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19 avril 2011 2 19 /04 /avril /2011 15:31

influents 1Robert Ménard est décidément impayable. Sa tournée médiatique prend des allures de parcours du combattant. Il s’invite partout et partout on l’invite pour la sortie de son livre scandale Vive Le Pen. Pour quelqu’un qui affirmait hier soir sur le plateau de Canal plus ne pas avoir besoin de marketing, c’est tout de même assez impressionnant. Le livre, personne ne l’a lu. Ou presque. Il sortira le 21 avril 2011. Toujours pas de plan marketing non plus (sa dérobade sur l’avancée de la sortie parce qu’on en parle sans l’avoir lu ne prend pas : il devait sortir le 5 mai, date anniversaire du second tour !). Toujours est-il que Robert Menard le martèle : il n’est pas question de faire l’apologie du programme du Front national, absent de la trentaine de pages de son opus, mais de dire qu’en France il n’est pas de bon ton de dire certaines choses. Et qu’évoquer certains thèmes comme ceux de l’islam et de l’immigration revient à être taxé de Lepeniste. Soit. C’est vrai que Robert Menard est privé de parole, lui qui officie sur RTL et sur Itélé… Le problème qui est ici posé n’est pas tant que Monsieur Menard veuille se faire l’avocat du diable que de se demander si ce qu’il dit a un rapport avec l’information, lui qui est journaliste, et s’il a la légitimité pour imposer des points de vue aussi péremptoires. Ce fut l’enjeu de l’altercation qui eut lieu il y a une semaine sur le plateau de Mots Croisés quand il croisa le fer avec Ariane Chemin et Edwy Plenel :

 

 

En effet, où se trouve l’information quand les doxas sont annoncées au nom du bon sens populaire, au nom de ce que pense tout le monde ? Les joutes verbales de Menard, comme celles de Zemmour ressemblent grandement à celle du café de commerce, ou à celles des diners de familles qui se terminent en engueulade comme l’a suggéré avec subtilité les Guignols hier soir, en inversant le rôle du raciste puisque c’est devenu un sport national :

 

   

La sagesse populaire est-elle à même d’établir la vérité ? L’émotion doit elle se substituer à la rationalité ? Le populisme se fait-il nécessairement le vecteur de la voix du Peuple ? Il est permis d’en douter surtout qu’au cliché, Zemmour ajoute sa touche personnel, avec la caution de l’Histoire, ou plutôt de sa vision historique, propre à embrouiller le profane et à impressionner le béotien comme l’avait formidablement grimé sous ses propres yeux Nicolas Canteloup un samedi soir :

 

 

Et quand les images éculées, les étiquettes, et le brouillage des références ne suffit plus, il ne reste plus qu’à broder, broder, broder, comme ce matin sur RTL dans l’ineffable Z comme Zemmour :

 

 

Impressionnante présence des deux phénomènes pour deux agitateurs qui se disent persécutés et qui se plaignent de ne pas pouvoir bénéficier de la liberté d’expression. On peut en effet s’inquiéter de l’influence grandissante de ces deux figures de proue d’une certaine droite, assez inquiétante, qui use et abuse des armes de la rhétorique pour faire de la persuasion. Aucune argumentation logique te fondée sur des chiffres. La rhétorique de Zemmour et de Ménard est une poétique de la sagesse populaire qui ne croit que ce qu’il voit, omettant tout ce qui échappe à son champ visuel, c’est-à-dire l’intégralité du monde moins lui… Cette influence, que d’aucuns en d’autres temps aurait qualifié de lepénisation des esprits, va crescendo. C’est justement leur omniprésence que dénonce avec justesse Nicolas Domenach, dénonçant par ailleurs le catastrophisme de leurs prédictions qui font passer les idées du Front national pour « rafraichissantes » :

 

 

 

influents 3

Pour autant, Domenach touche là un point sensible. Car s’il est vrai que Zemmour et Ménard ont beau jeu de passer pour les Caliméros eux qui ont les micros tendus à foison, quand ils ne sont pas carrément soutenus par de puissants cadres de l’UMP comme Zemmour, devenu porte-parole de cette droite qui « s’assume » depuis qu’il a été condamné par la justice pour discriminations racistes, il ne faudrait pas oublier que Domenach, lui-même, qui incarne la pensée pour le moins inverse, n’est pas privée d’antenne ou de tribune entre l’hebdomadaire Marianne, la Grande Edition chaque midi sur Canal Plus ou encore le Ca se Dispute le week-end sur Itélé où il fait face à… Eric Zemmour comme pour mieux affuter ses armes directement face à son adversaire !

Le vrai problème réside dans cette notion d’experts qui est venue troubler le jeu médiatique depuis quelques années. Il n’est plus une émission d’information, de débat ou de divertissement qui ne font appel à eux. Ces experts sont polymorphes : diplômé, écrivains, journalistes, éditorialiste, certains s’autoproclamant « polémiste »… Et ils s’invitent aux meilleures tables de France : du jité aux quotidiennes de Canal plus, d’itélé à C dans l’air, des émissions sportives à celles de divertissements… peu importe le sens pourvu que l’on ait la parole. Chacun assène d’un ton péremptoire sa vérité. Parfois même avec arrogance. Qui n’est pas sidéré par les convictions inébranlables de Christophe Barbier quand il déboule sur plateau comme s’il détenait la vérité elle-même ! Le problème c’est que ces experts n’ont, d’une part, pas l’apanage de cette vérité et que ce n’est que dans la confrontation des idées qu’elle jaillit. Et d’autre part, leur statut d’expert tient parfois davantage à une opération cosmétique qu’à une véritable qualité démontrée. Ainsi, Tariq Ramadan s’invite sur les plateau comme docteur en théologie et comme professeur à Oxford, quand Antoine Sfeir des Cahiers de l’Orient ne cesse de dénoncer cette imposture : le Jury de sa thèse a démissionné car il refusait de cautionner la vision idéologique de celui qui faisait l’apologie du créateur des Frères Musulmans, son grand-père Al Bana, et il ne l’a obtenu qu’avec un autre, dépêché en urgence, avec la mention « passable » ce qui n’est guère flatteur pour une thèse… Quant à sa chaire de théologie à Oxford, il n’y intervient qu’en tant que vacataire ponctuel… On se souvient aussi dans un autre registre que François Hollande était venu commenter la défaite de l’équipe de France de Football au championnat d’Europe de 2008 sur M6 ou encore des débats techniques entretenus par Cohn Bendit sur la même équipe après la bérézina d’Afrique du Sud…

influents 5Et pourtant, malgré aussi peu de qualité pour parler de certains sujets, certains influents médiatiques s’autorisent tout : commenter, expliquer, donner leur vérité. Lorsque l’on dénonce leur litanie systématique, ils rétorquent que la pensée unique s’est aujourd’hui inversée. Et quand on ose leur demander leur légitimité, ils crient à l’arrogance ou, pire, expliquent qu’ils parlent comme des citoyens. A cela personne n’ose répondre car dans toute démocratie, il faut laisser la parole au citoyen. La différence c’est que le citoyen que je suis n’a pas les micros de RTL, France Inter, Europe 1, Itélé, Canal Plus pour s’exprimer ! Leur omniprésence dévoie le jeu démocratique. Et influence à long terme la pensée. Et par là même les élections.

Leur Influence se mesurera avec le temps mais on peut d’ores et déjà dire que ces influents qui surfent sur la vague populiste sont déjà populaires.  Et comment ne le seraient-ils pas dans une société devenue nombriliste comme jamais, comme lors de la présidentielle 2007, qui vit les émissions de débat entre candidats disparaître au profit de face à face factice avec les Français devant des millions de téléspectateurs où chacun entonnait son « Et moi, et moi, émoi », à chaudes larmes ? L’autre n’a plus d’importance dès lors que le moi est brossé dans le sens du poil.

Il devient urgent de ce système comme il est important d’être honnête, d’avoir de vrais arguments, de cesser de se contenter de l’émotionnel pour laisser place au rationnel.

influents 4Pour autant, il ne faut pas pour autant jouer le jeu des influents médiatiques en les censurant ou en contournant certains sujets ; ce sont des sniffeurs de la peur comme l’a bien décrit Daniel Schneidermann. Bien au contraire il faut s’armer de courage, faire preuve d’honnêteté et poser les problèmes. Avec clarté et pédagogie. Sans avoir peur d’aller à rebrousse-poil même si  l’on peut parfois, au détour d’un diagnostique flatter ceux qui ont des idées nauséabondes. On peut parfaitement avoir parfois les mêmes diagnostiques que les extrémistes. Pour l’avoir oublié, la France a vu le Pen accéder au deuxième tour. La grosse différence réside dans les solutions et les recours. Et c’est bien là que l’on reconnait les humanistes.

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  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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