Alors que se prépare la "manif pour tous" dimanche prochain à Paris, que la police anticipe comme un événement d’ampleur en termes de participation, Frigide Barjot continue malgré son emploi du temps de Ministre d’avoir un sens marketing particulièrement aiguisé en sortant ce jeudi son "livre" sur la question : "Touche pas à mon sexe".

S’inspirant de la recette qui avait tant réussi à Stéphane Hessel avec "Indignez-vous" et qui avait causé tant de raillerie à Robert Ménard pour son "Vive Le Pen", l’autoproclamée Frigide Barjot, alias Virginie Tellenne, nous sert donc un livre frugal d’une trentaine de pages, ou plus exactement 24 si l’on enlève celles qui sont blanches qui pourront toujours vous être utiles pour faire la liste des courses ou pour noter les heures de la messe.
D’ailleurs Frigide commence justement par la messe, ou presque : "Chers amis lecteurs, catholiques ou pas vraiment". Intrigante formule d’entrée que celle-ci. Pourquoi avoir tenu à rajouter l’adverbe "vraiment" ? Serait-ce à dire que ceux qui sont contre le projet de loi sont nécessairement catholiques ou sensibles à ses arguments ? Ou est-ce à rappeler que, finalement, les origines judéo-chrétiennes de la France fait en chacun de nous un catholique qui s’ignore ? Mystère.
Toujours est-il que très vite, trop vite même, Frigide Barjot opère comme elle a coutume de le faire sur tous les plateaux où elle est invitée. Elle s’empresse de répondre à la présomption d’homophobie qui frapperait les opposants du projet en se désignant insoupçonnable : "je suis ce qu’il faut bien appeler une 'fille à pédés', nous rappelant ensuite que son premier amour était pour son plus grand malheur homosexuel (snif), "Moi, j’ai mon brevet d’homophilie" (sic), "j’ai passé mes premières années parisiennes sur les chars de la Gay Pride" (un arrêt cardiaque est à prévoir du côté de Civitas…).
Bien évidemment comme je l’avais déjà souligné lors de ces prestations scéniques, il apparaît plus que suspect de vouloir tout de suite envoyer aux lecteurs pareille justification. Et de se demander ce que Frigide Barjot cache sous tant d’emphases.
Il ne faut d’ailleurs pas attendre bien plus longtemps (il faut dire qu’avec 24 pages, on s’en serait douté) pour découvrir le pot aux roses. Et le moins que l’on puisse dire c’est que la fleur est odorante. Elle vient du jardin de Philippe Arino, auteur de "mon cher Philippe Arino" précise-t-elle, sous la plume duquel on peut lire qu’en effet, Frigide Barjot n’entretient ni clichés, ni stéréotypes poussant à l’homophobie :
"l’homosexuel est une personne souvent blessée, à la sexualité souvent immature, qui se transforme alors en sexualité boulimique avec une infidélité quasi-consubstantielle : il suffit pour s’en convaincre de lire la presse homosexuelle où le sexe est omniprésent, de connaître un tant soit peu ce monde pour s’en rendre compte…"
Alors bien évidemment Frigide Barjot précise qu’il est "homo" comme si cela était une armure suffisante pour ne pas être abattue sous les accusations d’homophobie… Mais omet de dire que l'écrivain controversé a tourné à 180 degrés depuis 2011. Une information que m'a confirmé Daniel Conrad, animateur sur RCN, France Culture et qui l'a souvent invité au micro de son émission "Ce n'est que de l'amour". Philippe Arino qui, actuellement, prône la "continence", en renonçant à la drague, à la masturbation et à la pornographie dans un don total à Dieu et à l'église. A Lille en octobre dernier lors de sa réunion publique à laquelle j'ai pu assister, Alain Escada de Civitas ne prenait pas d'autre exemple qu'Arino pour montrer que même les homosexuels étaient opposés au projet. Amen.
Puis la présidente de la "manif pour tous" s’empresse de faire la nique aux sondages d’opinion, qui sont depuis de nombreuses années largement favorables au "mariage pour tous", en trouvant une raison, qui, à elle seule, expliquerait ce qui correspond à un égarement selon elle : les Français sont manipulés ! Incapables de penser par eux-mêmes, pensez donc ma brave Dame.

Et l’ignoble, l’horrible, la satanique responsable de ce complot digne d’un scandale d’état ne se reconnait pas à un nombre mais répond à un nom : Caroline Fourest ! La "spécialistologue sur le service public" ou encore une des deux "gauchistes les mieux payées par le système libéral" avec Clémentine Autin.
Frigide Barjot n’hésite pas réinventer le verbe en parlant de "médias fourestisés" et en glosant sur celle qui semble avoir son rond de serviette sur tous les plateaux ou aux côtés de chaque micro… Amusant de la part de celle que l’on entend sur Europe 1, RTL, France inter, RMC, France culture ou que l’on voit au Grand Journal, chez Taddéi, à C dans l’air, chez Paul Amar en moins de 10 jours en décembre !
Pour autant, Frigide est formelle : "l’opinion publique reflète surtout ce qu’elle entend dans les médias". Elle en veut pour preuve que les intentions favorables à l’adoption ont "chu" de 10 points en quelques mois. Preuve, selon elle, que les opinions évoluent "dès lors que la parole commence à circuler". Pendant que Virginie Tellenne se réjouit de la baisse des intentions favorables au projet, elle oublie de dire que dans le même temps, le nombre de plaintes à SOS homophobie a explosé avec 200% d'augmentation. La fin justifie sans doute les moyens.
Frigide Barjot serait donc ce vecteur par lequel la parole circule. Et loin de se dégonfler, elle se charge ensuite de nous montrer de quoi est composée cette parole. Et l’on comprendra aisément qu’à grands coups de mensonges et de manipulations, l’opinion, ne reste en effet pas toujours insensible.
Ainsi, elle décrète en substance que seront rayés du code civils "tous les mots, mais aussi les réalités de 'mari' et de 'femme', de 'père' et de 'mère' ", mensonge qu’elle commet régulièrement sur tous les plateaux et qui lui vaudra la conclusion qu’elle n’avait pas lu le texte de loi sur le plateau du Grand Journal, par Najat Vallaud-Belkacem. Un mensonge maintes fois démasqué par la Garde des Sceaux, qui est tout de même l’auteur du projet de loi…
De la même manière, Cassandre Barjot explique :
"Sur votre carte d’identité, il est aujourd’hui inscrit 'sexe' : 'homme' ou 'femme'… Demain, il y aura 'genre' : et 'hétéro, homo ou bi, ou trans' ". Une prédiction déjà présente dans son petit clip qui préparait la manifestation du 17 janvier :
Persistance d’un délire bien qu’elle ait concédé que sa vision était une pure lueur de son imagination fertile quand Mouloud Achour lui avait demandé fermement si elle était sure de ce qu’elle affirmait, et alors que Najat Vallaud Belkacem veillait au grain en face d’elle.
Et Frigide Barjot n’oublie rien et surtout pas les risques de la polygamie, thème importé dans le débat Civitas et ce dès juin 2011 à l’aide d’autocollant.
Ainsi, Frigide reprend la légende d’un couple à trois au Danemark, sur lequel les services recommandés de Christiane Taubira ont prospecté en vain comme elle l’expliqua sur France inter suite à l'argument déjà brandi par Mgr Vingt-Trois, ou encore sur la demande excentrique qui fut faite au Brésil par un notaire en mal de notoriété et qui n’aura obtenu aucune reconnaissance officielle, puisque la loi brésilienne condamne la pratique.
Mais rien n’est suffisant pour son argumentation qui se doit d’étonner et qui doit détonner par ses doigts habiles quand elle affirme que le projet de loi est une porte "grande ouverte à toutes les dérives" et de citer dans l’ordre "poly-mariage répondant au poly-amour, en attendant le droit à l’inceste". La même argumentation que les intégristes fondamentaliste de Civitas.
Elle aura toujours le bon rôle ensuite de prétendre vouloir se différencier d’eux sur le plateau de Paul Amar : la chapelle est édifiée sur un autre terrain, mais le bréviaire est partagé. D’ailleurs, en prenant la défense de Mgr Barbarin ou encore de François Lebel, Frigide Barjot ne peut plus se réfugier derrière son "brevet d’homophilie".
Dans ce livre (sic), l’ubuesque succède au décadent quand elle prétend qu’Elisabeth Guigou a changé sa position pour "les raisons médiatiques exposées plus haut", à sa voir la fourestisation des débats si on la lit correctement. Ou alors en expliquant que puisque "tous les enfants de divorcés souffrent et sont ‘carrencés’ " (en quoi, en calcium ?), "alors qui peut croire que ceux des couples homosexuels seront moins déstabilisés", dans un syllogisme qui défie les lois de la logique. Elle n’hésite pas non plus à citer un psychanalyste qui prêche pour sa paroisse pour affirmer avec le le ton péremptoire des vérités incontestables qu’il est "amusant, en tous cas de voir la psychanalyse et l’Eglise arriver aux mêmes conclusions", comme l’aveu incontestable et surtout la confirmation qu’elle représente donc bien l’Eglise…
Frigide Barjot conclut finalement par convaincre le lecteur que 24 pages sont finalement suffisamment longues comme cela et ce dernier pourrait être déçu de voir que les deux dernières lignes auraient suffi à lui faire économiser trente précieuses minutes :
"Parce que nous sommes tous nés d’un homme et d’une femme, et que ce n’est pas près de changer".
En effet Frigide, la loi n’a pas la prétention de changer cela. Alors, tout ça pour ça ?