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31 juillet 2011 7 31 /07 /juillet /2011 16:55
Nouvel exercice de décryptage des techniques de discours de nos chers politiciens. Après la rhétorique Sarkozyenne, l’esquive selon Marine Le Pen…  puis la rustine en deux temps !

Les téléspectateurs ne sont pas prêts d’oublier le baptême de la nouvelle émission politique de France 2, Des paroles et des actes ! En invitant Marine Le Pen, David Pujadas, qui avait déjà dû décaler la première initialement prévue le 19 mai à cause de l’affaire DSK, savait que le banquet allait être épicé. Personne n’a oublié le dessert royal qui conclut le service entre Laurent Joffrin, Caroline Fourest et la présidente du FN. Surtout lorsque cette dernière fut priée de répondre sur une partie du programme du Front National.

 

 

 


On le voit, Marine Le Pen sèche. Longuement. Trop longuement. Elle rechigne. Sa fourchette bat en retraite et repousse la bouchée qui lui est proposée. "Elle esquive" entend-on même. Laurent Joffrin a beau, lui-même, confirmer que cette impression écran du site du Front National est tout ce qu’il y a de plus authentique, Marine Le Pen se faufile et saute le repas en usant et abusant de la mauvaise foi : l’attaque ad hominem (Pascal Boniface et son pamphlet sur… Caroline Fourest), la digression (sur le livre qui lui est consacré, et qui n’a aucun rapport avec ce qui lui est demandé), et pour finir la condescendance la plus méprisable ("Calmez-vous Monsieur Joffrin"). Mais point de réponse.

Dix minutes plus tard, alors que l’addition approche, Pujadas ressert les plats, offrant à Marine Le Pen une ultime chance de s’exprimer, en guise de digestif. Ce qu’elle ne fera pas. Le générique part, et elle se défend… en esquivant.

 

 

 

 

 

"Y’avait juste un point entre deux phrases" assène-t-elle. Ajoutant avec délectation : "La malhonnêteté est démontrée, j'adore" puis un "Incroyable" qu’elle mastique, offusquée, de sa voix gutturale.

Seulement, pour que la malhonnêteté soit avérée, il eut fallu que la syntaxe changeât le sens des insinuations portées par le programme du Front National. Relisons le menu  :

 

"Faute de crédits, non seulement il est impossible de recruter beaucoup d’engagés, mais il devient de plus en plus difficile d’avoir un recrutement de qualité. 20 % des nouvelles recrues sont désormais issues de l’immigration originaire du monde musulman."

 MLP1

 

Le fait d’avoir dit qu’il était difficile d’avoir un recrutement de qualité et d’enchaîner d’une simple juxtaposition l’assertion que 20% des nouvelles recrues soient issue de l’immigration originaire du monde musulman implique une certaine logique. Les deux phrases sont liées par un lien causal implicite. Et nul besoin d’être un éminent linguiste pour le voir.

La manière théâtralisée utilisée pour s’offusquer d’un point de syntaxe, un grain de sel, qui, en outre, n’apporte rien au sens de la question initiale, cache mal la gêne de la présidente du FN, mais en dit long sur ses talents de chef de rang quand le repas s'avère être un fiasco. On goûte et déguste avec le sourire même quand la langue brûle et quand on piaffe pour se justifier. Quitte à maquiller un plat trop salé en dévissant la salière pour justifier ses errances... 

 

L’anecdote aurait pu rester sans suite et ne pas faire l’objet d’un article en plein mois de juillet. Sauf que, sauf que…

Nous avons eu une réponse ! Enfin, une réponse... une rustine ! 

Ô surprise ! Depuis quelques jours, il y a eu quelques modifications dans le menu "Programme du FN" sur le site officiel.

 

Dans certaines rubriques, on est aux fourneaux : 

    MLP2

 

Et dans d’autres, notamment celle qui nous intéresse, la défense, on soigne la présentation de l'assiette :

   MLP3

 

 
"Attention, il s’agit du programme de 2007. Le projet du Front National pour 2012 sera présenté dans les mois précédant l’élection présidentielle."


Une manière comme une autre de se dédouaner de ce qui est servi ?

 

L’inconvénient quand on veut dédiaboliser c’est qu’il faut laisser les citoyens voir les cuisines du restaurant afin de rassurer tout le monde… Nul doute que dans les laboratoires du FN, en cette période estivale, on nous concocte quelques adjuvants pour masquer quelques saveurs trop âcres…

Publié par Yves Delahaie, sur Le Plus – Nouvel Obs le 20 juillet 2011.

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31 juillet 2011 7 31 /07 /juillet /2011 16:45

Parlons de la rhétorique de nos chers politiciens. Et maître parmi les maîtres, débutons notre revue par le tenant du titre, j’ai nommé Nicolas Sarkozy.


La conférence de presse du G20 du mois de juin avec Angela Merkel a accouché d’un tour de force, passé relativement inaperçu. Pourtant, la réponse du Président à un journaliste du Monde relève d’un artifice verbal des plus brillants de sa, déjà, longue carrière :

 

 

 

 

Décortiquons le phénomène :

Tout d’abord, il part d’un argument de logique des plus implacables : 1 contre 40.000. Anne Lauvergeon seule face à 40.000 employés ! Quelle que soit la nature de la comparaison, le différentiel chiffré engendre un tel déséquilibre qu’il est largement suffisant pour convaincre. Aussi la sentence qui suit est implacable : "la crédibilité de la filière nucléaire française ne se réduit pas à l’action d’une personne quelle qu’elle soit".

Mais le plus fort reste à venir.

Le journaliste du Monde pose une question sur la direction d’Areva. Nicolas Sarkozy fait lui une comparaison entre l’entreprise Areva et la rédaction du Monde. Et file même sa comparaison en expliquant que le changement de direction du Monde ne changerait pas pour autant la crédibilité des journalistes.

Arrive alors la question rhétorique assassine : "Dois-je comprendre, d’après votre question que c’est tout le travail des journalistes qui est mis en cause parce qu’on change de Directeur ?" : Jamais le journaliste n’a pourtant affirmé pareille chose ! Incroyable tour de force : Nicolas Sarkozy fait dire à son contradicteur un argument qu’il n’a jamais dit.

Par un syllogisme implicite, il sous-entend que si le journaliste estime que le départ d’Anne Lauvergeon changeait quoi que ce soit à Areva, il en serait de même si on changeait la Direction du Monde à propos de la ligne éditoriale. Ce que, encore une fois, le journaliste n’a jamais dit ! Nicolas Sarkozy ne se contente pas de faire une analogie.

Il la produit et l’attribue à son contradicteur pour mieux lui rétorquer que l’argument est donc fallacieux. Le tout lors d’une conférence de presse, devant le monde entier, à un moment où le journaliste ne pourra pas répondre ! Ecoutez bien les crépitements des photographes au moment où il échafaude sa stratégie, comme pour mieux saisir l’extase qui envahit son visage, comme s’il était conscient que sa rhétorique allait faire mouche, sans coup férir :

 

 

 

 

Pourquoi une telle hargne ?Tout simplement parce que Môssieur le Président n’a pas supporté l’insolence de la question. Comment un journaliste français, du Monde de surcroît, dont la renommée dépasse largement les frontières, a-t-il osé résister à l’allégeance naturelle due à sa fonction ? Oser remettre en question les propos rassurants de Nicolas Sarkozy sur la crédibilité du nucléaire français ? Vous n’y pensez pas.

 

L’approche fut taxée au prix fort, d’un soufflet qui laisse une trace indélébile sur la joue. Ne l’oubliez jamais, journalistes, opposants, ou simples débatteurs : au moment d’affronter Nicolas Sarkozy, il faut être préparé, et reconnaître au quart de tour les tours de passe-passe rhétorique de Nicolas Sarkozy… Au risque de ne pas s’en relever.

Publié par Yves Delahaie, sur Le Plus – Nouvel Obs le 29 juin 2011.

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31 juillet 2011 7 31 /07 /juillet /2011 16:06

Martine1La campagne n’a même pas encore été lancée officiellement que les coups bas traînent à hauteur d’égouts. Dégoût. Après l’affaire scabreuse du Sofitel, c’est au tour de la Première secrétaire du Parti Socialiste d’être au cœur de débats des bas-fonds. Alcoolique, lesbienne, mari islamiste… Là voilà rhabillée pour l’hiver. Elle, se dit blindée

Pour autant, dans ce torrent de boue, voire de merde pour reprendre l’expression imagée de son adversaire aux primaires de PS, il faudrait tout de même faire la part des choses entre ce qui relève de la bassesse du persifflage et ce qui amène une réflexion plus poussée.

 

Martine Aubry lesbienne ? C’est de loin la rumeur la plus déplorable tant elle colle à une ambiance assez délétère sur la question entre les déclarations de Vanneste, les "boutades" qu’elle voudrait joviales de Brigitte Barèges, ou encore les licenciements pour orientation trop ostensible… Alors j’userais de la seule expression qui convienne en ces cas : la belle affaire !

 

Martine Aubry alcoolique ? Ne le cachons pas : cette rumeur traine à Lille depuis des années. Elle aurait une quelconque importance si la maire de Lille déméritait. Or, même si l’on peut contester ses décisions politiques, force est de constater que sa ville fonctionne. Et prend une hauteur qu’elle n’a sans doute jamais atteint. La capitale des Flandres attire visiteurs et industriels comme Décathlon, qui après avoir goûté aux délices exquises de la délocalisation, a fini par relocaliser à Lille même.

Pour dire la vérité, la Martine Aubry de Lille est bien plus pragmatique que la dogmatique posture de gauche qu’elle se doit d’incarner en qualité de Première secrétaire du PS. Sa ville est un laboratoire d’exception qui sait parfaitement faire la part belle au social, notamment dans son plan de ré-urbanisation, et un aimant à chefs d’entreprise comme le montre le fleurissement des call centers en sus du projet de Décathlon. Alors, quand bien même la rumeur était vrai, elle n’affecte en rien en ses capacités à l’exécutif. Aucun intérêt donc si ce n’est déverser du fiel gratuitement…

 

Reste la rumeur concernant son mari, Jean-Louis Brochen. A priori, elle touche encore la vie privée et n’aurait donc aucun intérêt. Pour autant, la nature de l’accusation est plus complexe. La rumeur le taxe d’islamisme. En tant que telle, elle est stérile. Monsieur Brochen ne travaille pas en souterrain pour faire dominer un islam politique littéraliste. L’accusation est même hilarante. En revanche, Monsieur Brochen s’est tout de même fait une spécialité en qualité d’avocat : la défense des islamistes.

Martine2Et si la défense du camp Aubry ne retient que la défense de jeunes filles voilées qui voulaient défier la laïcité avant la loi de 2004 (ce qui avant ou après la loi ne change en rien le problème sur le fond politique et non juridique), il faudrait rappeler aux citoyens que Monsieur Brochen ne s'est pas contenté de cette affaire. Comme le rappelle Caroline Fourest. Au point d’en faire un "spécialiste" de la cause dans le livre qui lui offrit le Prix du livre politique en 2006, La Tentation obscurantiste.

Dans ce livre, Caroline Fourest évoque le cas de Messaoud Bourras, qui "ne voit plus ses enfants parce sa femme ne le juge pas ‘assez bon musulman’. Il se bat contre l’influence des islamistes dans sa ville (Roubaix, ndlr). (…) Pour s’être ému dans un journal local du fait que la municipalité soutienne ‘une association qui s’adonne au négationnisme’, Messaoud Bourras est aujourd’hui poursuivi par Rencontre et dialogue et leur avocat Jean-Louis Brochen."


Et c’est là que cela devient intéressant :

 

"Avocat des islamistes depuis plusieurs années, Maître Brochen était adjoint à la Culture de la mairie de Lille lorsque Martine Aubry – dont il est l’époux – a succédé à Pierre Mauroy."

 

Et Caroline Fourest d’ajouter : "Maître Brochen a été l’avocat d’un des accusés du Gang de Roubaix, en 1994, déjà il avait défendu les lycéennes voilées exclues du lycée Faidherbe de Lille".


Martine4Résumons. Maître Brochen, le mari de Martine Aubry est diffamé en une qualité prétendue d’islamiste. En revanche, les faits montrent qu’il a effectivement défendu des filles voilées qui voulaient contrevenir à la laïcité de l’école républicaine (certes bien avant de la loi de 2004, mais rappelons que cette loi ne faisait que renforcer la laïcité déjà existante de l’école publique !), mais aussi un des membres du Gang de Roubaix, et encore une association contre une accusation de négationnisme et qui par ailleurs invite selon les informations de Caroline Fourest, jamais démenties depuis 2006… Tariq Ramadan et Hassan Iquioussen, deux hommes qui expliquent qu’il existe une "laïcité ouverte" dans laquelle la femme n’a pas à "copier" l’Occident et que le voile participe à sa liberté et son émancipation…

 

Certes les avocats peuvent parfaitement défendre des causes qui ne sont pas les leurs, mais l’effet de répétition des cas peut tout de même interroger de la part du mari de celle qui prétend aux plus hautes fonctions de la République. Surtout quand cette dernière s’est singularisée en permettant à la piscine municipale de Lille de mettre en place des plages horaires non mixtes pour que les femmes, en l’occurrence juives et musulmanes, puissent se tenir à l’écart du regard des hommes…

De là à taxer Monsieur Brochen ou Martine Aubry d’islamistes, il y a un pas, hérétique, que nous devons condamner. Sans concession. Mais il est tout de même permis de se poser des questions. En toute légitimité. C'est ce qui fait toute la différence entre ce qui relève de la rumeur et ce qui relève de l’interrogation légitime.

Publié par Yves Delahaie, sur Le Plus – Nouvel Obs le 11 juillet 2011.

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26 juillet 2011 2 26 /07 /juillet /2011 22:12

joly1La victoire d’Eva Joly ne souffre d’aucune contestation. Depuis la bévue du néophyte Hulot sur ses accointances potentielles avec Jean-Louis Borloo, les jeux étaient faits. On ne transige pas avec les dogmes et l’idéologie chez les Verts : on est à gauche, ou on ne l’est pas. Les détracteurs de la politique politicienne, qui renie la dimension partisane du débat public, en seront pour leurs frais.  

Le grand oral d’Eva, radieuse, pouvait alors commencer. Le discours est bien écrit. Fait de constructions en répétition, et avec l’expression d’une éthique incontestable. Un discours d’entrée en campagne, qui tranche avec les tergiversations de ceux qui se présentent parce qu’il le faut…

Pourtant, le plus dur reste à faire pour les Verts : gagner la présidentielle. Et si l’ancienne juge d’instruction a gagné sans discussion la primaire de son parti, il reste de nombreuses questions sur le projet d’EELV qui méritent des réponses.

Le premier thème qu’elle évoqua fut l’écologie. Normal pour la représentante des Verts. D’autant que beaucoup raillent son manque de légitimité voire de sincérité sur la question, lui reprochant notamment d’avoir épousé la cause écologiste au moment de la présidentielle parce qu’elle n’avait pas trouvé une place suffisamment haute sur la liste Ile-de-France du MoDem… "Nous sommes pour la modération énergétique et la sortie du nucléaire." Soit… Mais entre nous, qui est contre cela ?

Même les défenseurs acharnés du lobby nucléaire savent que les réserves d’uranium ne sont pas éternelles, et que 2050 marquera une étape incontournable. Et qui est pour l’explosion des dépenses énergétiques ? Soyons sérieux ! Alors dire cela c’est finalement ne rien dire du tout. Et c’est tout de même bien dommage.

joly5Car, il y a tout de même des questions essentielles, notamment quant à la sortie du nucléaire, que les Verts voudraient se voir décider plus promptement comme en Allemagne : comment arrêter dans les plus brefs délais le nucléaire sans avoir recours provisoirement à des énergies fossiles, ou des ressources qui produisent davantage de gaz à effet de serre ?

À cela, les Verts n’ont toujours pas donné de réponse. La question est pourtant essentielle.

Eva enchaîna sur l’économie en évoquant sa conversion par une formule d’une efficacité redoutable : "Passer d’une société jetable à une société durable." Séduisant. Mais les moyens d’y parvenir reprennent un hymne trop souvent entendu chez les Verts : "Non, la croissance n’est pas la réponse au chômage et à la pauvreté."

Le mythe de la décroissance ressurgit tel un serpent de mer. Mais allez donc parler de la décroissance à ceux qui ne bénéficient pas des fruits de la croissance, à ceux qui sont exploités et qui ne profitent pas de leur travail, à ceux qui ne voient la modernité et la technologie qu’à travers le prisme de leur écran d’ordinateur ou d’une page de magazine, et vous verrez leur réponse. 

La décroissance, pardonnez-moi, est un concept de bobos, de ces bourgeois, au sens propre et étymologique, qui croient revenir au naturel en mangeant bio, en dégustant des produits de la ferme et en passant des vacances sur une île déserte de Croatie, dépourvue d’eau courante et d’électricité, pour vivre l’expérience unique d’un Robinson des temps modernes.

La décroissance ne parle pas à ceux qui sont les laissés pour compte de la croissance. Et en refusant le voir, les Verts se couperont, encore davantage, des classes populaires qu’ils prétendent pourtant vouloir défendre.

Puis vient le temps du multiculturalisme, qui fera frémir d’horreur Eric Zemmour. Raison de plus pour remercier Eva Joly de son discours, elle qui aura cette phrase si belle : "Je représenterai […] la France des accents et des sangs mêlés." Joli pied de nez au climat nauséabond instauré par la Droite populaire, et dont se délecte Marine Le Pen.

 

joly6Pour autant, il faudra tout de même que les Verts soient plus clairs qu’ils ne le furent sur les questions d’intégrisme et de communautarisme : sont-ils toujours favorables à la "laïcité ouverte" comme les frères Cohn-Bendit qui béatement s’extasiaient dans une tribune publiée dans Le Monde le 17 octobre 2003, et intitulée Une honte pour l’école laïque de cette irrévérence antirépublicaine maquillée sous les artifices libertaires : "L’école laïque voudrait soumettre, au nom de l’émancipation, deux jeunes filles en révolte contre le père et la mère. Elles refusent de se soumettre. Bravo !"

Ou encore, comme les députés Verts qui refusèrent de voter la loi contre la dissimulation des visages dans l’espace public ? Alima Boumediene-Thiery, sénatrice d'EELV, continuera-t-elle de demander le boycott des produits israéliens et de déclarer dans la presse algérienne que "le lobby sioniste n’a pas à faire sa loi en France" ? Va-t-on laisser Ali Rahni, 4e sur la liste d'Hélène Flautre dans le Nord aux européennes de 2009, donner une tribune aux discours de Tariq Ramadan et d’Hassan Iquioussen lors de débats organisés dans son association ARD, deux hommes qui n’hésitent pas à dire qu’il existe une "laïcité ouverte" (même si Ramadan déclarait récemment en être revenu) et qui sont connus pour leur vision littéraliste de l'islam ? Les Verts ont un vrai travail de pédagogie à faire sur la question, surtout dans le cadre de la présidentielle.

En revanche, il y a deux sujets sur lesquels l’ancienne juge d’instruction d’une part, et les cadres Verts d’autre part, excellent par leur modernité et leur pertinence dans l’évolution possible de notre pays : la fermeté face à l’impunité de la finance, et les premières pierres d’une VIe République.

 

joly2Proportionnelle, non cumul des mandats, parité, droit de vote des résidents étrangers, référendums d’initiative populaire sont autant d’idées qui sont loin d’être des gadgets.

Elles sont le ciment d’une République qui tend à redonner des couleurs à la pluralité, contrariée par un bipartisme qui n’a rien de français. La politique française ne peut et ne doit fonctionner que dans l’expression démocratique de toutes les voix.

 Certains pointeront les dangers des proportionnelles. Le Front national à l’Assemblée ? Avec une politique cohérente et juste, le FN fera des scores qui ne lui permettront pas d’influer. Et l’histoire a montré qu’à vouloir s’arranger avec les arcanes de la démocratie comme la modification des cantonales, qui obligeait les candidats à obtenir plus de 12,5% des inscrits, et non 10 pour se maintenir au deuxième tour, certains ont joué avec le feu (demandez à tous les candidats UMP qui, avec 17% des suffrages exprimés, ont dû laisser leur place au deuxième tour à un candidat frontiste…).

Une France ingouvernable à la proportionnelle ? C’est là que la proposition des Verts doit s’accompagner de son aggiornamento. S’ils sont capables de transcender leurs dogmes, considérant que même si on ne partage pas les mêmes valeurs avec la droite, on peut au moins s’accorder sur certains thèmes, certaines questions, certains domaines, en dehors de tout caractère partisan, pour le bien collectif, alors leur proposition de proportionnelle aura tout son sens.

Sans cette remise en question, la proportionnelle ne sera que source de blocage à l’image du peuple belge qui est toujours à la recherche d’un gouvernement.

Parce qu’il faut bien avouer que les Verts ont des réflexes partisans qui sont loin de s’estomper à en juger l’expérience que vécut Nicolas Hulot quand il avait évoqué des accointances envisagées avec Jean-Louis Borloo… Et le discours d’Eva Joly ne laisse pas d’indices laissant à penser que cela devait changer : "Sans victoire de la gauche, il n’y aura pas d’arrivée des écologistes au pouvoir."

Alors évidemment, la candidate fraîchement choisie rappelle que la présidentielle n’est pas une question d’alternance entre le PS et l’UMP, et rappelle que sur les trente dernières années le PS est resté quinze ans au pouvoir… Mais, personne n’est dupe.

joly3Les Verts savent que leur réussite passe par la victoire du PS au deuxième tour. Et l’idée d’un pacte avec le parti majoritaire de la gauche pour accéder aux postes ministériels, et pour envisager des désistements aux législatives fait partie du projet des Verts… On est alors très loin des l’abandon des réflexes partisans…

La campagne ne fait que commencer pour Eva Joly. Elle aura le temps et l'occasion de clarifier toutes ces questions sur lesquelles tout le monde l'attend : ses adversaires, évidemment, les électeurs assurément, mais aussi et surtout les militants Verts eux-mêmes.

Exigeants, ils avaient la réputation de sacrifier leur meilleur candidat pour privilégier leur vision du projet, sans tenir compte de son adhésion dans la société.

Pourtant, à peine deux jours après qu'elle a été choisie comme candidate, Eva Joly se prend les pieds dans le tapis, façon plat en finale olympique du plongeon sur la plateforme de 10 mètres : alors que la France porte le crêpe noir, endeuillée par la mort de six soldats en Afghanistan, dans un conflit sournois où l'adversaire kamikaze est invisible, l'ancienne magistrate a cru jeter un pavé dans la marre en déclarant ringard le défilé militaire, et en disant lui préférer un défilé "de citoyens".

Eva Joly trébuche sur une mine et explose en plein vol. Ce matin, pas un politique ne vient lui porter secours à droite, où on dégaine plus vite qu'ailleurs, à coup d' "idées de soixante-huitards attardées", torpillé par le si modéré Jacques Myard, un des piliers de la Droite populaire, comme à gauche où Manuel Valls lance tout bonnement que la candidate d'EEV est "à côté de la plaque"….

Seule Nathalie Artaud joue les casques bleus. À côté, la boulette de Nicolas Hulot fait figure de pétard mouillé. Il n'est pas si sûr que cette fois-ci encore, les petits soldats Verts aient choisi leur bon chef d'armée.

Publié par Yves Delahaie, dans Le Plus - Nouvel Obs, le 15 jullet 2011.

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25 juillet 2011 1 25 /07 /juillet /2011 09:31

LAIQUE4Comme un symbole. En mars dernier, le "débat sur l’islam" embrase la France et brise l’union sacrée de la Droite symbolisée par la brouille surmédiatisée entre le secrétaire général de l’UMP Jean-François Copé et le Premier ministre François Fillon. Au prix de tergiversations et de contorsions rocambolesques le débat est finalement maintenu et rebaptisé "Débat sur la laïcité".


Comme si en France, laïcité rimait avec islam. Marine Le Pen en a fait une spécialité pour son parti, considérant que sa nouvelle croisade pour la laïcité commençait là où s’arrêtait l’islam en France. Peu lui importe si l’Église catholique ébrèche ici ou là, les fondements de la laïcité. Au nom de l’héritage, le FN fait de la France "la fille aînée de l’Église" et place la Nation, engendrée par le baptême de Clovis, devant la République née de la Révolution française. Pour autant, au-delà de cette vision caricaturale et partiale de l’Histoire de France, certains regards portés sur l’islam, et surtout exclusivement sur l’islam, peuvent laisser croire qu’il existe en France deux poids, deux mesures. Et l’un des symboles de cette part sombre de la laïcité à la Française reste évidemment l’école.

 

LAIQUE3Car s’il existe un endroit qui est le symbole républicain de la laïcité, c’est bien l’école. Ici, la neutralité vaut pour tous, pour les élèves, comme pour le personnel enseignant. Ce n’est pas un hasard si le débat sur le voile islamique démarra dans un établissement scolaire, à Creil en 1989, quand trois jeunes filles collégiennes sont exclues de cours parce qu’elles refusent de retirer leur voile.  A l’époque Lionel Jospin tergiverse, réaffirmant l’autorité de la laïcité avant de reculer. C’est finalement le Conseil d’État qui rend alors un invraisemblable verdict en novembre 1989, en déclarant que le port du voile islamique, en tant qu’expression religieuse, dans un établissement scolaire public est compatible avec la laïcité ! Il ordonne alors la réintégration des fillettes. L’affaire fera jurisprudence et créera un climat délétère sur la question.

 

Depuis on a l’impression que toute conversation sur la laïcité porte nécessairement sur le voile, occultant (volontairement ?) que les cas ne font pas légion, ou pour le moins sont loin d’être majoritaires dans les établissements. Oubliant aussi qu’à chaque crise engendrée, la situation est revenue à la normale dès lors que l’État s’est montré ferme et résolu dans sa décision (contrairement à 1989 donc, mais conformément à 1994, où une simple circulaire avait suffi, ou encore en 2004 qui aboutit à la loi sur les signes ostentatoires à l’école). Pourtant, la laïcité ne se résume pas à un problème d’intégration de l’islam dans la société française, comme veulent bien nous le faire croire les exégètes du Rapport du HCI (Haut Conseil à l'intégration), quand le rapport Obin, lui, parlait déjà en 2004, des atteintes portées par certains zélés catholiques, évangélistes ou encore juifs. Sept ans plus tard, les faits confirment les faits constatés alors.

 

LAIQUE5Cette année, ce ne sont pas les élèves qui se sont particulièrement singularisés pour leur manquement à la laïcité mais davantage les enseignants. Au-delà de l’affaire de Manosque, qui vit un enseignant d’Histoire-Géographie diffuser un film Pro-Vie à des élèves, distribuer des tracts contestant la loi Veil ou répondre que les actes résultant d’un viol étaient rarement féconds, et que celles qui le prétendaient pour justifier leur grossesse devaient avoir pris du plaisir (voir le Spécial Investigation du lundi 11 avril 2011, intitulé Des petits soldats contre l’avortement),  deux cas de correcteurs sont venus épicer les débats.

C’est tout d’abord une religieuse en uniforme, un crucifix pendillant à son cou, qui s’est présentée au lycée Carnot à Paris pour corriger l’épreuve de philosophie. Imitée quelques jours plus tard, par une autre religieuse, dans le même accoutrement pour corriger le brevet à Jaunay-Clan, dans la Vienne (86). Et le plus étonnant, c’est que dans les deux cas, les deux religieuses ont pu commencer la correction sans que les chefs d’établissements en charge des corrections n’y vissent quelque chose à redire. Ce sont des collègues qui en ont appelé à leur jugement, choqués de voir enfreinte la loi de 2004 relative à la neutralité des fonctionnaires enseignants et qui stipule que "Les agents contribuant au service public de l’éducation, quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis à un strict devoir de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d’appartenance religieuse, même discret."

 

LAIQUE1Ces deux affaires n’interviennent pas dans un climat sain, c’est le moins que l’on puisse dire. C’est parce que l’Etat se veut intransigeant avec l’islam que ces entorses prennent toute leur ampleur. Entre le débat qui de laïcité ne retint que ses griefs contre une certaine pratique de l’islam, ou encore les deux circulaires que prépare le Ministère de l’Intérieur, dont l’une rappelle que les cantines scolaires n’ont pas à s’adapter aux régimes alimentaires imposés par une religion, on voit bien qui est dans le collimateur.

Pourtant, si l’État veut bien mettre en exergue certaines pressions exercées par des musulmans non laïques et littéralistes qui voudraient voir la restauration scolaire proposer du halal sous le prétexte qu’elle sert du poisson le vendredi (alors que l’achat du poisson ne finance aucun culte, lui, contrairement à l’alimentation halal), il semble oublier qu’il cède volontiers à d’autres pressions religieuses, comme le calendrier juif. Une première affaire avait déjà mis dans l’embarras Valérie Pecresse cette année. Et voilà que Monsieur Guéant annonce en plein diner du Crif à Marseille, il y a quinze jours qu’il lui apparaissait "opportun que les fêtes juives de Pessah puissent être prises en compte dans le fonctionnement des administrations et des services publics" avant d’en conclure qu’il "conviendrait notamment de veiller à ce que les examens et concours de la République ne se déroulent pas durant cette période".

LAIQUE6Pourquoi l’Etat concèderait-il des arrangements avec le calendrier juif, quand il n’en fait pas autant avec le calendrier musulman ? C’est ce qu’en substance demandeun internaute, cité par Libération : "Le gouvernement fera-t-il un accueil aussi ouvert aux demandes d’éventuels musulmans très pratiquants d’adapter les horaires du bac en 2014 et 2015 [lorsque le jeûne tombera en juin, ndlr] pour qu’ils n’aient pas à enchaîner deux épreuves le ventre vide ?". La question mérite d’autant plus une réponse que jamais cet arrangement ne s’est vu en France concernant le ramadan.

 

Mais les questions de calendriers ou de corrections ne sont pas les seules affaires qui secouent la laïcité à la française dans l’école républicaine. Et ce, sans que l’islam n’y soit pour quoi que ce soit. Le 28 juin dernier, Rue89 évoquait le cas de la ville de Beaupréau, dans le Maine et Loire et de ses alentours qui offrent un monopole à l’école privée catholique depuis le collège jusqu’au lycée, à moins de faire au moins 11 km pour parvenir à s’inscrire dans une école publique. Ce sont encore deux élus du Front de gauche qui dans Marianne2 s’offusquent que la Ville de Paris finance "au-delà des obligations légales les lycées privés confessionnels d’Ile-de-France au nom du pseudo  principe d’égalité entre communautés scolaires", au profit notamment de crèches loubavitch…

 

LAIQUE7Viennent enfin les contestations des programmes. Si certains veulent tout particulièrement mettre en lumière les débordements de certains musulmans à la pratique zélée qui refusent les cours d’EPS à la piscine ou encore qui contestent l’étude de tout ce qui touche au christianisme en Histoire (alors que les mêmes programmes étudient l’islam, notamment en 6ème, sans que cela ne leur pose le moindre problème…), il ne faudrait pas oublier que les autres religions ne sont pas en reste, dès lors que cela touche, elles aussi, leurs franges les plus intégristes. Aujourd’hui, ce sont les programmes en matière de prévention et la sexualité qui sont visés, comme le Pass contraception que certains chefs d’établissement catholiques refusent de distribuer.

De la même manière, la théorie du Genre (Gender), intégrée au programme de SVT en 1ère, est au cœur de la polémique. Certains n’y vont pas par quatre chemins, comme Thibaud Collin, professeur de philosophie dans un établissement catholique, et co-auteur en son temps du livre de Nicolas Sarkozy La République, les Religions, l’Espérance, qui estime que "La prime à l'indifférenciation sexuelle promeut en fait l'homosexualité. Ces théories sont une tête de pont pour un changement radical de société !" Claude Berruer, secrétaire général adjoint de L’enseignement catholique en France, s'offusque même auprès des directeurs diocésains : "On est loin de l'anthropologie chrétienne" ! Encore heureux ! Depuis quand l’école de la République laïque  doit-elle suivre "l’anthropologie chrétienne" pour établir ses programmes ?

LAIQUE2Cela donne évidemment des ailes à toutes les associations satellites, qui n’en demandaient pas tant pour mettre la pression. A commencer par SOS éducation, qui n’en est pas à son coup d’essai dans la contestation des programmes, mais qui a, ici, l’occasion de justifier ses accointances avec les traditionalistes (on notera pèle-mêle sa polémique sur le Zizi sexuel ou encore ses prises de positions sur un sujet de SVT, encore elle, sur l’IVG, donné au bac…) en publiant sur son blog, brute (ce qui vaut donc, on le présume, adhésion puisqu’elle fait augure de post), une lettre d’un professeur indigné d’un thème abordé en Éducation civique en 5ème et intitulé : "I - Des êtres humains, une seule humanité (dont : Thème 2 : ‘ Les identités multiples de la personne’". Et l’enseignant de conclure : "Si ça ne s’appelle pas une porte ouverte au Gender, je me demande ce que c’est…". Il faut dire qu’auparavant, il s'était déjà offusqué qu'en Histoire, l'étude des empires asiatiques s'était substituée au baptême de Clovis...

 

Mais de toute cela, l’on n’entend presque rien ou presque. On préfère s’offusquer des affaires de voile ou des demandes de halal dans les restaurations scolaires et taire tous ces autres manquements à la laïcité qui sont du fait d’autres sujets intégristes ou littéralistes mais d’une confession autre que l’islam. Au point de croire que la laïcité à l’école de la République fonctionne à deux vitesses. Avec un sentiment de stigmatisation légitime pour les musulmans.

 

Pour autant, il ne faudrait pas tomber dans l’excès inverse. Et prétendre que les demandes de dispense pour la piscine ou encore que le refus d’entrer dans une cathédrale (dans une perspective culturelle) serait légitime aussi. Toutes les atteintes à la laïcité doivent êtres combattues. Une par une. Il n’est pas question d’en faire une hiérarchie. Elles sont toutes condamnables. Toutes autant qu’elles sont. L’État ne doit jamais céder de quelque manière que ce soit et se montrer ferme dans ses décisions. Mais aussi sage dans son application, en prônant avant tout le dialogue et la pédagogie. Et ce n’est certainement pas en montrant du doigt une religion plutôt qu’une autre que l’on donnera ses lettres de noblesse à la laïcité.

 

Publié par Yves Delahaie, sur Le Plus – Nouvel Obs le 19 juillet 2011.

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22 juillet 2011 5 22 /07 /juillet /2011 19:14

Le moins que l’on puisse dire c’est que l’invitation n’est pas passée inaperçue ! En fin de semaine dernière le Collectif parlementaire de la Droite populaire a convié la presse pour fêter  le premier anniversaire du collectif. Enfin pas tout à fait car le tract déclare aussi : "Apéritif saucisson vin rouge afin de fêter dignement la fête nationale"…

DP-copie-1

L’annonce a fait tout de même l’effet d’une bombe, car l’invitation n’a rien d’anodine et se place dans la droite ligne des apéros "saucisson pinard" initiés par Riposte laïque, le Bloc identitaire ou encore le FNJ.

Certains semblent tomber des nues de découvrir que cette branche parlementaire de l’UMP qui aime se faire appeler "Droite décomplexée" puisse jouer avec la fibre nationaliste. En y regardant de plus près, cette invitation n’est finalement pas une provocation en soi : c’est une suite logique d’un groupe qui se veut de plus en plus pressant auprès de l’Elysée.

DP2Au lendemain de régionales catastrophiques pour l’UMP, qui ont marqué une forte poussée du Front National, un vent de droitisation souffle dans l’hémicycle. Dénonçant l’ouverture de Sarkozy à la Gauche, Lionnel Luca et Thierry Mariani estiment que le président a été élu pour faire appliquer avant une politique de droite. En juin 2010, ils fondent le Collectif parlementaire de la Droite populaire et rédigent sa Charte. Le 14 juillet, le collectif s’honore de la signature de 25 députés autour de la charte qu’ils ont établie.

Que retenir de cette charte ? L’importance accordée à la Nation, le patriotisme et la République. Et la charte de marteler : "Contre les tabous du ‘politiquement correct’, nous sommes attachés au patriotisme pour redonner fierté, espoir et ambition aux Français. Fiers de notre langue et de notre histoire, nous défendons aussi les symboles de notre Nation".

Par ailleurs, le collectif affirme haut et fort son opposition "au communautarisme qui abîme la France et dissout la Nation. Nous défendons les valeurs de la République, tout particulièrement la laïcité contre l’intégrisme religieux. Ceux qui choisissent de vivre en France doivent adhérer aux valeurs de notre République par une démarche volontaire. L’immigration doit être contrôlée et maîtrisée."

Pour le reste le collectif insiste sur les valeurs de la France et de son rayonnement, et tout particulièrement sur quelques aspects qu’ils estiment primordiaux : la transmission des valeurs morales et civique à l’école, la famille comme "pilier qui garantit la solidité de notre cohésion sociale" et enfin la sécurité comme "première des libertés"…

DP3Des thèmes très à droite, très portés sur le patriotisme et qui a tout pour séduire un certain électorat. D’ailleurs, les fondateurs n’en font pas un secret. Michel Voisin, un des membres fondateurs, le confiait au Figaro en mars dernier après les cantonales, à propos du cordon sanitaire auquel s’était astreint la droite depuis toujours : "La droite ne peut plus appréhender le Front national, comme du temps où François Mitterrand le diabolisait". 

"Le problème du FN mérite une analyse plus poussée", poursuit-il. Il faut écouter nos électeurs sur le terrain. Pour eux, le vote FN n'est plus seulement un vote contestataire. Le parti de Marine Le Pen a changé. Il faut en parler (…)".   "On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment", ajoute Bernard Carayon, qui regrette l'appel de Fillon à voter "contre le FN".

Ajoutons à cela la position encore moins ambigüe de dès octobre 2010 de Christian Vanneste, autre membre fondateur du collectif ("Il est nécessaire et indispensable que l'on arrive à cette union de toutes les droites, y compris avec le FN", dont il dit que "c’est un parti comme les autres") et l’on verra que le dessin jadis esquissé par Bruno Mégret, notamment lors des régionales 1998, qui lui valut l’ire du fondateur du FN, et son exclusion, prend forme… 

Il faut dire que ce collectif, composé tout de même de plus de 40 députés UMP ou apparentés à présent sur les 314 que comptent l’Assemblée, a tout pour séduire l’électorat frontiste et confirmer le fait, qu’à droite, les idées du FN ont clairement fait leur chemin… 

On l’a vu dans la charte, les questions relatives à l’immigration et à l’identité nationale sont très au cœur de ce collectif. En janvier 2002, Thierry Mariani avait refusé de voter la loi qui reconnaissait le 19 mars 1962 comme Journée nationale du souvenir au victimes de la guerre d’Algérie. Le 5 mai 2006, Lionnel Luca demande l’abrogation de l’article sur l’enseignement de l’esclavage en ajoutant : "ceux qui au Antilles font toutes sortes d’amalgames avec l’esclavage ne crachent pas sur le RMI des anciens colonisateurs". Le même député se singularise en en 2009 à propos de l’exclusion des réfugiés afghans en déclarant : "Je trouve un petit peu indécent qu’on s’apitoie sur leur sort quand au même moment nos soldats se battent pour leur liberté. S’ils étaient des hommes, ils se battraient aussi pour leur liberté, sur leur territoire".

Un brin zélé les membres du collectif sur la question d’immigration ? Sans doute un peu trop puisque Nicolas Sarkozy leur a demandé de lever le pied en juin dernier pour se consacrer davantage au social : "Lâchez un peu les questions d'immigration et d'insécurité. Claude Guéant s'en charge très bien. Recentrez-vous sur le social". Il faut dire qu’avec Monsieur Guéant, la coupe est déjà bien pleine…

DP6Le social est d’ailleurs au cœur de leurs valeurs et le parcours de certains membres du collectif le montrent bien, comme Georges Mothron, maire d’Argenteuil qui s’est singularisé pour avoir fait voter un arrêt antimendicité dans sa ville et pour avoir fait usage du Malodore pour repousser les SDF. Toujours plus social, Lionnel Luca a proposé cette semaine d’interdire la grève pendant les vacances

Autre point d’accord avec le Front National, bon nombre de députés du collectif sont pour le rétablissement de la peine de mort et le 8 avril 2004, certains d’entre eux ont soutenu la proposition de loi 1521 qui visait à la rétablir pour les auteurs des actes terroristes (Jean-Michel Ferrand, Franck Gilard, Daniel Mach, Eric Raoult). Lionnel Luca va encore plus loin puisque en 1997, il a carrément déclaré à propos de la peine de mort que c’est "la seule façon d’empêcher la récidive des crimes sexuels". Sur ce point là, trouver la différence avec le Front National s’avère un peu plus complexe que de retrouver Charlie dans la foule…

Si le collectif déclare que la sécurité est la première des libertés, il joint la pratique à la théorie puisque Eric Raoult fut le premier à décréter le couvre-feu dans sa commune lors des émeutes qui embrasèrent nos banlieues en 2005… Logique puisque sa commune fut une des moins touchées du secteur. Monsieur Raoult qui, on s’en souvient, a pris soin de rappeler l’importance de la liberté d’expression en France quand il avait demandé au Prix Goncourt, Marie Ndiaye, un devoir de réserve, elle qui avait osé dire que la France de Sarkozy était "monstrueuse"…

 

Il faut dire que pour certains membres du collectif, la liberté d’expression ne peut aller que dans un sens : celui de la Droite décomplexée. Ainsi,il a officiellement soutenu Eric Zemmour, dénonçant "la judiciarisation du débat d’idées", en ajoutant : "Des initiatives seront prises prochainement afin de faire prévaloir la liberté de pensée fondée sur l’examen rationnel des arguments et non sur la diabolisation de certains protagonistes, coupables de quitter les sentiers battus de la pensée unique".

DP4Pour autant, cela n’a pas empêché Jean-Marc Roubaud d’être moins regardant sur la liberté d’expression puisque en mars 2006, il soumet à l’Assemblée Nationale un projet de loi visant à interdire les propos et les actes injurieux contre toutes les religions… Ce qui revenait en somme de rétablir l’interdiction du blasphème pourtant aboli en… 1791 !

Liberté de parole enfin dénoncée pour Roselyne Bachelot, puisque le collectif a tout bonnement réclamé sa démission pour son manque de solidarité avec les députés de la majorité dans l’affaire du mariage gay.

Mais là encore une fois, on touche un sujet hautement sensible. Si dans la charte la mention peut passer relativement inaperçue, le collectif ne mégote pas sur la famille : "Le collectif de la droite populaire croit en la famille, pilier qui garantit la solidité de notre cohésion sociale. Au sein des familles, l’éducation, les repères et la solidarité entre les générations doivent être promus et encouragés". Et force est de constater que la famille et les repères de la société ne passent pas par l’homosexualité. 

Faut-il rappeler l’ensemble de l’œuvre de Christian Vanneste qui de l’ "aberration anthropololgique" à l’amalgame entre pédophilie et homosexualité, n’a plus à fournir de preuve pour donner davantage de lettres de noblesse à l’homophobie. Brigitte Barèges l’a rejoint en obtenant la meilleure entrée de l’année, directement dans le top 10 de l’homophobie avec son célèbre "et pourquoi pas avec les animaux" quand l’Assemblée évoquait l’union de deux personnes du même sexe. Problème, Madame Barèges s’adonne au plagiat d’un de ses collègues du collectif, puisque François Vannson l’avait déjà faite en 1999, décliné sous une autre forme : "et les animaux de compagnie ?" à propos de personnes concernées par le PACS…

D’ailleurs, étrange transition entre Madame Barèges et Monsieur Vannson que l’affaire du PACS. Car, à regarder de plus près cette liste des membres fondateurs, une dizaine d’entre eux ont un point commun, et non des moindres, concernant la période du PACS : Lionnel Luca, alors maire de Villeneuve-Loubet, Patrice Calméjane alors Adjoint de son propre père à Villemomble, Bernard Carayon, maire à Lavaur, Jean-Michel Ferrand, maire de Carpentras, Franck Gilard, maire d’Andelys, Daniel Mach, maire de Pollestres, Richard Mallié, maire de Bouc-bel-air, Eric Raoult, maire de Raincy, Michel Voisin, maire de Replonges ou encore Bernard Reynes, adjoint au maire de Chateaurenard… 

DP5Leur point commun ?Ils ont tous signé (ou presque pour les adjoints) la pétition contre le CUS, le contrat d’Union Social, projet de départ du PACS. Outre l’opposition "à la mise en place d’un contrat d’union pour les personnes de même sexe" la pétition dénonçait "l’implication du maire en tant qu’officier d’état civil dans les célébrations d’un contrat de ce genre" et appelait les maires à refuser d’unir deux personnes du même sexe même si la loi leur imposait.

La liste des signataires est publiée dans Les Anti-PaCS ou la dernière croisade homophobe, par Caroline Fourest et Fiammetta Venner qui analysent : "En menaçant de ne pas appliquer une loi de la République, les maires anti-CUS ont (…) commis un abus de pouvoir en contradiction avec leur mission". 

Il est alors temps de relire la Charte du collectif : "Nous défendons les valeurs de la République"

Alors favorables pour certains à la peine de mort, quelques mesures anti-sociales ici ou là, une immigration choisie et contrôlée, quelques dérapages et autres déclarations fracassantes, une homophobie latente et à présent un apéro saucisson vin rouge. Mais dites moi, le 12 juillet le Collectif de la Droite populaire ont-il fêté dignement la fête nationale ou la fête nationaliste ?

Publié par Yves Delahaie, sur Le Plus – Nouvel Obs le 12 juillet 2011.

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22 juillet 2011 5 22 /07 /juillet /2011 18:53

1551774 3 8f8b la-senatrice-alima-boumediene-thiery-en-2010Pauvre Alima Boumediene-Thiery. Non contente de trainer derrière elle une odeur de soufre suite à quelques prises de position pour le moins suspectes, la sénatrice des Verts a trouvé le moyen d’illustrer les vœux d’Eva Joly, qui lors de son premier discours de la Présidentielle, affirmait être « pour la redistribution des richesses »,  en incarnant « La France des banlieues, des chômeurs, et des petits salaires », pour ainsi représenter « La France qui refuse de vivre sous le régime des privilèges. »… Dix jours plus tard, le site Atlantico publie en exclusivité, une demande de la Sénatrice auprès du Ministère de l’Education Nationale, suite au refus de l’admission de son fils dans un internat public, en se plaignant que ses revenus soient étrangement plus élevés que les plafonds des critères sociaux... et que sa réélection en septembre prochain soit aussi incertaine que ses futurs revenus par la même occasion !

 

Plus de 10000 euros par mois, dont une bonne moitié non fiscalisée, les transports payés par la République et  1500 euros de loyer (ou de crédit immobilier) ? Est-ce ainsi que les Verts voient la France des petits salaires, puisque Madame Boumediene-Thiery se plaint de ne pas satisfaire des critères sociaux qui permettent pourtant de ne venir en aide qu’aux personnes qui en ont réellement besoin ?

 

Mais le plus grave dans tout cela, c’est justement le manque d’éthique de cette sénatrice. Car quand on est un cadre et une élue d’un parti qui revendique la fin des privilèges, il est toujours surprenant de voir que cette femme ait cru bon d’utiliser un papier à l’entête du Sénat et qui rappelle sa position. Un citoyen lambda aurait-il pu bénéficier d’un réexamen d’un refus d’admission d’un internat public sur simple demande au Ministre lui-même. Certainement pas. Alors pourquoi la sénatrice Verte a cru bon de le faire au nom de son mandat ?

 

Quand on se souvient que Dominique Voynet avait fait fi du cumul des mandats pourtant prohibé par les statuts des Verts pour conquérir la mairie de Montreuil malgré son siège de sénatrice, on comprendra mieux comment chez certains il y a les principes et l’esprit des principes.

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16 juillet 2011 6 16 /07 /juillet /2011 09:22

CorbeauEva Joly a-t-elle innocemment repris une ancienne idée des Verts de Paris en se déclarant pour la fin du défilé militaire ? En s'attaquant à un symbole français par excellence, ne savait-elle pas ce qu'elle touchait là ? Et si tout cela n’était que le fruit d’un stratagème visant à titiller ses détracteurs sur leurs points sensibles : la xénophobie ?

Et de faire un point faible un atout : ses origines pour prendre la posture de l'offensée et non de l'offensive ?

Comme jadis Ségo le fit avec les machos ?

 

Habile dessin que n’aurait pas renié Maître Renard…

 

Maîtres  Fachos, sur leurs convictions perchés,
Tenaient en leur bec un adage.
Maître Joly, par l'odeur alléchée,
Leur tint à peu près ce langage :
"Hé ! bonjour, Messieurs les Fachos.
Que le défilé est laid ! Qu’il me semble vieillot !
Sans mentir, si d’un abordage,
Je pouvais faire cesser  ce  grand déballage,
Je me verrais bien récupérer quelques voix ». 
A ces mots les Fachos ne se sentirent pas de joie ;
Et pour montrer leur belle voix,
Ouvrirent leur large bec, exprimant leur xénophobe foi.
Maître Joly fit mine de s’en offusquer, puis dit : "Mes bons Messieurs,
Apprenez que tout gouailleur
Vit aux dépens de celui qu’il écoute :
Cette leçon vaut bien un sondage, sans doute. "
Les Fachos, honteux et confus,
Jurèrent, mais un peu tard, qu'on ne les y prendrait plus.

 

Illustration gracieusement empruntée à Il était une histoire. com ;o)

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11 juillet 2011 1 11 /07 /juillet /2011 12:54

GuéantAlors que la Cour des comptes émettait des doutes sérieux sur la gestion et l'efficacité des forces de sécurité en France, Claude Guéant, furieux, est monté au créneau en dénonçant, selon l'AFP qui s'est procuré une copie, "un nombre important d'inexactitudes, d'erreurs d'analyse, d'oublis et d'appréciations manquant parfois d'objectivité", ainsi que des "formulations abruptes" et des "sous-entendus contestables".

Le ministre de l'Intérieur enchaîne puisqu'il "conteste l'appréciation portée, dès les premières lignes du rapport, sur le caractère soi-disant 'contrasté' des résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance depuis 2002". Enfin, Guéant d'en conclure : "Les rapporteurs adoptent une lecture trop systématiquement quantitative des ressources et des moyens disponibles, en omettant la dimension qualitative."

A la première lecture de ces déclarations, une première remarque, d'ordre linguistique s'impose : les résultats ne pouvant prendre eux-mêmes la parole, à moins d'une personnification propre à la fable ou au conte, il est impropre de parler du "caractère soi-disant contrasté des résultats". Il faut plutôt évoquer le "caractère prétendument contrasté des résultats". Mais il y a si longtemps que ce gouvernement s'essaye aux barbarismes qu'il ne convient plus de s'en offusquer.

En revanche, concernant le fond de la déclaration, il serait de bon ton de crier "Au barbare !". Car la seule réflexion qui devrait venir en tête de chaque observateur, de chaque journaliste, et pour le dire tout simplement de chaque citoyen :

 

Mais de quoi je me mêle ? 

 

Au nom de quoi Monsieur Guéant s'autorise-t-il à faire des commentaires sur les conclusions et les préconisation de la Cour des comptes ? Mais quel diable l'a piqué au vif pour lui autoriser ce que d'aucuns ne se serait permis de faire en des monarchies moins sarkozyennes ? Car il n'est nul besoin d'être un devin pour imaginer que le ministre de l'Intérieur ait eu le feu vert de l’Élysée pour faire une sortie de la sorte. Et il en est de même pour toutes les prétendus couacs ou autres boulettes qu'il fit par exemple sur l'immigration...

Alors que depuis hier, ses collègues du gouvernement n'en finissent plus de commenter la polémique et d'alimenter le spectre du populisme, la réalité est bien plus cruelle : le gouvernement n'a pas le droit de commenter le rapport de la Cour des comptes. Il en retourne de la séparation des pouvoirs qui fait que chacun d'eux est indépendant.

La Cour des comptes est la juridiction financière de l’ordre administratif en France. Elle est elle aussi complètement indépendante. C'est d'ailleurs dans cet esprit qu'on y a placé un socialiste à sa tête, en l'occurrence Didier Migaud. Son rôle est d'aider et de renseigner les pouvoirs exécutifs et législatifs. L'accuser de partialité n'est donc qu'une affabulation des plus grotesques. Sous l'ère Sarkozy, quand on n'est pas d'accord avec le président on est partial. Normal puisque quand on enquête sur un des ministres, on utilise des méthodes fascistes...

Pour autant, en gardant la tête froide et en revenant aux principes mêmes de notre République, et en faisant fi des représentations fantasmagoriques que certains veulent lui substituer, le gouvernement n'a pas le droit de commenter ce rapport. De même que Monsieur Hortefeux n'avait pas le droit de dénoncer le laxisme de la justice il y a exactement un an, qu'il n'avait pas le droit de pointer du doigt des magistrats en septembre dernier, de qualifier une décision de justice "disproportionnée" en décembre dernier. De même que Monsieur Sarkozy n'avait pas respecté la présomption d'innocence dans l'affaire Clearstream, en parlant de coupables au lieu de prévenus...


 Une séparation des pouvoirs qui vacille 

 

La séparation des pouvoirs n'existe plus depuis 2007. Et sans doute même depuis 2002, pour ce qui est des faits relatifs au ministère de l'Intérieur. Et l'exécutif, le législatif et le judiciaire ne sont pas les seuls touchés. D'autres domaines, que l'on peut légitimement intégrer dans une vision moderne de la séparation des pouvoirs sont atteints : le président de France Télévisions est désigné par le président de la République (car nul n'est dupe de la ratification automatique aux 3/5ème d'une Assemblée qui n'est que factice depuis l'inversion des calendriers électoraux), les grands groupes de presse sont détenus par des puissants industriels qui sont, de notoriété publique des proches de Nicolas Sarkozy, lui-même s'est proclamé pour le financement des mosquées pour mieux contrôler l'Islam de France. Il ne manquerait plus d'ouvrir le budget de la France à la Bourse pour que la séparation des pouvoirs ne subissent un inceste suprême...

 

A l'approche des présidentielles, il serait grand temps de rappeler quelques principes. Anciens certes. Mais la démocratie ne date pas d'hier : de la Grèce antique précisément. Et pourtant, ses édifices sont plus fragiles que jamais aujourd'hui. Sarkozy et le gouvernement ou les éléphants dans le magasin de porcelaine démocratique...

Publié par Yves Delahaie, sur Le Plus – Nouvel Obs le 8 juillet 2011.


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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 10:50

Salle des profs d’un collège. Sur la table, une feuille de pétition est à la portée de tous les yeux.

  affiche

La veille, une mère de famille rentre chez elle. Elle voit une enveloppe à son nom. Elle l’ouvre puis voit une affichette :

SOS educ 6

 

Derrière, une invitation à signer la pétition et à renvoyer accompagné d’un chèque pour soutenir l’association. Elle hésite. Puis se rappelle de ces dictées que son professeur rechigne à faire.  Vingt euros, ce n’est pas grand-chose pour défendre une si noble cause. Elle va chercher son chéquier.

 

Le 13 avril 2011, dans un autre foyer, un père de famille zappe frénétiquement sur la TNT et tombe sur France ô, une chaîne qu’il ne regarde jamais. Mais ce jour-là, une jeune femme l’interpelle en parlant des violences à l’école. Jamais il n’avait pensé que la situation était si grave. Demain, c’est sur, il en parlera aux autres parents d’élèves lors de la réunion préparatoire pour la fête de l’école.

 

LOGOToutes ces anecdotes ressemblent à des bouts de vie, piochées ici ou là. Pourtant, elles sont toutes liées. Liées à une association : SOS Education. Crée en novembre 2001, sous la houlette de Sylvain Marbach et Domitille Létondo, elle n’en finit plus de s’inviter partout, dans vos boîtes au lettres, dans les manifestations, sur les plateaux de télévision, et même dans le bureau du Ministre de l’Education. Une omniprésence qui dérange. Beaucoup ont mené l’enquête : de Libération au Monde. On dit beaucoup de choses, on en soupçonne encore davantage. Pourtant, le seul mot qui revient, enquête après enquête, c’est « nébuleuse ». Difficile de savoir qui se cache derrière cette association, qui se revendique comme apolitique mais qui, dans les débats, est loin de n’avoir aucun avis sur la politique à mener. Nul besoin de faire de l’investigation sur les relations politico-philosophiques qu’entretiennent les cadres de SOS Education ou de se prêter aux suspicions sur la manne financière qui lui permet d’opérer avec une telle ampleur. Pour analyser le phénomène, il suffit de s’en tenir aux déclarations, aux revendications, aux méthodes employées. Histoire d’en avoir le cœur net.

Le sujet qu’affectionne tout particulièrement SOS Education c’est la violence scolaire. Il suffit d’aller sur le blog, ou pour les plus pressés par le temps, de parcourir les tweets qui sillonnent le compte de l’association pour s’en convaincre : « Violence à l’école, le Ministre s’est enfin décidé à réagir »  (27/06), « Elle risque sa vie en allant au collège » (24/06), « battue à mort devant son collège » (20/06), « Peur sur l’école » (16/06), « Il a voulu me tuer » (10/05), « Menacée par les élèves, abandonnée par ma hiérarchie » (09/05), « Je vis dans un monde de peur » (04/05)… Les écoles de France seraient-elles en passe de devenir l’annexe du Bronx ? L’exagération est de mise, même sur les plateaux de télévision :

 

 

 

Le message est martelé avec constance. De quoi faire frémir. Et comme un signal, une antithèse qui en dit long sur le rapport peur / intérêt : 

 

 

 

Les témoignages semblent arriver jour après jour. Comme si les langues de déliaient. Comme si l’omerta tombait.  Chaque témoignage invite ensuite à rejoindre « L’observatoire de la souffrance des professeurs », où l’on vous offre un ebook gratuit, intitulé «  La vérité sur la souffrance des professeurs » et où l’on découvre, ô surprise, tous les témoignages qui étaient alors twittés ! SOS éducation ne s’embarrasse pas et recycle ce qu’elle a déjà soigneusement collecté. Bien évidemment, on respecte l’anonymat des auteurs de ces témoignages, qui vivent dans la peur et le devoir de réserve lié à la fonction publique. Une situation idéale et pratique qui ne permet aucunement de vérifier la véracité des faits.

Une méthode pour le moins suspecte et qui en appelle d’autres. Avant l’explosion d’internet, l’association invitait les détenteurs de tracts à signer une pétition souvent accompagnée d’un appel au don pour la valider. Un moyen efficace de récolter des fonds. C’est en substance ce qu’expliquait le site Sauver les lettres en 2006 : « nous dénonçons avec la plus grande vigueur les méthodes et les objectifs de SOS-Education.(…) Les 64000 adhérents dont se prévaut SOS-Education sont, pour la plupart, les victimes d'une opération de publipostage massif et ciblé. (…) Sur la base d’affirmations tronquées ou mensongères, SOS-Éducation les invite alors à participer à de faux " référendums ", lance des campagnes d'intimidation contre diverses maisons d'édition, exerce des pressions incessantes et de toutes natures auprès des pouvoirs publics, des élus, des responsables politiques, des journalistes et des familles ». Une attaque en règle puisque SOS Education a poursuivi Sauver les Lettres contre ces accusations, et perdit son procès en première instance et en appel.


C’est d’autant plus intéressant que le communiqué indique qui a inspiré à SOS Education ses méthodes : « Cette association a engrangé des moyens financiers considérables en copiant la recette d' " Avenir de la Culture ", » Etonnant parallèle, car si Avenir de la Culture est peu connue du grand public, elle l’est en revanche davantage de ceux qui s’intéressent de près ou de loin à certaines questions de société comme l’avortement ou l’homosexualité, comme Fiammetta Venner et Caroline Fourest, qui dans Les Anti Pacs ou la dernière croisade homophobe, paru en 1999 évoquent les méthodes de ADC : « Doté d’importants moyens et d’une poignée de militants, ADC commence par racheter des fichiers en tous genre : abonnés d’hebdomadaires etc. A la moindre occasion, à la moindre apparition homosexuelle, le groupe est prêt à lâcher ses chiens. Pas besoin d‘une foule de bénévoles (…) : il suffit de financer l’envoi d’un premier courrier (environ 2000 Frs), de l’envoyer au hasard, bien rédigé et demandant à corps et à cris de l’argent pour financer la suite pour que la grande chaîne posta de la haine s’autofinance.  Jouant sur la fibre populiste et garantissant l’anonymat à ceux qui peuvent ainsi se défouler à moindre risque, chaque sympathisant signe de deux mains plusieurs lettres-type et l’opération peut commencer ».

 

SOS educ 5A part le nom et la mention à l’homosexualité, et vous avez l’impression d’entendre parler de SOS Education ! D’ailleurs, nul besoin de faire abstraction de la mention de l’homosexualité.

Car si SOS Education s’est surtout faire connaître par une campagne acharnée sur la méthode syllabique, l’association s’est aussi singularisée par des prises de positions pour le moins réactionnaires et puritaines en matière de morale. Ainsi, l’association s’est offusquée à ce que deux syndicats enseignants participent à la Gay Pride (le lien du communiqué officiel a été crypté pour n’être accessible qu’aux adhérents de l’association, mais Wikipédia en relate une partie) avec en guise d’explication qu’il n’est « pas acceptable que des professeurs organisés, représentants (sic) l’Education nationale, se mettent à soutenir les revendications contestables des minorités. (…) qui tentent de marteler dans la tête de nos enfants des valeurs controversées ».

 

En 2007, l’association monte au créneau après la tenue de l’exposition du Zizi sexuel, illustrée par Titeuf à la Cité des Sciences. Le communiqué prend la forme d’une lettre d’un parent d’élève (une grande spécialité, on l’a vu…) qui confesse que son enfant de neuf ans n’est pas « taraudé par le sexe » et qu’il « joue au mécano, il lit le « Club des Cinq », et il rêve de devenir pilote d’hélicoptère «  ou bien jockey « depuis qu’il va au poney club »… L’enfant de tous les jours quoi ! Et la lettre de conclure tout en finesse : « Que faudra-t-il pour que nous régissions ? Que les professeurs notent nos enfants en classe sur la mise en pratique de ce qu’ils ont vu à l’exposition ? Qu’on leur montre des films pornographiques en maternelle ? ». La missive n’est pas signée par un anonyme mais par Vincent Laarman

 

SOS educEn 2005, l’association s’était révoltée contre un sujet du bac de SVT qui demandait à partir de documents de « dégager des arguments en faveur de l’autorisation légale de l’IVG en France ». Toujours sur le thème de l’IVG, en 2007, l’association s’offusque que Monsieur Darcos ait cédé au Planning familial d’avoir accepter la diffusion dans les établissements scolaires du film 4 mois, 3 semaines et 2 jours, lauréat du Prix de l’Education Nationale, Palme d’or à Cannes, narrant l’histoire d’un avortement clandestin en Roumanie à l’époque communiste qui offre « un plan de fœtus insoutenable, sanglant et long, mais surtout inanimé ». Etonnamment pourtant en novembre dernier quand Philippe Isnard, professeur d’Histoire-Géographie et d’Education civique à Manosque, force des élèves à regarder un film No need to argue, montrant « morceaux de fœtus »,  « des seaux de sang » ou encore des« embryons morts que l’on secoue par les pieds », tout en distribuant à la fin du cours des tracts pour abroger la loi Veil, l’association reste étrangement muette sur ce manquement à la neutralité, quand l’affaire fait grand bruit en France. Il faut dire qu’il y a une grande différence entre les deux films : le premier montre les méfaits d’une loi qui ne donne pas le choix aux femmes d’avorter quand le second exhibe « le génocide silencieux » de la loi Veil…

 

Puis c’est une nouvelle croisade contre les éditions Nathan pour leur littérature au rabais, qui ne parlent  en 6ème « ni de Montaigne, ni Racine, ni Balzac, ni Flaubert, ni la plupart, de nos grands auteurs. » et leur préfèrent « Boule et Bill et (..) Harry Potter ».  Normal répond l’éditeur qui attaque en justice l’association, puisque ces auteurs ne font pas partie du programme de 6ème… Comment cela, des élèves de douze ans n’ont toujours pas lu les Essais et ne se réjouissent pas d’avoir La Comédie Humaine complète en Pléiade sous le sapin… Diantre !

L’on comprendra qu’avec des méthodes si proches d’Avenir de la Culture, et des thématiques si « modernes » que ses combats contre l’homosexualité, l’IVG ou encore le déclin de la culture française, l’association ravit des spectateurs attendris par les discours traditionnalistes, crypto-frontistes voire franchement xénophobes. 

 

superpedagoAutre point commun avec le Front National (mais attention au amalgames, l’association se revendique apolitique bien évidemment !), sa campagne effrénée pour la promotion du voucher , venant des pays anglo-saxons, autrement appelé le « chèque éducation ». Ce chèque permettrait notamment aux familles les plus défavorisées de placer leurs enfants dans l’établissement de leur choix. Sous entendu de pouvoir donc le placer dans une école… privée ! Marotte quand tu nous tiens. Il faut dire que l’association a la réputation de vouloir démanteler l’école publique. Et le Délégué Général d’ouvrir une conférence en 2007 sur le nombre d’enseignants pléthorique en rapport à leur efficacité. Mais à part cela, Vincent Laarman se défend de vouloir détruire l’école publique…

 

Des pages et des pages pourraient à nouveau se noircir pour éclaircir votre pensée, mais n’en avez-vous pas déjà le cœur bien net ? Aujourd'hui, l'association est loin d'être inoffesnsive. Elle s'attribue les décisions des ministres quand ils vont dans son sens, ce qui fait dire à Cédelle que c'est une marque de fabrique des groupes de pression, et revendique le soutien de 144 députés (enfin 143 depuis que David Douillet a obtenu son maroquin en promotion pendant les soldes du FMI...). SOS Education est là et bien là et compte bien s'inviter aux Présidentielles de 2012. A présent, quand vous verrez un tract ou une pétition de SOS Education, vous n’aurez plus l’excuse de ne plus savoir.  

 

Publié par Yves Delahaie, en version courte sur Le Plus – Nouvel Obs le 8 juillet 2011.

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  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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