C’est officiel la campagne est lancée ! Non pas celle des cantonales qui devrait, elle, battre son plein. Mais la présidentielle pour 2012. Car depuis le sondage paru parHarris Interactive ce week-end, pour Le Parisien, c’est une véritable onde sismique qui s’est abattue sur toute la France : Marine Le Pen serait en tête des intentions de vote pour la prochaine présidentielle. Polémique sur la véracité et la fiabilité du sondage, polémique sur la responsabilité des uns et la culpabilité des autres, surenchère de la part d’une députée, tout en élégance, sur les bateaux d’exilés politiques aux portes de l’Europe… Il y avait du spectacle à lire, à voir et à entendre cette semaine. Et la chef d’orchestre avait un nom, un seul : Marine Le Pen.
Baromètre à la hausse pour la tempête bretonne. Pourtant, chacun pourra y aller de sa petite légende, de son déni ou de ses suspicions, les faits sont là.
Pernicieux. Durs à avaler. Choquants.
Mais ils sont indéniables. Certes l’on pourra se dire qu’un sondage en ligne ne vaut pas la traditionnelle méthode téléphonique (le panel de l’un repose sur du volontariat, quand l’autre doit essuyer 90% de refus et donc obtient des résultats autrement plus affinés quand ils les ont). Certes, les vagues successives d’Harris obtiennent des scores d’abstention (de non-réponse) avoisinant les 35%, ce qui ne sera évidemment pas le cas pour la présidentielle (l’abstention a toujours été favorable au score du FN comme en 2002 où celle-ci fut à son paroxysme pour un premier tour). Certes, les ajustements des sondeurs sont un peu détraqués dans la mesure où les sondés ont moins de réticences à dire qu’ils vont voter Marine Le Pen qu’à confesser leur vote pour le père en 2007.
Il n’empêche : le sondage de l’IFOP de ce matin, avec une méthode plus traditionnelle, crédite la nouvelle Présidente du Front National de 21 à 22% des intentions de votes, ce qui la place dans les mêmes chiffres que ceux que dévoilaient Harris avec la marge d’erreur habituelle (1,5 point). Tout juste, les scores de Sarkozy et des candidats PS sont ils largement à la hausse, mais, précise Frédéric Dabi, Directeur du Département Opinion de l’IFOP, ils « bénéficient d’un réflexe s’apparentant à un vote utile, à relier aux débats actuels sur la réédition éventuelle d’un 21 avril. Ainsi, il est frappant de relever que les intentions de vote en faveur de la Première secrétaire du PS progressent de 2 points (22% à 24%) quand dans le même temps celles en faveur des candidats écologiste ou se situant à sa gauche reculent. S’agissant du Président, on retrouve un phénomène analogue ».
Peu importe l’ordre du tiercé : il est presque acquis que l’élection se jouera entre trois candidats, et que parmi eux, Marine Le Pen est la seule à s’être déclarée candidate officiellement.
C’est alors que commence le jeu de massacre. Chacun se rejette la faute, à savoir qui a mis la charrue avant les bœufs. Le PS tombe à bras raccourcis sur Nicolas Sarkozy et ses innombrables dérives qui ont assurément donné de l’engrais au FN : le discours de Latran, puis de Grenoble, le débat sur l’identité nationale, les polémiques sur l’islam… Sans oublier l’indiscutable échec en matière de sécurité, alors que le Président est en action sur le sujet depuis 2003, notamment en son ancienne qualité de Ministre de l’Intérieur, il ne faudrait pas l’oublier.
L’UMP ne s’en laisse pas compter et contre-attaque en accusant le PS de pavlovisme primaire, qui vise à s’attaquer avec violence et de manière inconséquente à toute action engagée par le Gouvernement au point de dégoûter les Français de la Politique, ce qui expliquerait la montée de l’ambassadrice du « tous pourris ».
Que dire de l’extrême gauche ? Si l’UMP et le PS sont assurément dans les choux, le Front de gauche et consorts sont carrément aux fraises en radotant leur sempiternel « F comme fasciste et N comme Nazi » qui sent le rance et la merguez trop cuite des défilés de rues. Avec comme toujours les mêmes recettes qui ont failli : sortir les casseroles du père, refuser le débat, appeler au vote utile comme le préconise Bové qui n’est plus si sure de son Joly candidat ou pire encore modifier le scrutin quitte à annihiler une bonne fois pour toute le pluralisme dans la vie politique française…
Réactions ou réactionnaires ? En tous cas, semer le doute et vous récoltez la bêtise ! Et il serait temps que l’extrême gauche fasse sa réforme agraire.
Car au lieu de prendre en référence 2002 et de voter utile, encore faudrait-il tirer les leçons du 21 avril :
Refuser de traiter les problématiques du FN ? Parlez-en à Jospin !
Refuser le débat comme l’a fait Chirac entre les deux tours ? Parlez-en à Le Pen père qui put surfer à loisir sur la diabolisation de son parti !
Voter utile ? Parlez-en à tous les candidats de Besancenot à Dominique Voynet sans oublier Marie-George Buffet qui obtinrent tous moins de 2% des voix, sacrant pour de bon le bipolarisme à la française !
Mais pourquoi diable ne pas affronter la vérité en face ? Pourquoi diable ne pas prendre ses responsabilités ? Pourquoi inventer fadaises et autres détournements pour mieux asseoir son pouvoir ? L’Histoire a montré que tous ces subterfuges étaient vains et nocifs. Tout le monde a le droit de se tromper. Moi-même j’étais de ceux qui il y a 8 ans avait applaudi des deux mains le refus de Jacques Chirac de débattre dans l’entre deux tours. De la même manière, je m’étais lamenté de ce même Chirac de ne pas avoir dissout le Front National quand son Président dérapait lourdement. Pour autant, et je ne crains pas de le dire j’avais tort.
Tout simplement tort.
Et c’est au nom de cette erreur, que je m’étais insurgé quand l’Association De toutes couleurs et l’administration de Sciences Po nous avaient privés d’un débat faute d’avoir retiré l’invitation au représentant du FN. Tout le monde a le droit à l’erreur de jugement. Encore faut-il qu’elle serve à rectifier le tir. Or, force est de constater que le PS, l’UMP et toute l’extrême gauche n’ont décidément rien compris. Et emploient encore et toujours les mêmes recettes qui ont concocté le menu qu’ils voulaient à tous prix éviter. Comme le client obstiné qui malgré une indigestion continue d’aller se faire servir à la même table.
N’en déplaise à certains, y compris à Monsieur Mélenchon qui malgré beaucoup d’habilité dans son débat le 14 février dernier retombe dans ses travers sectaires, le Front National n’est pas un parti FASCISTE. Ni un parti NAZI. A ce que je sache, le Front National n’appelle pas à la déportation des Musulmans, à la discrimination raciale, et n’en réfère pas à la supériorité d’une race comme le fit Hitler dans son tristement célèbre Mein Kampf. Ce n’est pas parce que le Père avait des idées nauséabondes sur la seconde guerre mondiale, qu’il en avait fait le ciment de son programme politique. Juste de quoi faire parler de lui médiatiquement (ce qui était déjà largement de trop, je vous l’accorde). Ce n’est donc assurément pas avec cette rhétorique que l’on va dégoûter les électeurs de voter Marine Le Pen. Et prendre son électorat potentiel pour des fachos c’est se mettre le doigt dans l’œil. Assez profondément.
Il faudrait donc rétablir la vérité et cesser la caricature. Elle fonctionnait suffisamment pour décrédibiliser le père jusqu’à ce que survint le 21 avril. Aujourd’hui, elle ne contribue qu’à la faire progresser. Il serait temps d’arrêter les frais.
Cela veut-il pour autant dire que le programme et les idées du FN sont inoffensifs ? Certainement pas. Mais au lieu de les diaboliser, il suffit tout simplement de les contrer par la seule arme efficace en démocratie : le débat d’idées. Encore une fois les idées du FN sentent mauvais : il suffit de démontrer leur non-sens. Un seul exemple :
Pour ceux qui pourront le faire avec doigté et finesse, et de toute évidence Monsieur Copé et sa folie de débat sur l’Islam ou encore Madame Chantal Brunel qui a osé une formule que même la présidente du FN avait pris soin d’éviter il y a une semaine à la radio ne font pas partie de ceux-là, il faut débattre avec Marine Le Pen sur la laïcité, concept dont elle utilise le nom sans lui accorder le même sens que celui que lui reconnait la République : le FN a un double discours sur la laïcité qu’il faut démonter. Comme je l’avais fait ici-même. Le FN n’est pas laïque quand il ne voit rien de choquant à ce que le concordat d’Alsace-Lorraine perdure. Le FN n’est pas laïque quand il s’offusque que les cantines ne proposent plus de porc à leur menu sans pour autant dire mot quand un professeur évangéliste distribue en plein cours des tracts anti-IVG et anti loi Veil à ses élèves en leur diffusant un film de propagande Provie. Le FN n’est pas laïque quand certains de ses cadres comme Wallerland de Saint Just en arrive à demander l’interdiction d’un auteur au lycée parce qu’il est anticlérical. Le FN n’est pas laïque quand Les jeunes avec Gollnisch définisse ce principe avec ces mots : « Le discours présidentiel d’hier, en définissant la laïcité comme le confinement de la religion à la vie privée, s’interdit de rattacher la nation à des principes supérieurs. » Enfin le FN n’est pas laïque quand il s’offusque à juste titre mais à mots offensants de l’occupation des rues de certains musulmans pour prier sans pour autant ne rien à voir à redire sur l’occupation illégale de Saint-Nicolas -du-Chardonnet tous les dimanches depuis le Schisme provoqué par Monseigneur Lefebvre surtout quand ils ont le soutien plus ou moins discret des cadres de ce même FN !
Comment dire après cela que de parler de laïcité favoriserait le vote en faveur de Marine Le Pen ? En revanche, assimiler les Musulmans à des délinquants, dire qu’il y a un problème avec l’Islam en France et non avec les autres religions, ou vouloir remettre des gens dans des bateaux aux frontières de l’Europe, c’est assurément faire son lit.
Et le MoDem dans tout cela comme me le glisse non sans ironie certains proches… Silence. Ou presque. Non qu’il ne s’exprime pas. Mais il s’exprime peu. Pire on ne lui fait rien dire. Les médias ont souvent reproché à François Bayrou de cultiver une image de gourou ; mais ils ne cessent de l’alimenter en n’invitant que le Président du MoDem à s’exprimer, occultant le shadow cabinet qui égraine jour après jour des communiqués qui deviennent autant de lettres mortes pour celui qui n’a pas sa carte orange.
Pourtant, en s’imposant comme la candidate qui n’est ni à gauche, ni à droite et qui a enfin entendu ce que recherchait les Français, Marine Le Pen emprunte la troisième voie que Bayrou avait tracée : une idéologie impure abreuve donc nos sillons. Pour autant, la différence entre la gangrène haineuse de la Frontiste et la tâche besogneuse de notre Mouvement qui vise à travailler quelle que soit l’étiquette est abyssale : le MoDem ne propose pas de mettre les partis les uns contre les autres et de diviser la classe politique mais bien au contraire d'effacer les lignes partisanes pour œuvrer ensemble pour le bien du citoyen. Ce qui est clairement plus constructif et moins manichéen.
Mais de cela, les cadres du MoDem n’en touchent mot. Et au final, ce qu’ils disent, semble, aux oreilles des citoyens, n’être rien. Ou pas grand-chose. Ce qui en revient au même. Le MoDem est en jachère. Il entend cultiver sa réflexion pour y voir fleurir les plus beaux projets pour sa France. Mais il ne faudrait pas trop attendre. Car dans les champs d’à côté, la récolte a déjà commencé.
Et comme d'habitude, vous appréciez les si pertinentes caricatures de Le Placide ;o)