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16 février 2013 6 16 /02 /février /2013 20:00

Le 15 février, le Conseil constitutionnel a joué un drôle de tour à deux députés socialistes, en invalidant leur élection et en les déclarant inéligibles pour un an, ce qui les empêche de se représenter à la législative partielle consécutive à cette décision.

Boutin en roue libre

Parmi elles, l’on retrouve celle qui fut l’oratrice du groupe socialiste durant les débats sur la loi du mariage pour tous et qui, de l’aveu de beaucoup et notamment de celui de Claude Bartolone en personne, s’était révélée en prenant cette lourde charge pour une néophyte du Palais Bourbon : Corinne Narrassiguin. N’en déplaise à Christine Boutin, qui semble perdre les pédales depuis le vote solennel du 12 février dernier et qui évoqua une "justice immanente" (heureusement qu'elle prétend ne pas être animée par la foi sur le débat), celle qui fut la première députée des Français de l’étranger pour l’Amérique du Nord savait depuis janvier que ses comptes n’avaient pas été validés par la Commission nationale des comptes de campagne et du financement de la vie politique (CNCCFVP).

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Serait-ce l’épée de Damoclès qui lui donna le souffle et la grandiloquence durant les 110 heures de débat ? Toujours est-il que le Conseil constitutionnel n’a fait que respecter à la lettre le règlement, en annulant l’élection et en décrétant l’inéligibilité des candidates pour un an.

Mécanique financière

Pour autant, les deux cas ne sont pas équivalents. Daphna Poznanski-Benhamou s’est rendue coupable d’avoir réglé personnellement, sans le truchement de son mandataire financier, une part substantielle des dépenses engagées en vue de (son) élection. Or la règle est formelle, puisqu’à l’exception notable des menues dépenses, que l’on évalue à 10% du montant total au maximum, c’est bien depuis le compte de campagne et de la main du mandataire financier que les dépenses doivent être effectuées.

Le cas de Corinne Narrasiguin est plus problématique puisqu’il lui a été reproché d’avoir utilisé deux comptes de campagne, dont l’un localisé sur le continent américain. L’accusée a expliqué que ce second compte était "destiné à collecter des ressources parfaitement légales qui n’auraient pas pu être déposées sur un compte français" afin de "faire des dépenses qui n’auraient pas pu être effectuées depuis le compte parisien".

 Corinne.jpg

Le cas est d’autant plus problématique que c’était la première fois que des circonscriptions étaient ouvertes pour les Français de l’étranger et que certaines dispositions n’avaient pas été pensées en amont pour coller aux recommandations pour le moins pointilleuse de notre administration.

Et la sanction est d’autant plus difficile à avaler que la CNCCFVP a reconnu que cette procédure non-conforme n’altérait en rien la sincérité du scrutin, puisqu’aucune anomalie (plafond de dépense, dépenses irrégulières, etc.) n’est à déplorer.

Rigueur machinale, science du détail

Il faut bien comprendre que les questions de financement des campagnes confinent à la rigueur obsessionnelle. On peut comprendre qu’il faille être précis pour éviter les écarts et les fraudes. On peut ainsi parfaitement comprendre que l’on invalide une élection ou une candidature,quand le candidat a utilisé plus de fonds que ceux prévus dans le cadre de la loi pour se faire élire, comme ce fut le cas pour la dernière course présidentielle de Nicolas Sarkozy.

Mais quand la sincérité du scrutin n’est pas en jeu on peut douter de la logique d’un système qui tend à préférer la procédure au pragmatisme de la situation.

Candidat sur ces mêmes législatives dans la 1e circonscription du Nord, j’ai dû moi aussi subir les menaces de la CNCCFVP. La raison de son ire ? N’ayant aucun budget pour ma campagne, j’ai utilisé la maquette de mes professions de foi pour imprimer des tracts. Rien d’illégal jusque là mais mon imprimeur, par mégarde, a intitulé mes impressions en "profession de foi" en lieu de "tracts". Et malgré une note explicative et un budget total des plus modestes (750 euros hors le R39 affilié à la propagande imposée par la Préfecture, correspondant aux professions de foi et au bulletins de vote), il me fallut justifier une seconde fois ce que ma déclaration disait déjà en substance. Mes comptes furent finalement validés.

Conseiller national du MoDem et militant de 2007 à 2012, j’ai souvent vu des cas improbables se produire, consécutivement à un règlement d’un pointillisme suranné. Ainsi, lors de l'élection régionale 2010 pour laquelle j’étais candidat, notre liste vit ses documents rejetés par la Commission de propagande à cause d’un espace manquant dans un nom composé ! Résultat : 40.000 euros de bulletins de votes à réimprimer de toute urgence !

En 2008, à Lille, Martine Aubry a été contrainte de toute urgence de refaire toutes ses affiches officielles à cause d’un rouge à lèvres trop "rouge républicain" qui associé au bleu et au blanc, laissait apparaître les trois couleurs de notre drapeau, ce qui est illégal. Pour un simple rouge à lèvres !

Durant la même municipale, un candidat MoDem dans le Nord a cru voir ses comptes invalidés car ses dépenses ayant commencé en octobre 2007, le MoDem n’avait pas encore de statut juridique puisqu’il fut crée officiellement en décembre 2007 à Villepinte…

Autant de situations ubuesques pour des "infractions" qui ne remettent nullement en cause la sincérité du scrutin.

Il est urgent que le Conseil constitutionnel s'attaque vraiment au dossier

Pourtant, dans le même temps, combien de procédures, toutes plus légales les unes que les autres, détournent le système pour doper le financement des campagnes ?

Ainsi, on sait quelle part ont pris les partis satellites de l’UMP dans le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, chacun des cadres du parti s’aménageant une officine afin de contourner le plafond de 7.500 euros maximum qu’un citoyen peut offrir à un candidat. De la même manière, on se souvient de comment le Nouveau Centre avait profité d’un parti polynésien pour exister financièrement

La réalité, c’est que la situation est hypocrite : on invalide une élection pour l’ouverture de deux comptes de campagne qui ne remettent pas en cause la sincérité du scrutin, et on ferme les yeux sur un contournement de la loi, qui finalement, ne valent pas mieux que les financements occultes d’antan.

Sans doute serait-il temps de revoir la copie du cahier des charges du Conseil constitutionnel pour prendre des décisions non pas dans la droite ligne des textes mais en respectant leur esprit. 

Publié sur Le Nouvel obs - Le Plus, le 16 février 2013

 

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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 18:02

C’est ce vendredi matin que Lionel Jospin a déposé à l’Elysée les conclusions de son rapport sur la moralisation de la vie publique. Un travail attendu par beaucoup puisqu’il tente de corriger une démocratie injuste et qui souffre de représentativité.

Comment certaines personnalités peuvent-elles cumuler kyrielles de mandats sans en négliger aucun ? Pourquoi accepter pareille boulimie qui sclérose le paysage politique français en empêchant les nouvelles générations de se faire une place ? Comment accepter que Marine Le Pen, qui a obtenu plus de 18% des voix à la présidentielle, eût pu être empêchée de concourir faute d’avoir obtenu ses 500 parrainages, et ce même si elle ne se montra pas si déterminée à les obtenir au moins jusque janvier ?

 

Entorses à la représentativité

 

Enfin, comment accepter que certaines formations politiques puissent obtenir un groupe parlementaire avec 2% des voix et que d’autres, avec 15% n’arrachent que deux députés ?

Pendant de nombreuses années, les gouvernements se sont lavés les mains de pareilles entorses à la représentativité. Ne serait-ce que parce qu'elle ne desservait jamais l’une des deux têtes de l’hydre bipartite, dès lors qu’elle acceptait de passer son tour en attendant le suivant.

 

jospin.jpg

Mais la configuration de la dernière présidentielle a éveillé les consciences, avec cinq candidats qui ont dépassé les 9%, une configuration unique dans la Ve République qui a laissé place, un mois plus tard, à une assemblée bien plus uniforme que ne laissaient présager les votes du 22 avril. Une démocratie peu représentative qui inquiète, surtout quand la troisième force politique française en 2012, le Front national, fonde son discours sur une vision poujadiste du "tous pourris". Sa poussée n’a plus rien de conjoncturelle. Et si en 2002, Jean-Marie Le Pen avait dépassé l’un des deux pour parvenir au second tour, tout porte à croire que l’accession future de Marine Le Pen laisserait sur le carreau les deux en même temps… Et Lionel Jospin qui fut écarté en 2002 du second tour est mieux placé que quiconque pour le savoir.

Après plusieurs mois de travail, la Commission Jospin, qui a beaucoup consulté, a donc prévu de nombreuses propositions dans son escarcelle, pour tenter de réparer ces injustices démocratiques et pour ainsi éviter qu'elles ne deviennent matière à une insurrection par les urnes.

Au programme, l'interdiction du cumul d'un mandat de parlementaire avec un mandat "d'exécutif local" (maires et adjoints, des présidents et vice-présidents des groupements de communes, de conseil général et de conseil régional), la mise en place de 10% de proportionnelle, un parrainage citoyen de 150.000 signatures qui pourra remplacer les 500 signatures de maires et d'élus actuellement en place, et la révision du statut pénal du président de la République.

 

L'éternelle crainte

 

Immanquablement, si ces mesures venaient à être adoptées, reviendrait l’éternelle crainte : qu'est-ce qui empêcherait alors le Front national d’entrer plus massivement à l’assemblée ?

D’une part, il convient de rappeler que l’on ne combat pas le Front national en tronquant la démocratie. Ce n’est pas en empêchant la représentativité que l’on honore la République. Bien au contraire, cette situation ne fait que renforcer sa position de victimisation qui continue d’alimenter généreusement la réserve de ses voix. Le Front national a toujours puisé sa force dans la frustration, la déception et la colère des citoyens. Faire perdurer une iniquité démocratique reviendrait à mettre en place une bombe à retardement. Et nous avons déjà vu en 2012, que même une démocratie arrangée n’empêchait plus le Front national d’entrer au Palais Bourbon.

D’autre part, on peut estimer que la part de proportionnelle proposée par la Commission Jospin est plus que limitée : avec 10% seulement de sièges, soit 58 au total, on peut estimer que le risque pris est dérisoire.

C’est sans doute la raison pour laquelle la Commission n’a pas jugé nécessaire d’instaurer un seuil minimal comme en Allemagne, où il faut atteindre la barre de 5% pour être représenté. Un simple calcul permet de voir que 1,72% des voix suffiront pour avoir un député. Sur le vote de juin dernier, le Front national aurait donc ajouté huit sièges à ses deux obtenus, soit 10 députés. Pas donc de quoi voir une vague brune déferler dans l’hémicycle, surtout si on se souvient que la véritable proportionnelle instaurée en 1986 leur avait offert 35 sièges.

Finalement, la Commission Jospin risque en réalité d’offrir une bien mauvaise nouvelle pour les cadres du Front national : celle de la limitation du cumul de mandat. Marine Le Pen était ainsi candidate aux législatives, aux européennes, aux municipales, aux régionales…

À l’exception notable des cantonales et de miss Hénin-Beaumont, la présidente du Front national s’est montrée au moins aussi boulimique que les cadres du système qu'elle dénonce pourtant dans ses discours. Une perspective qui laisse craindre des candidats sortis de derrière les fagots pour les prochaines élections à venir, à l’image des dernières cantonales :

 

Quiz élections cantonales : Mireille Barde (FN) par marsactu

On le voit, il n’est pas bien sûr que les conclusions de la Commission Jospin ne règle tous les problèmes de notre démocratie…

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14 octobre 2012 7 14 /10 /octobre /2012 10:16

Jérôme Boursican est l'avocat de Florence Lamblin, élue EELV, mise en examen dans une affaire de blanchiment d'argent (K. TRIBOUILLARD / AFP)

Jérôme Boursican est l'avocat de Florence Lamblin, élue EELV, mise en examen dans une affaire de blanchiment d'argent (K. TRIBOUILLARD / AFP)

 

La déferlante médiatique n’en finit plus depuis vendredi soir. Florence Lamblin n’était certainement connue que des habitants du 13e arrondissement de Paris, elle qui est adjointe au maire. Et encore, serait-on tenté d’ajouter, tant les citoyens n’ont pas toujours connaissance de l’identité de ceux qu’ils placent eux-mêmes au pouvoir. Aujourd’hui, on ne parle que d’elle. Que d’elle. Et c’est justement ce qui gêne les Verts qui n’ont pas tardé à manifester leur agacement.

 

L’affaire, il faut le dire, est d’une ampleur assez impressionnante. Il est question d’un vaste système de blanchiment à hauteur de 40 millions d’euros qui visait à écouler l’argent de la drogue. Qui mieux que la Suisse, d’où est partie l’affaire, pour expliquer les tenants et les aboutissants d’une affaire complexe tant sur le fond que sur la forme, quand il s’agit de transaction financière dans un pays qui pose toujours le problème de son statut de paradis fiscal en Europe :

 

 

On le voit, chez nos voisins suisses, il n’est pas question de Florence Lamblin, quand en France, il n’est en réalité question que de cela :

 

 

Les Verts tentent de calmer le jeu

 

Chez les Verts, on s’agite pour tenter de calmer le jeu. Denis Baupin, vice-président du groupe écologiste à l'Assemblée nationale et député dans la dixième circonscription de Paris, fait valoir sa subjectivité et son amitié en guise d’argument :

 

"Je la connais assez bien puisque c'est une élue dans un arrondissement dont je suis député (le 13e arrondissement). C'est une élue très impliquée dans la ville politique de son arrondissement et dans le mouvement. Elle défend ses convictions, elle est dévouée. J'ai beaucoup de mal à croire tout ce que je lis et ce que j'entends depuis ce matin. Ça ne correspond as du tout à ce que je sais de Florence Lamblin. J'invite tout le monde à garder beaucoup de modération."

 

Et l’élu Vert de regretter que seul le nom de Florence Lamblin ne soit sorti :

 

"Il ne s'agit pas de nier cette histoire de trafic. Mais on jette son nom en pâture parce que c'est la seule personne connue (sic). Mais si elle est innocente, c'est toute son activité politique et tout sa vie personnelle qui est jetée en pâture."

 

Connue, Florence Lamblin ? Certainement pas. En revanche, les Verts, eux, sont bien connus et surtout dans le viseur à en croire Yves Contassot, conseiller de Paris : Florence Lamblin est "la seule" dans ce dossier "dont le nom est jeté en pâture (...) Ce n'est pas totalement le fruit du hasard", a-t-il avancé, évoquant la "quasi-instantanéité" des réactions de l'opposition qui a notamment dénoncé la "permissivité" de la gauche.

 

La droite, il est vrai, n’a pas attendu pour sauter à la gorge des Verts, dans leur globalité, quand l’affaire ne citait qu’un nom et un seul dans leur rang, comme en attestent les propos du patron de l’UMP parisienne Philippe Goujon :

 

"L'approche par les Verts et le PS de la question de la drogue, qui passe pour les Verts par la légalisation et pour certains socialistes par la dépénalisation, créé un climat favorable, permissif, qui fait que certains ne voient pas la différence entre le licite et l'illicite, entre le bien et le mal".

 

Et la présomption d'innocence ?

 

Monsieur Goujon semble tout de même tirer un peu hâtivement des plans sur la comète et faire fi de la présomption d’innocence d’autant que si l’affaire, en l’état, semble poser un problème avec l’argent, rien ne permet de dire que l’élue Verte soit en relation avec l’affaire de drogue comme le rappelait son avocat hier :

 

"S'il y avait quelque chose, ce serait tout au plus le fait de ne pas avoir déclaré 350.000 euros à l'ISF."

 

Oui, mais c’est sans doute là que réside le hic pour les Verts. Car, on se souvient des jugements sans concession d’Eva Joly à l’égard d’un Eric Woerth, ou de ses prises de position dans la moindre affaire judiciaire... même a posteriori. Ainsi, quand on lui demandait si elle connaissait DSK à l’époque où le Sofitel n’était pas passé par là, la future candidate à la présidentielle avait répondu, sarcastique : "Je le connais bien Dominique Strauss-Kahn, je l’ai mis en examen."

 

Les Verts se sont toujours posés sur une ligne "ultra-moraliste" concernant l’argent et les affaires. L’éthique leur a toujours semblé une discipline non négociable, et leurs cadres ont souvent appelé à la démission ceux qui étaient même juste suspectés d’être dans des affaires. La lutte contre la corruption avait même été un des piliers centraux de leur programme lors de la dernière présidentielle.

 

Aussi comment accepter qu’une élue, puisse "tout au plus" ne pas avoir déclaré 350.000 euros à l’ISF, puisque c’est la moindre de choses que l’avocat daigne à admettre ? Et quand on sait leur précaution et leur capacité à tout nier dans la précipitation d’une affaire révélée, l’on est en droit de se demander si pareille concession ne sonne pas comme un aveu.

 

Voilà qui ferait très mal à un parti qui avait fait de sa probité vis-à-vis de l’argent un étendard.

 

Et puis, l’on ne peut s’empêcher de penser que, si la réaction de Monsieur Goujon est caricaturale et outrancière, elle n’en demeure pas moins la monnaie de la pièce à ceux qui, à l’image de Noël Mamère, s’accommodent assez peu de la modération dans les propos. Il avait ainsi accusé Jacques Chirac en pleine Assemblée nationale pour l'affaire des "faux électeurs", ce qui lui avait valu une sanction symbolique. Il avait aussi lancé un appel à la démission de Dominique de Villepin, en 2005 au sujet de l’affaire Clearstream. Dans l’affaire Woerth encore, il avait lancé une formule pour le moins crasse : "Affaire après affaire, le poisson pourrit par la tête."

 

Et, est-ce une surprise de voir aujourd’hui Maître Wallerand de Saint Just, responsable du Front National à Paris et avocat du parti évoquer "une pourriture à tous les niveaux" ? Ce week-end, ce n’est pas les cadres des partis républicains qui empruntent le sémantique du FN, c’est bien l’inverse. À moins bien évidemment de considérer qu’en 2010, Noël Mamère s’était égaré en chemin…

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9 octobre 2012 2 09 /10 /octobre /2012 10:13

Bruno Le Roux, président du groupe PS à l'Assemblée, alors porte-parole de François Hollande, sur le plateau de LCI, le 8 mars 2012, Boulogne-Billancourt (SIPA).

Bruno Le Roux, président du groupe PS à l'Assemblée, pense qu'il y aura une "majorité claire" de gauche pour voter le traité (SIPA).

 

TSCG. Alors qu’il ne fait aucun doute qu'une large majorité de députés votera en faveur de la ratification du traité européen cet après-midi à l’Assemblée nationale, la bataille fait rage pour savoir si la gauche emportera la mise avec ses seules forces. Depuis quelques jours, certains députés de la majorité, et notamment les Verts, ont annoncé leur refus de voter pour.

 

Considérant que le traité était insuffisant à leur yeux. Mais estimant certainement aussi qu’il n’y avait pas besoin de leur soutien, sachant que l’UMP se réjouit déjà de voter un traité préparé de longue date par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel et que François Hollande n’aura finalement amendé que de manière homéopathique, contrairement à sa promesse de campagne.

 

Les frondeurs ne sont pas toujours animés par la bonne foi : combien sont ceux qui refusent de voter la ratification du traité quand ils voteront pour l’adoption du budget 2013, pourtant entièrement fondé sur les critères dudit traité ? L’incohérence avait été relevée au nez de Jean-Vincent Placé, qui l’avait esquivée au prix de digressions grossières. Le manque de cohérence est à souligner et il n’est pas bien certain que tous les députés de gauche n’aient pas d’autres idées en tête en procédant de la sorte.

 

L'Assemblée n'est pas une chambre partisane à réflexes pavloviens

 

Pour autant, comment accepter que Bruno Le Roux, président du groupe PS à l’Assemblée, ait cru bon d’envoyer une missive à l’ensemble des députés de la majorité en leur rappelant qu’il était impératif de respecter scrupuleusement la consigne de groupe en faisant état d’un "règlement" :

 

"Je tiens à te rappeler que l'article 17 de notre règlement prévoit que l'unité de vote est la règle. Les députés qui adhérent au groupe s'engagent à adopter et respecter un mode de fonctionnement collectif. Les questions qui engagent le groupe sont librement débattues mais, une fois la position du groupe arrêtée, la discipline de vote et d'expression est une règle impérative."

 

Comment réduire à ce point l’Assemblée nationale à une chambre pavlovienne qui vote non selon le bien-fondé d’une loi mais au nom de motivations purement partisanes ? Notre pouvoir législatif se résumerait-il à un enregistrement automatique d’un projet provenant directement de l’Élysée ? Assumée d’une manière tellement ostentatoire, cette position est d’un cynisme qui insulte la démocratie et dénature les prérogatives originelles de l’Assemblée nationale.

 

La question ne devrait pas être de savoir si la ratification sera adoptée avec les seules voix de gauche. L’essentiel est tout de même de savoir comment l’on procède pour respecter les termes du traité, avec la réduction du déficit public à hauteur de 3% du PIB dès 2013, quand on sait que le FMI envisage pour l’an prochain une croissance réduite en comparaison des projections établies de manière trop optimiste par le gouvernement Ayrault.

 

Les lubies partisanes de l'hydre bipartite sont stériles

 

En d’autres termes, il est plus intelligent de se demander comment on lutte contre la crise plutôt que de s’écharper pour savoir s’il aura fallu l’UMP pour ratifier le traité. Et quand bien même ce serait le cas, comment ne pas se réjouir de voir que l’immense majorité s’entende et travaille de concert sur un sujet aussi important que l’Europe ? Doit-on subir encore et toujours les turpitudes stériles de l’hydre bipartite quand le sujet ne l’impose même pas ?


Et d’ailleurs, il est éprouvant et exaspérant de voir que le PS (tout comme l’UMP au temps où ce parti avait les manettes) reproduit éternellement les mêmes erreurs. Car la gauche a déjà payé cher de privilégier des lubies partisanes au détriment d’un accord sur des valeurs et sur le "travailler ensemble".

 

N’est-ce pas le PS qui a préféré ignorer le geste historique de François Bayrou dans l’entre-deux tours de la présidentielle ? N’est-ce pas le PS qui a maintenu, en dépit de toute éthique et à la gloire d’un esprit partisan, la candidature de Nathalie Chabanne aux législatives, elle qui finira par déboulonner le président du MoDem ? N’est-ce pas pourtant elle qui votera contre la ratificationquand François Bayrou aurait voté pour ? On appelle cela l’ironie du sort. Cette leçon vaut bien une minorité sans doute.

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30 septembre 2012 7 30 /09 /septembre /2012 09:59

Jean-Vincent Placé, invité de l'émission

Jean-Vincent Placé à "On n'est pas couché" du 29 septembre 2012 (FRANCE 2/YOUTUBE)

 

 

Et si pour une fois, l’on commençait par la fin ? Et si pour une fois, les derniers mots prononcés résumaient à merveille ce que tant de phrases alambiquées traduisaient si mal ? Et si pour une fois la phrase lapidaire l’emportait sur le si long entretien tenu à bâtons rompus avec les polémistes ?

 

Samedi soir, Laurent Ruquier lança en guise de conclusion ces quelques mots pour raccompagner Jean-Vincent Placé dans les coulisses d’ "On n’est pas couché" : "Les idées collectives avant les ambitions personnelles."

 

L'ambition plus forte que les convictions

 

Mais naïf est celui qui imaginerait lire ces quelques mots au premier degré. La puissance de la formule puise sa force ici dans celle de l’antithèse, qui elle même s’abreuve au ruisseau de l’ironie. Surtout faisant suite à la touchante, mais si peu crédible confession du président du groupe des Verts au Sénat, selon laquelle il préférait ne pas être ministre, pour qu’ainsi les idées et les combats des Verts puissent influencer durablement la marche gouvernementale.

 

Parce que ceux qui ont assisté au combat, car ce fut assez musclé, qui a précédé entre Natacha Polony, Aymeric Caron et lui-même, ne pourront qu’en déduire que, s’il y a incontestablement des convictions chez les Verts, l’ambition leur est infiniment supérieure.

 

En réalité, il y eut deux moments dans la séquence politique de ce samedi : du "non" au traité européen et de la pertinence de la participation au gouvernement Ayrault.

 

Le passage de Jean-Vincent Placé à "On n'est pas couché" du 29 septembre 2012 (FRANCE 2/YOUTUBE)

 

Sur le "non" au traité décidé par les Verts, le sénateur de l’Essonne tenta d’être pédagogique, ce qui, de son propre aveu, n’est pas une qualité innée. Qu’il se rassure, il fut assez clair en expliquant qu’il ne pouvait pas cautionner le fait de se priver de marges de manœuvres et d’investissement (référence à la fameuse barre des 3%, qui impliquera une politique d’économie) surtout en temps de crise. Pour lui, une politique de gauche s’accommode mal de la rigueur budgétaire, renouant avec le mythe de cette gauche dispendieuse faisant fi de la dette, véritable tonneau des Danaïdes.

 

Dire "non", oui mais en quel nom ?

 

Pour aussi claire qu’elle fut, son analyse ne fit pourtant pas l’économie des certaines zones d’ombre quand il tenta d’expliquer que les partisans de chaque camp ne défendaient pas nécessairement la même cause. Non sans pertinence quand il montra que le "non" de Mélenchon n’était pas le même que celui des Verts, refusant au référendum les vertus prétendues de la démocratie. Pour Jean-Vincent Placé, les questions complexes ne sauraient se résumer à des réponses simplistes et manichéennes, telles que "oui" ou "non".  

 

Mais qu’il fut plus obscur de comprendre en quoi le "oui" de Fillon ou de Copé était différent de celui de François Hollande, au nom d’une sibylline politique des "petits pas" engagée par le président de la République, et qui laissera perplexe plus d’un citoyen à l’écoute. La manie de classer chez les libéraux les cadres de la droite, en exonérant ainsi ceux de la gauche a certainement dû faire beaucoup rire Jean-Luc Mélenchon et ses amis.

 

C’est à ce moment précis que le si sûr de lui Jean-Vincent Placé trébucha. À en perdre l’équilibre jusqu’au bout. À la question de savoir si les Verts auraient engagé le même bras de fer avec le gouvernement si le "oui" n’était pas assuré, sachant que l’UMP voterait pour un traité que Nicolas Sarkozy avait en grande partie concocté avec Angela Merkel, le sénateur esquiva en qualifiant de désobligeante cette interrogation. Avant de sécher complètement sur la question qui fâche : comment les Verts peuvent-ils être contre le traité européen, et voter pour le budget 2013 dont l’essence même résulte des restrictions budgétaires du dit traité ?

 

Les écologistes, avaleurs de couleuvres depuis mai 2012

 

Ce fut alors le début d’un long chapitre sur la pertinence de la participation des écologistes dans un gouvernement, contraints et forcés à renoncer jour après jour à leurs idéaux, depuis le nucléaire, jusqu’à l’affaire Nicole Bricq en passant par le droit de vote des étrangers et le cas des Roms. Comment les Verts peuvent-ils perdurer à avaler tant de couleuvres si ce n’est à vouloir préserver des postes d’influence quitte à perdre tout ou partie des militants ?

 

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Jean-Vincent Placé échoua, durement et terriblement, à démontrer que les Verts ne perdaient par leur âme à avoir pactisera avec Hollande.

 

Tout d’abord, il expliqua qu’il ne pouvait pas imposer les éléments du programme d’Eva Joly car la démocratie avait tranché. En d’autres termes, le faible score obtenu par les Verts les empêche de pouvoir imposer leurs combats. Mais quand la démocratie a ainsi tranché, pourquoi alors vouloir la contourner en acceptant d’intégrer un gouvernement qui ne respectera pas vos principes ?

 

Des principes qui étaient pourtant non négociables, comme le rappela Aymeric Caron quand il proposa en guise de preuve irréfutable cette déclaration de Cécile Duflot en mars 2011, et qui ne laisse planer aucun doute sur la victoire de l’ambition sur les convictions : "On n’imagine pas des ministres écologistes dans un gouvernement avec la gauche qui ne participerait pas à un engagement de la sortie du nucléaire."

 

Aymeric Caron et Jean-Vincent Placé dans

Aymeric Caron et Jean-Vincent Placé dans "On n'est pas couché" (FRANCE 2/YOUTUBE)

 

Les convictions ne sont rien face à un beau fauteuil de ministre

 

Alors bien évidemment, le président du groupe écologiste au Sénat a le beau rôle en jouant la carte de la sincérité en reconnaissant qu’être nommé ministre lui aurait fait plaisir, ou encore qu’il avait tenu à être présent à la Bastille sur la scène aux côtés de François Hollande, histoire que l’on pense à lui. Il a des ambitions et ne s’en cache pas. Tout en jouant la carte de la modestie en affirmant, avec le masque de la sincérité, qu’il préférerait ne pas être ministre et voir sa cause avancer.

 

Mais quelle crédibilité accorder à ces confessions, et comment ne pas y voir des concessions purement hypocrites ? Depuis mai 2012, aucune des décisions de Verts ne cadre avec l’adage selon lequel les idées collectives passent avant les ambitions personnelles. Aucune. Et ce n’est pas l’opportunisme modeste décliné par Jean-Vincent Placé samedi soir sur le plateau de Laurent Ruquier qui permettra d’affirmer le contraire.

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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 09:47

Valérie Trierweiler et Ségolène Royal (FEFERBERG/ EVRARD/AFP).

Valérie Trierweiler et Ségolène Royal (FEFERBERG/ EVRARD/AFP) 

 

On a souvent tendance à croire que l’émission de Laurent Ruquier mélangeait un peu trop les genres pour être réellement prise au sérieux. Certains lui contestaient même son "moment politique", généralement placé en début d’émission, soit parce qu’un des polémistes n’était pas assez à gauche, ou alors trop engagé sentimentalement avec un membre influent de la vie politique, soit parce que l’humour et le people s’invitaient lourdement à des débats qui demandaient davantage de sérieux.

 

Ne mélangeons pas "people" et "politique"

 

Pour autant, la rentrée d’"On n’est pas couché", hier soir, a accouché d’un moment savoureux, qui tord quelque peu le cou aux préjugés sur la question. L’on passera vite sur l’arrivée d’Aymeric Caron qui, malgré un talent incontestable, a toutefois surjoué une agressivité de pacotille (ce qui n’altère en rien ses nombreuses remarques d’une incontestable et savoureuse justesse) pour s’intéresser au plat principal de l’émission.

 

Et ceux qui ont cru qu’Olivier Falorni était celui-là se sont lourdement trompés. En effet, Anna Cabana, journaliste pour "Le Point" et Anne Rosencher, sa consœur à "Marianne" (co-auteures du livre "Entre deux feux", qui retrace les conséquences nucléaires du tweet de celle que l’on ne sait plus comment appeler) ont pu constater que présenter un livre politique chez Ruquier n’est en rien comparable à une après-midi sur le divan de Michel Drucker.

 

Et l’émission de montrer que l’on n’était certainement pas prêt à confondre people et politique, Aymeric Caron allant même jusqu’à qualifier le best seller de cette fin d’été de "soap opera".

 

Il faut dire que l’appréciation d’une série de livres sur le triangle impossible Royal/Hollande/Tierweiler a de quoi laisser dubitative la profession journalistique et les citoyens par la même occasion. Dire qu’il y a débat est un euphémisme. Jean-Michel Aphatie avait pour le moins déconsidéré ce journalisme lors de la rentrée du "Grand Journal", ne voyant pas grand intérêt à un événement qui ne relevait pas du champ politique. Bruno Roger-Petit, ici même, lui avait répondu que bien au contraire, l’on n'avait peut être pas tout encore vu et que ce n'était pas le moment de circuler, justement.

 

Royal et Trierweiler, sujet digne d'intérêt (ou pas)

 

Maurice Szafran, PDG de l’hebdomadaire "Marianne", avait quant à lui délivré cet été (Marianne du 25 août) une analyse plus fouillée dans un édito qui présentait les bonnes feuilles de l’ouvrage, édito qu’il faut lire sans occulter le fait qu’une des co-auteures, Anne Rosencher, travaille pour l’hebdomadaire.

 

Et si l’on ne s’attarde pas trop sur une plume dont la complaisance est parfois tellement obséquieuse qu’elle en devient grotesque (“avec une grande finesse psychologique”, “travail étonnant d’écrivain”, “elles narrent, grâce à la force d’une remarquable enquête et d’une écriture aussi travaillée qu’épurée”…), Maurice Szafran a tout de même eu l’honneur d’argumenter deux points d’importance sur la légitimité d’un tel ouvrage. Parlant du travail des auteurs, il affirme ainsi qu’elles se “contentent de révéler, de raconter, de mettre en perspective. Travail indispensable de journalistes. (…) À un livre politique, il ne faut pas davantage demander”.

 

Mais au-delà de l’objet livre lui-même, l’éditorialiste s’est efforcé de théoriser sur le travail même du journalisme, témoignant d’un acte manqué, celui qui, réussi, aurait permis d’éviter le “tweet fatal” : “Comment ? En racontant, tout simplement. En racontant comment Valérie Trierweiler s’est infiltrée dans une campagne électorale où, selon les préceptes hollandais, elle n’avait rien à faire…”.

 

Exploitation mercantile d'un drame bourgeois

 

Angle pour le moins intéressant mais qui fait l’économie, et non des moindres, de l’échelle du temps. Car ce qui aurait eu la dimension d’une œuvre journalistique en mars 2012 ne devient plus, à l’automne, que l’exploitation mercantile et impudique d’un drame bourgeois, qui aurait davantage sa place en une d’un de ces tabloïds que l’on lit dans une salle d’attente du médecin ou chez le coiffeur.  

 

C’est sur ce terrain qu’Anna Cabana et Anne Rosencher ont dû argumenter sur le plateau de Laurent Ruquier samedi soir. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles n’ont convaincu personne, ni les polémistes, ni Laurent Ruquier – qui n’est pourtant pas le dernier à se régaler de détails croustillants – ni les invités, et encore moins le spectateur, médusé de voir la piètre argumentation de celles qui étaient hier soir sur le banc des accusées.

 

La première des pierres fut jetée par Patrick Chesnais qui, avec la spontanéité d’un citoyen lambda, a remis les deux journalistes devant la dure réalité de l’objet du livre qu’elles ont commis : “Vous ne croyez pas que tout le monde s’en fout ? Ca ne sortira pas de Paris…”. Le propos est sans doute cruel, mais il est d’une vérité troublante : en quoi un tweet, qui relève d’une querelle amoureuse, peut-il relever du champ politique ?

 

Qu’est-ce donc que cette affaire sinon les tumultes chaotiques de la Cour de l’Elysée et d’une rivale qui rêvait d’y être ? En quoi cette décadente peinture du microcosme parisien de la haute société peut-il décemment avoir une influence sur le traité européen qui sera signé prochainement, sur les économies qui seront nécessaires sur le budget 2013 pour respecter les engagements de notre pays vis à vis de Bruxelles, et sur la réforme de la formation initiale des enseignants, dont la promesse ressemble de jour en jour à l’arlésienne ?

 

Le succès commercial tient lieu de légitimité journalistique

 

À cela Anna Cabana n’eut qu’une réponse, qu’elle répéta tout au long de son passage, un gimmick qui sentait tant le réchauffé qu’on l’imagine décliné à toutes les sauces dans les soirées parisiennes où elles déambulent, fières de leur “coup” : “Le livre marche du feu de Dieu !”.

 

Le succès commercial tiendrait donc lieu de bouclier de légitimité. On a fustigé, en d’autres lieux et en d’autres temps, la télé-réalité pour des arguments de même acabit. D’ailleurs, Natacha Polony, en harmonie totale avec son nouveau confrère sur le sujet, lança en fin de séquence un tonitruant “Closer et Voici aussi, ça se vend” pour rappeler la bassesse de l’argumentation, et davantage encore la piètre portée de l’objet dont elles s’enorgueillissent de plateaux en micros.

 

Raillant des incursions déplacées et burlesques de Corneille et de Racine, Aymeric Caron rappela, non sans talent, qu’il y avait tromperie sur la marchandise, puisque l’on vendait de la pièce de boulevard pour un morceau noble de tragédie.

 

Claude Brasseur, en verve, en rajouta une louche avec une franchise désarmante : “Tout ça ce sont des histoires de bonnes femmes qui m’emmerdent”. Au-delà de la goujaterie de l’expression, comment ne pas, en effet, déceler ici la futilité de ce qui se veut être de l’analyse politique ? Car les deux journalistes n’en démordent pas : ce tweet a tout d’une affaire politique, qui mérite développement et analyse. “C’est le deuxième boulet de Hollande. Ça intéresse les gens ça !”, s’époumone alors Anne Rosencher.

 

Flatter le voyeurisme du public ne justifie pas tout

 

Mais en quoi le fait que cela “intéresse les gens”, surtout quand cela flatte leur voyeurisme et leur propension à s’émouvoir des rivalités des notables de notre pays, rend-il ce livre légitime dans la perspective politique qu’il entend offrir ? A partir de quand peut-on même affirmer qu'en focalisant sur certains événements, c’est le jeu médiatique qui influence et par là même manipule l’appétence des citoyens pour un tel sujet ?

 

En d’autres termes, l’intérêt pour une affaire qui a tout d’un pet de nonne circonscrit au 7ème arrondissement de Paris pourrait-il dépasser ses frontières si les médias ne relayaient pas à outrance l’affaire, eux qui sont concentrés dans le même périmètre ? Reflète-t-on ici la France telle qu’elle pense, telle qu’elle sent, telle qu’elle est ?

 

Maurice Szafran avait donc raison : ce livre pose véritablement le problème du rôle du journaliste dans la société. Mais de toutes évidences, il n’apporte pas les bonnes réponses. Bien au contraire. Tout n’est que fourvoiement et mascarade.  

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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 09:29

Jean-Marc Ayrault lors son discours de politique générale à l'Assemblée nationale le 3 juillet 2012 (CHESNOT/SIPA).

 Jean-Marc Ayrault lors son discours de politique générale à l'Assemblée nationale, le 3 juillet 2012 (CHESNOT/SIPA).

 

"Oyez, oyez braves gens". Approchez et venez voir un spectacle comique sans précédent. Jamais caricature n'aura aussi bien porter son nom. Grimaces, mines effarouchées, quolibets répondant aux emphases, à l'Assemblée nationale, les cracheurs de feu rivalisent avec les bonimenteurs.

 

Quelle République peut-elle s'enorgueillir des grotesques processions auxquelles se sont livrés les députés de l'opposition, mercredi, au palais Bourbon, à la suite du discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault ? 

 

Appauvrissement du débat public

 

Ne comptez pas sur moi pour participer au concert en couvrant de louanges le Premier ministre. Oui, le discours était trop long. Oui, la forme a voulu l'emporter sur le fond. Oui, l'incantation a fait place aux mesures concrètes. Cent fois oui.

 

Il y aurait tant à dire sur les doutes qui entourent l'action gouvernementale, comme vient de le rappeler la Cour des Comptes, qui a donné ses gages de confiance non pas au programme de François Hollande mais bien à celui de François Bayrou.

 

Pour autant, doit-on se laisser aller à l'outrance pour souligner ses réserves ? La République, en crise, tant économique que politique, quand elle laisse ses portes ouvertes au Front national, peut-elle se permettre de laisser libre cours au crétinisme bipartite qui puise sa force dans la réplique pavlovienne et la rhétorique de toc ?

 

Voir des énarques, des haut-fonctionnaires, des élus du peuple utiliser des termes que des gamins de collège pourraient user pour railler un de leur camarade n'a rien de dérisoire : c'est l'expression même de l'appauvrissement du débat public, et à court terme, la validation du discours de Marine Le Pen.

 

Des formules rhétoriques laborieuses

 

Eric Woerth, qui ferait mieux de s'inquiéter de la perquisition du bureau de Nicolas Sarkozy, a presque fait dans la mesure en qualifiant le discours de Jean-Marc Ayrault de "lent, long, laborieux, pas clair : c'est du Hollande en moins bien".

 

Luc Chatel a quant à lui fait dans le pastiche laborieux de La Fontaine, digne d'une mauvaise copie de terminale et que la décence m'interdit de reproduire ici, avant de sur-jouer le pathos : "le moment est douloureux pour les Français". Décidément, même dans le rôle d'opposant, Chatel reste un homme politique cosmétique.

 

Christian Estrosi fait, lui, avec les moyens du bord et plonge dans les trésors de ressources lexicales que son esprit s'est chargé de construire depuis cinq décennies à présent en affirmant n'avoir jamais vu de discours "aussi nul".

 

François Fillon et Christian Jacob s'allient, juste le temps d'une seule journée, au moins dans l'outrance, le premier prévoyant "une catastrophe économique et sociale" quand le second craint de voir "s'asphyxier l'économie".

 

Jean-François Copé se démarque en jouant la redondance : ainsi il se dit "extrêmement préoccupé" d'avoir entendu des "formules extrêmement générales"... Le géniteur de la stratégie du "ni-ni" de l'UMP au cours des législatives se sent visiblement à l'aise dans la déclinaison de l'extrême.

 

Un spectacle déshonorant

 

Il est tout de même assez affligeant de constater le niveau de tous ces commentaires. Il ne fait guère de doutes qu'ils avaient été préparés à l'avance. Tout juste peut-on apprécier que la cohésion des éléments de langage de l'ère sarkoziste vole en éclats. Mais la varité du verbe n'y fait rien : la pauvreté de l'esprit reste en l'état.

 

Mais le plus grave dans cette expression du crétinisme bipartite reste le cynisme d'un groupe d'opposition qui ne se cache pas de ses intentions, le feu qui anime tant d'animosité : la vengeance.

 

"Il faut cogner tout de suite, leur faire vivre ce qu'ils nous ont fait en 2007", expliquait mercredi matin Eric Woerth, avant le grand oral du Premier ministre.

 

Spectacle déshonorant et dangereux d'une politique qui se complait dans cette posture absurde. L'opposant ne construit pas : il bêle son désamour en attendant son tour. "C'est pas moi qu'a (sic) commencé M'sieur".

 

Claude Bartolone a cru être élu au perchoir. Mais il n'est pas bien sûr qu'il n'ait pas en réalité hérité du titre moins honorifique de Conseiller principal d'éducation (CPE).

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24 mai 2012 4 24 /05 /mai /2012 09:06

Arnaud Montebourg à paris le 08/11/11 (FRANCOIS GUILLOT/AFP)

Arnaud Montebourg à paris le 08/11/11 (FRANCOIS GUILLOT/AFP) 

 

L’Affaire Montebourg fait grand bruit à droite. Rendez-vous compte ! Il a osé dire à propos de Sea France : "On ne fera pas de miracle, mais on peut dire à la SNCF que s'ils sont des incapables et qu'ils ont mis des escrocs à la tête de SeaFrance, ils vont l'aider à se relever". Et il fut condamné à la hauteur de son forfait : 1 euro…

 

Rappelons que l’inattaquable gestion de "Sea France" s’est soldée par une mise en liquidation en janvier dernier…

 

Levée de boucliers à droite contre Montebourg

 

Alors, il fallait réagir. La première à dégainer fut Nadine Morano, qui est à la réflexion ce que la purée Mousline est à la gastronomie française :

 

 

Et Copé de lui emboîter le pas :

 

"Je n'ai pas pour habitude de commenter les décisions de justice (...) La seule chose qui me paraît intéressante dans cet épisode, c'est de savoir quel sera le comportement du président Hollande, qui a donné à notre famille politique pendant des mois et des mois toutes les leçons de morale possibles, y compris en demandant systématiquement de couper la tête des ministres du gouvernement Sarkozy dont il bafouait régulièrement la présomption d'innocence".

 

Il est vrai que les "affaires" qui ont secoué la Sarkozye étaient en tous points comparables avec "l’affaire Montebourg" : Brice Hortefeux et Claude Guéant coupables de dérapages à la limite de la xénophobie (même si la justice fut pour le moins clémente), Eric Woerth et l’affaire Bettencourt qui laisse un doute ineffaçable sur les compte de campagne du vainqueur de la présidentielle de 2007 , l’affaire des "cigares" de Christian Blanc, secrétaire d’Etat qui fit payer ses cigares personnels sur le budget de l’Etat…

 

Et combien en passé-je de plus vertes et de pas mûres… Toutes ces peccadilles ne sont rien à côté de l’horrible "délit" d’Arnaud Montebourg : pensez-donc ! Injure publique ! Haro sur le baudet : démission ! Que la peste soit éradiquée.

 

L'opposition : un navire à la dérive

 

Vous voilà exposé l’exemple même du crétinisme bipartite. L’opposition en France est devenue un fantoche rhétorique, qui puise sa force dans la mauvaise foi et l’outrance. Peu importent les idées, pourvu que la disgrâce soit scandée.

 

Et le programme de l’UMP est lancé pour le quinquennat à venir : s'opposer. S’opposer à une idée sous le fallacieux prétexte qu’elle est l’œuvre du camp d’en face n’est pas rendre service au pays en temps normal. Ça devient un crime quand ce même pays est en crise.

 

Cette conception de la politique est insupportable. La seule force susceptible d’aider à faire voter des lois qui vont dans le sens de notre pays tout en comptant sur une vigilance redoublée par rapport à la gestion financière de notre état est celle présentée par François Bayrou, et que je représente en ma qualité de candidat aux législatives sur la 1ère circonscription du Nord : Le Centre pour la France.

 

Pour que l’opposition ne soit plus sans épithète mais pour qu'elle soit au service des Français : accompagnée donc de l’épithète "constructive". L'équilibre de l'Assemblée et des pouvoirs ne peut se faire avec un parti qui veut imposer une majorité de blocage. Seule une minorité d'arbitrage propre à voter les lois qui lui paraissent servir les Français tout en restant vigilants sur l'état de nos finances, apte au dialogue sera à même d'accompagner le gouvernement de François Hollande pour le bien de notre pays. 

 

Notre seul adversaire, le seul, c’est l’hydre bipartite : ce monstre à deux têtes qui, dos à dos, tente de se décapiter, non sur le bûcher des idéaux mais sur celui des ego.

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1 avril 2012 7 01 /04 /avril /2012 08:50

La tuerie de Toulouse ne laissera pas la France indemne. Au-delà de l’horreur des crimes perpétrés par le désormais tristement célèbre Mohamed Merah, il faut bien reconnaître que l'affaire marque, dans la présidentielle, un tournant que n’avaient fait qu’envisager les scénaristes de la série "Les Hommes de l’ombre" (puisque la piste islamiste n’est pas la bonne dans la série) et que Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy n’auraient pas imaginé en rêve. Le retour de leur marotte.

 

Face à deux candidats qui semblent se nourrir de ce choc des civilisations, à grands coups de déclarations, de petites phrases et de propositions les plus outrancières, il convient d’être nuancé. De faire la part des choses. Et, sans doute aussi, de laisser le temps faire son œuvre, car il n’y a aucun bénéfice à faire figure de prophète visionnaire qui aurait compris avant les autres les racines du mal. La seule priorité est d’approcher la vérité, quel que soit le temps que cela prendra.

 

En marge de la tournée de promotion du film dans lequel il partage l’affiche avec Alain Chabat, "Sur la piste du Marsupulami", Djamel Debbouze a cru bon de devoir s’exprimer sur le sujet, oubliant qu’un comédien n’avait pas toujours vocation à parler politique. Sa déclaration fut recueillie par les journalistes belges du quotidien "Le soir" :

 

"C'est terrible ce qu'on est en train de faire avec cette histoire de Toulouse. Au lieu de dire que Mohamed Merah est un marginal, que son acte est un acte isolé, on lui donne une idéologie qu'il n'avait pas au départ, c'est certain. Je les connais les Mohamed Merah, il y en a plein des Mohamed Merah mais qui ne deviennent pas des Mohamed Merah. Là, on est en train de mettre dans la tête de jeunes qui ont le potentiel de Mohamed Merah de devenir des Mohamed Merah."

 

Djamel Debbouze, le 05/01/2012. (BALTEL/SIPA)

 Djamel Debbouze, le 05/01/2012. (BALTEL/SIPA)

 

Puis l’acteur ajoute :  

 

"N'importe quel frustré est un malade potentiel. On le sait. N'importe qui peut basculer. Je me demande d'ailleurs comment le monde reste aussi équilibré. Les gens devraient être encore plus fous que ça. (...)  Un gamin instrumentalisé par la société - il est sorti frustré de prison ; on lui a dit non pour le service militaire ; on lui a dit non pour la Légion où, normalement, on accepte tout le monde) - exclu de la société, a tous les risques de basculer."

 

Sachant qu’il a ensuite confessé : "Je suis de gauche. Je vais voter François Hollande. C'est clair et net", il n’est pas bien sur que le candidat socialiste goûte ce soutien qui pourrait devenir quelque peu dérangeant…

 

Des accusations graves

 

L’analyse proposée par Djamel Debbouze a de quoi laisser songeur. D’autant qu’elle est fondée sur un paradoxe : d’un marginal, Merah devient le fruit des injustices de la société française qui ne demande qu’à se reproduire…

 

Mais au-delà de la contradiction que l’on mettra sur le compte de l’émotion mal maitrisée (mais quelle idée alors de laisser sa subjectivité s’épancher de la sorte dans la presse…), les accusations de Djamel Debbouze sont graves puisque l’origine du mal serait donc, selon lui, purement sociale et politique. Ce qui sous-entend que la France serait elle-même responsable de la situation. Que notre République aurait donc fini par payer, lourdement certes, mais logiquement, une politique d’exclusion.

 

On peut légitimement regretter les manquements de notre système à l’égard des quartiers et des périphéries. Mais on ne peut omettre par ailleurs que notre République sait aussi se montrer généreuse. Ne garantit-elle pas l’école gratuite pour tous ? Les ZEP,  même si les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs, ne tentent-elles pas de donner plus, là où il y a moins ? Et qui oserait nier, à moins d’être cynique ou aveugle, que notre système d’intégration, malgré d’incontestables ratés, fonctionne globalement bien ? Même si encore une fois, les discriminations sont réelles et ne doivent aucunement être minorées.

 

Et sans même s’attarder trop longuement sur ce champ politique, comme oser prétendre que ce sont les manquements de notre République qui pourraient expliquer pareil déséquilibre ? Comment oser prétendre que tout ceci est "explicable" ? Comment oser s’étonner qu’il n’y ait pas davantage de passage à l’acte ? La France nourrirait-elle en son ventre la vocation de ses propres assassins ? Et ne serait-ce pas aussi en partie comprendre l’acte de Mohamed Merah que de dire que tout ceci est "explicable" ?

 

La République jugée responsable

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les propos de Djamel Debbouze sont non seulement maladroits, amateurs, et de piètre consistance, mais ils sont aussi dangereux car la stigmatisation qu’il semble dénoncer est loin de s’atténuer à la lueur de ses propos : bien au contraire ils la renforcent.

 

Jeannette Bougrab, secrétaire d’Etat à la Jeunesse, n’a pas du tout apprécié la sortie de l’acteur d’"Indigènes". Le qualifiant d’"irresponsable", elle a livré au micro d’Europe 1 :  "Expliquer que la dureté de la société dans les quartiers fait que, après tout, il y a plein de Mohamed Merah, c'est grave. Déresponsabiliser les individus en leur disant "c'est normal, vous vivez dans telle ou telle partie du territoire", de la part de quelqu'un qui vit dans le 16ème arrondissement, c'est un peu gênant".

 

Alors on peut toujours se dire que Djamel a dérapé et qu’il a sorti ce qui lui passait par la tête sans prendre conscience de la teneur véritable que revêtaient ses propos. Il n’empêche, ils sonnent lourd dans un tel climat et surtout dérangent quand ils font écho à ceux d’une autre personnalité, autrement plus sulfureuse cette fois-ci : Tariq Ramadan.

 

Sur son blog, puis plus tard dans "Le Monde des religions", le rhéteur suisse a tenu à faire partager ses analyses de la situation. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ses propos détonnent. Reconnaissant que les actes de Merah sont inexcusables et que ses pensées vont aux familles des victimes, il enchaîne avec un raisonnement, certes plus fouillé, mais assez proche de la thèse de Djamel Debbouze, dont la péroraison résume parfaitement l’essentiel : "L’histoire de Mohamed Merah renvoit la France à son miroir : il finit jihadiste sans réelle conviction après avoir été un citoyen sans réelle dignité. Cela n’excuse rien, encore une fois, mais c’est bien là que se terre un enseignement crucial."

 

Et le petit fils du fondateur des Frères Musulmans de conclure :

 

"A Toulouse et Montauban, la France s’est effectivement retrouvée face à son miroir : cette crise a révélé, si besoin était, que les candidats ont cessé de faire de la politique, non pas seulement deux jours durant en hommage aux victimes, mais depuis bien des années.  (…) Mohamed Merah était un Français (dont le comportement était aussi éloigné du message du Coran que des textes de Voltaire) : Est-ce donc si difficile à concevoir et à admettre ? Cela fait donc si mal ? Tel est bien le problème français."

 

Avec quelle habilité Tariq Ramadan, dont le double discours n’est un secret pour personne, lui qui condamnait les attentats perpétrés contre Charlie Hebdo tout en sous entendant que l’hebdomadaire satirique l’avait bien cherché, pointe la seule responsable de la tuerie : la République de France elle-même !

 

Pour cet adepte du choc des civilisations, et qui du point de vue des moyens de parvenir à ses fins, rejoint la stratégie de ceux qui font de l’Islam un ennemi qu’il faut combattre, l’occasion était trop belle. Pourquoi dénoncer l’instrumentalisation de l’Islam, les camps organisés en Afghanistan ou au Pakistan, la radicalisation des certains littéralistes qui souillent les musulmans dans leur ensemble quand il est plus savoureux de condamner sans hésiter la France ?

 

Merah, victime de la société française ?

 

Comme il l’avait fait pour l’affaire de Charlie Hebdo, avec quel sournois cynisme, il use et abuse de la concession en reconnaissant que cet acte est affreux, tout en insistant lourdement sur la personnalité presque attachante de Mohamed Merah, en le décrivant comme "gentil", "d’humeur très joyeuse et festive", "un grand adolescent, un enfant, désœuvré, perdu, dont le cœur est, de l’avis de tous, affectueux"…

 

Merah a fait un acte abject, il le concède, mais il n’en fait pas le premier responsable : "un pauvre garçon, coupable et à condamner, sans l’ombre d’un doute, même s’il fut lui-même la victime d’un ordre social qui l’avait déjà condamné". Ramadan fait donc de Merah, autant qu’un coupable, une victime. Et son bourreau à un nom : la République française.

 

"Je suis la plaie et le couteau, la victime et le bourreau", écrivait Baudelaire dans un chiasme célèbre. Une formule qui à en croire Ramadan correspondrait assez bien à Mohamed Merah, l’homme qui a tué de sang froid trois militaires sur un terrain civil de même qu’un homme et trois enfants parce qu’ils avaient eu le mauvais destin d’être nés juif. Et un bourreau parce qu'il est avant tout victime de la République ! Ad nauseam.

 

Alors se pose la seule question qui vaille à la comparaison des deux analyses proposées : Djamel Debbouze donnerait-il raison à Tariq Ramadan, en faisant de Merah la victime du système français qui laisse à l’abandon tout une partie de la société ?

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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 20:51

Alors que mardi résonnait encore, y compris dans le tumulte de son équipe de campagne, Jérôme Cahuzac en tête, la proposition de François Hollande qui visait à taxer à 75% les plus riches de nos compatriotes, Soir 3 avait diffusé un reportage, ô combien instructif, sur les exilés fiscaux. Le reportage explique qu'ils sont peu nombreux à vouloir se faire interroger.

 

Pourtant, l'un d'entre eux n'a pas hésité à témoigner. Son nom ? Paul Dubrule, le co-fondateur d'Accor, cette fameuse chaîne d'hôtels qui abrite F1, Etap Hotel, Ibis, Mercure, Novotel et le fameux Sofitel, dont la renommée n'est plus à faire grâce à DSK. Le moins, que l'on puisse dire, c'est que l'homme s'exprime sans pudeur :

 

M. Accor a parlé... par snoopyves1

 

Donc, pour ce monsieur dont l'entreprise présente un chiffre d'affaires de plus de 6 milliards d'euros en 2011, payer des impôts, ce serait "se faire plumer" ? Étrange, il m'avait semblé que les impôts servaient à la solidarité nationale. Et pas seulement aux "assistés", qu'ont brocardés les fidèles de notre candidat président, au premier rang desquels Laurent Wauquiez. Ils servent à payer l'école, la sécurité sociale, la police, notre défense, notre sécurité à l'égard des attentats, nos routes, et j'en passe.

 

Pourtant, M. Dubrule est bien né en France. Ne devrait-il pas être reconnaissant envers une nation qui l'a vu naître ? Car n'est-ce pas un hasard miraculeux s'il est né ici alors que, sur six milliards d'habitants, la France ne représente que 65 millions d'entre eux ? Et qu'aurait fait Paul Dubrule si la destinée l'avait fait naître au Soudan ? Aurait-il planqué son seau d'eau potable à l'abri de ses voisins pour ne pas "se faire plumer" ?

 

La position de M. Dubrule n'est pas seulement scandaleuse, elle est méprisante. Elle donne envie de hurler. Les impôts ne sont pas des saillies injustes : elle permet à la société de fonctionner. Elle permet notamment à ceux qui utilisent sa chaîne hôtelière de le payer grassement. Cynisme.

 

En effet , il n'y a pas de "grandeur d'âme" à payer des impôts. C'est juste une question d'équité face à ce que la vie vous a offert.

 

Que l'exil de M. Dubrule soit légal ou non, il n'en demeure pas moins que cet millionnaire vole l'État français et, par là même, vole tous les Français. Son argent, il le gagne en France. Et ce même si sa multinationale exerce en dehors de nos frontières.

 

Aussi, avant que de prendre une chambre la prochaine fois, réfléchissez-y à deux fois avant de choisir votre enseigne.

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Présentation

  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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