La gueule de bois.
Voilà ce qui ressort de ce scrutin des Européennes qui sonnent comme un séisme pour le MoDem. On s’attendait depuis jeudi à une déception, un revers. Nous eûmes une déculottée humiliante qui nous vaut tous les commentaires les plus acerbes.
Après toutes ses semaines durant lesquelles, nous, militants avons œuvré, de marchés en boîtes à lettres, de réunions en actions, puisant dans notre capital fatigue, militant en parallèle de nos activités professionnelles, au détriment de nos proches, le coup est dur à avaler. La boule au ventre ont rendu les premières impressions difficile voire impossible à formuler. L'indicible.
Dimanche soir, nos corps meurtris n’attendaient que l’adrénaline de la victoire pour expurger tout ce stress. Las, nous eûmes un coup sur la tête –un énième !-.
Alors, il est temps de comprendre. Comprendre ce qu’il s’est passé. Exposer l’impact qu’a eu le jeudi noir de François Bayrou, sans pour autant occulter la tendance qui s’était déjà faite sentir sur le terrain. Bien des erreurs tant sur le fond que sur la forme se sont égrainées, mettant tout en place pour l’explosion finale, celle que Bayrou compare, comme nous le fîmes tous dès ce week-end, au « coup de boule de Zidane ». Il y avait bien des choses à s’inspirer de ce Dieu du sport. Certainement pas cette sortie indigne.
1. Les raisons de l’échec.
L’on pourrait discuter à l’envi sur toutes les raisons qui expliquent notre défaite. Mais avant toute chose, nous nous posions la question de la disparité de nos résultats suivant les régions… Force est constater qu’ils furent pour le coup d’une homogénéité parfaite, cruelle même. Il faut distinguer trois raisons principales à cela
Et l’Europe dans tout cela ?
Nous étions « le parti » de l’Europe. Nous le claironnions. A tue-tête. Sans doute avec une certaine arrogance car le sujet appartient-il à quelqu’un en particulier ? Certes nous pouvons nous targuer d’avoir entamer conférences et commissions dès l’automne 2008, bien avant tout le monde. Mais honnêtement, qu’est-il resté de tout cela ? RIEN ! A part quelques militants zélés, personne n’a finalement retenu les grandes lignes directrices de notre programme. Un de nos brillants militants expliquaient que le dilemme du MoDem était qu’à des questions compliquées, nous proposons légitimement des réponses compliquées. Il n’empêche que le MoDem n’a toujours pas résolu son problème de la pédagogie de son discours. Nuancé, précis, il passe mal sur la population qui au final préfère retenir les petits commentaires et autres phrases assassines qui nous raillent. Plus simple à retenir, à ressortir.
Toutes ces commissions, aussi brillantes et productives soient-elles, sont restées des entreprises intellectuelles, j’oserais même dire « de la branlette intellectuelle », qui flatte l’ego des participants mais qui, au fond, n’a aucune incidence dans la campagne. C’est assez consternant.
Notre programme était ambitieux et la forme en est restée confuse. Celui d’Europe Ecologie était certes beaucoup moins ambitieux, mais leurs 5 points martelés, ont marqué les esprits, et séduit ceux qui n’ont pas envie de faire polytechnique pour comprendre ce qui leur est proposé comme nous l’a fait remarqué fort à propos un de nos sympathisants et ce dès samedi dernier.
En d’autres termes, nous étions assez proches d’un point de vue programmatique avec Europe Ecologie, si ce n’est sur le point de vue de l’approche du Nucléaire et sur l’aspect auberge espagnole de leur choix de candidats. Mais le reste relevait de la même aspérité. Un programme similaire donc mais une pédagogie discordante. Et le fond ne vaut rien quand la forme pèche.
Trop d’AntiSarkozysme ?
C’est l’argument qui fut martelé par tous nos détracteurs depuis trois semaines. Et celui qu’a retenu la population. Aurait-on encore l’audace et le culot de croire qu’ils ont tous tort et nous raison ? Certainement pas. Que le livre de François Bayrou, Abus de Pouvoir ait été un formidable levier, de ceux que l’on a attendu en vain lors des Municipales, c’est une évidence. Mais il eut fallu arrêté le tour de France sur le thème à la mi-mai. C’eut été certes moins bon pour les ventes, mais cela n’aurait pas discrédité notre campagne sur les… Européennes. L’argument de Bayrou selon lequel il pensait que « le sujet de la France et le sujet de l'Europe étaient impossibles à séparer » ne convainc personne, pas même lui-même je pense. C’est un argument de rhétorique qui justifie ses grands discours sur la vision de la société vue par Sarkozy, mais qui étouffe les petits discours sur la matière qui eut dû alimenter exclusivement nos débats : l’Europe. Ne nous méprenons pas : il y a tout à prendre dans le livre de François Bayrou. Mais tel n’était pas le sujet lors des Européennes. Et quand on l’entendait dire que de toutes façons rien ne se fait en Europe sans le Conseil des Ministres, ce qui est vrai, en quoi l’élection au Parlement Européen aurait-elle changé la donne ?
François Bayrou avait promis de reconnaître quand le Président prendrait des bonnes décisions. Il n’a pas tenu son pari et est rentré au fil du temps dans des réflexes pavloviens que nous payons cher. A vouloir crier plus fort, toujours plus fort que le PS, les deux campagnes anti NS se sont pris une déculottée mémorable.
Ainsi, s’il n’était pas question de faire de la Présidence de Sarkozy en Europe une béate reconnaissance du Messie comme le fit l’UMP, comment ne peut-on pas entendre les autres pays qui reconnaissent que si notre Président agace, il a été, et de loin, le meilleur dans cette position dans un contexte délicat ? Il n’a pas été très bon, soit. Mais il a été bien meilleur que ses prédécesseurs et son successeur. On ne peut nier ce que tout le monde reconnaît, surtout quand cela représente 26 nations tout de même… Relativiser son bilan pour ne pas tomber dans la béatitude, corriger les petits mensonges sur la crise Géorgienne étaient nécessaires. Mais cela ne faisait pas l’économie de reconnaître ce que tout le monde lui accorde.
Le Jeudi noir
Voilà pourquoi dès le mardi 2 juin, nous glissions déjà dans les sondages. Voilà pourquoi Europe Ecologie grappillait déjà. Voilà pourquoi l’UMP confortait sa position. Ces erreurs stratégiques nous firent perdre 2 bons points. Restait pour Europe Ecologie à confirmer l’essai. Leur leader polémiste le fit à sa manière. Par la joute verbale. La provocation. L’essai fut transformé. Au-delà des espérance de Dany Le Rouge : l’événement nous fit perdre 4 autres points. Echec et mat.
Car ce n’est à présent un secret pour personne, Cohn-Bendit avait prévu son coup. Il s’est vanté avant l’émission auprès des journalistes qu’il allait faire « péter un câble à Bayrou ». Ce fut une réussite. Et peu importe que seulement 2,5 millions de spectateurs assistèrent à la joute. Le mal était fait. Les commentaires prirent le pas. Les langues de délièrent. Et les médias furent à charge sur Bayrou.
Alors j’entends déjà les détracteurs me reprocher d’avancer la thèse des médias à charge, conspirationnisme et compagnie. Raté.
Car la réaction des journalistes est normale, et compréhensible. Pourquoi auraient-ils réagi autrement alors que depuis des mois, sur tous les plateaux, François Bayrou dit que les médias ne sont plus indépendants, qu’ils font mal leur travail et qu’ils s’autocensurent par le chape imposée par le Président ? N’est-ce pas scier le branche sur laquelle l’on est déjà mal assis ? Le problème n’est pas de penser que la séparation du pouvoir médiatique et du pouvoir exécutif n’existe plus. C’est une réalité qu’il faut combattre. Le problème, encore une fois est la manière de s’y prendre. Et à force de s’acharner sur les journalistes, ces derniers lui ont rendu la monnaie de leur pièce. Se sentant mis en cause en permanence sur le terrain de la bonne foi, ils prirent l’incident et les commentaires en boucle deux jours durant, sans discontinuer. De la même manière, l’interview sur Inter entre Demorand et Bayrou tourna déjà au carnage. Tout était mal senti : la victimisation sur les sondages, des journalistes remontés comme Apathie le lendemain au Grand Journal (et quelle idée à propos de la perspective d’une 4ème position de répondre à Apathie « ça vous ferait plaisir ça ! » plein de suspicions !).
Ce devait être enfin le jeudi où l’on parlerait - enfin !) des Européennes. Ce fut un JEUDI NOIR. Un Krach sur la bourse des voix.
Au final, nous étions à 14. Nous finirons à 8,5. En trois jours, nous avons perdu presque la moitié de nos voix au profit d’Europe Ecologie. Car n’en doutons pas, l’addition de nos deux scores le 4 juin est le même que celui du 7 juin (25%). Mais la répartition est franchement différente…
2. Que faire maintenant ?
Même si je ne prétends pas à moi tout seul trouver toutes les solutions, voici quelques pistes sur lesquelles je vous propose d’apporter vos commentaires et suggestions :
1. Apaiser les esprits, se reposer. Car vouloir régler les comptes, façon OK Coral serait une terrible erreur. Eviter les paroles que l’on regretterait. Les citoyens ont certes fait un vote de l’émotion. Ne lui emboitons pas le pas et restons sur nos valeur : le temps de la réflexion. Il sera temps alors de se poser autour d’une table, d’analyser, de partager. Sans effusion. Mais sans concession non plus.
2. Une vice-présidence plus collégiale.
Corinne Lepage en parlait dès lundi matin : le MoDem ce n’est pas seulement Bayrou. Le Président mais aussi les médias doivent laisser plus de place aux vice-présidents, pour que des personnalités émergent. A plusieurs, l’on partage la pression médiatique et l’on est moins enclin à la faute. Au pire, l’on peut se faire rattraper. Seul, c’est le chaos immédiat.
D’où l’idée maintes fois proposée d’un shadow cabinet, qui permettrait de donner à chacun des thèmes et qui permettrait en fonction des émissions d’inviter des spécialistes sur les questions, comme cela se fait au PS.
3. Localement, il faudra se poser des questions. Aveuglés par nos actions à Lille, notre vision n’est-elle pas biaisée ? Comment se fait-il que des militants parisiens nous ont confié le 2 juin qu’il ne voyait rien se faire à Paris, un comble tout de même ! Le militantisme a-t-il été partout à la hauteur de nos ambitions ? Il faudra dépasser notre petite lorgnette et parler avec des militants partout en France. Ce n’est pas la technologie qui nous empêche de le faire…
Il y aurait bien des choses à dire, commenter et analyser. Mais ce post est déjà bien long. Ca fait du bien de l’écrire. Car l’indicible fait mal. Terriblement mal.