Poitou-Charentes, qui incontestablement se complaisait dans l’opposition rhétorique et systématique, la caricature, et l’image. Au point d’en faire une adversaire idéale pour un 2ème tour en 2012… Gageons qu’elle vient de marquer des points et de montrer qu’elle a muri. Etonnante trajectoire que celle de Ségolène Royal. A suivre…