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24 octobre 2012 3 24 /10 /octobre /2012 10:18

Najat Vallaud-Belkacem à Deauville, le 10 octobre 2012 (A.ROBERT/SIPA)

Najat Vallaud-Belkacem à Deauville, le 10 octobre 2012 (A.ROBERT/SIPA)

 

Le feu d’artifice n’est décidément pas prêt de s’éteindre au sein du gouvernement. Il ne se passe pas trois jours sans qu’un de ses membres ne vienne jeter un pavé dans la mare. Après la légalisation du cannabis lancée par Vincent Peillonles "salles de shoot" par Marisol Touraine, voici la porte-parole qui se mêle à la danse en proposant, dans un entretien à "Têtu", d’indiquer dans les manuels scolaires l’orientation sexuelle des personnalités politiques. Rien que cela !

 

D’aucuns persiflent en dénonçant pour chaque sortie excentrique du gouvernement une énième manœuvre pour faire oublier l’incapacité du gouvernement à faire face à la crise. Et ce, malgré la fin de la récréation sonnée par Jean-Marc Ayrault.

 

Pour autant, si le ministre de l’Éducation nationale avait clairement franchi la ligne rouge des compétences de son poste, notons que Marisol Touraine et Najat Vallaud-Belkacem restent dans leur rôle, puisque la première est ministre de la Santé, quand la seconde est ministre des Droits des femmes et actuellement en charge d’une mission sur l’homosexualité.

 

Najat Vallaud-Belkacem veut-elle des listes d'homosexuels ?

 

D’ailleurs, dans son entretien au mensuel gay, elle avance d’autres propositions pour modifier l’image de l’homosexualité au sein de la société française comme le fait de rendre "utile que des familles homoparentales soient représentées dans les campagnes de communication généraliste du gouvernement, afin de banaliser ce fait". Ou encore la saisie de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) "pour qu'il soit mis fin aux dérives que sont les 'thérapies de transition' ". Ces thérapies sont proposées par des groupes protestants pour "guérir" les homosexuels.

 

Mais ce qui a semblé interpeler les médias, c’est davantage la proposition concernant les manuels scolaires :

 

"Aujourd'hui, ces manuels s'obstinent à passer sous silence l'orientation LGBT (lesbienne, gay, bi et trans) de certains personnages historiques ou auteurs, même quand elle explique une grande partie de leur œuvre comme Rimbaud."

 

Sans doute cette petite phrase n’aurait pas tant fait réagir, si la porte-parole du gouvernement avait fait l’économie d’un mot. Un seul. L’adverbe "même". Parce que, s’il paraît normal d’évoquer l’homosexualité d’un auteur ou d’un personnage historique dès lors que son orientation sexuelle éclaire son œuvre ou la trajectoire d’un personnage, pourquoi s’y intéresser dans le cas où cela n’aurait eu aucune incidence connue ? Car, en plaçant l’adverbe "même", Najat Vallaud-Belkacem entend bien systématiser cette mention, même si cela ne venait pas à éclairer le passage enseigné.

 

Najat Vallaud-Belkacem dans son bureau à Paris, le 21 juin 2012 (E.DESSONS/SIPA).

Najat Vallaud-Belkacem dans son bureau à Paris, le 21 juin 2012 (E.DESSONS/SIPA)

 

Mme Vallaud-Belkacem sait-elle comment on enseigne la littérature ?

 

Et c’est d’autant plus étrange, qu’en tant que professeur, j’en viens à me demander si notre ministre a récemment ouvert un manuel scolaire pour dire pareille baliverne, et au-delà du manuel, si elle a pris la peine de savoir comment était enseignée notamment la littérature à notre époque.

 

Il ne fait aucun doute que, dans une biographie de Rimbaud, personne ne songerait à occulter l’homosexualité du poète, même pour satisfaire ses réticences personnelles sur la question, tant l’information est devenue un cliché de la littérature française. De la même manière, on n’étudie ni Platon ni Socrate sans parler de l’homosexualité (même à la limite de la pédophilie) chez les Grecs, en cours de Terminale.

 

Pour autant, est-il véritablement nécessaire de savoir l’idylle entre Rimbaud et Verlaine pour saisir le sens du poème "Le Dormeur du Val" ? Ou encore de "Charleroi" ?

 

On peut aisément comprendre que la volonté est de banaliser l’homosexualité dans l’évocation de notre littérature ou notre Histoire, pour montrer qu’elle fait et a toujours fait partie de notre civilisation. Mais n’oublions pas que l’homosexualité relève avant tout de l’intime. Nous n’avons pas à outer à titre posthume nos personnages historiques, ne serait-ce que parce qu’ils n’ont pas tenu à en parler de manière publique eux-mêmes.

 

Et quand bien même ils l’auraient fait, si cette révélation n’éclairait nullement le savoir prodigué, les élèves ne comprendraient pas forcément une évocation qui tomberait comme un cheveu sur la soupe. On imagine même le bâton tendu par le professeur pour faire digresser le cours, et tomber de manière complètement inattendue et sans doute contre-productive dans un débat improvisé et non canalisé sur l’altérité et l’orientation sexuelle en plein cours de français ou d’histoire.

 

Comment banaliser l'homosexualité chez les jeunes élèves ?

 

Il y a bien d’autres moyens d’évoquer la question, non sans courage, dans nos enseignements respectifs, à travers des textes spécifiques comme "Les Faux Monnayeurs" d'André Gide ou encore "Nana" D'Emile Zola, des personnages historiques qui ont fait avancer la reconnaissance de l’homosexualité comme Harvey Milk, de la même manière que l’on traite la cause féminine avec Simone de Beauvoir.

 

Les cours de SVT peuvent aussi permettre de normaliser l’homosexualité auprès des adolescents. Mais il n’y aucun intérêt à manipuler nos manuels scolaires et à y faire mention de l’orientation sexuelle si ce n’est à vouloir donner à l’école, encore une fois, une responsabilité et une mission éducative qu’elle n’a pourtant pas à supporter seule.

 

L’homosexualité ne sera plus un sujet d’ostracisme ou encore de singularité, quand les médias, le cinéma ou encore la publicité auront cessé d’en faire une différence ou une exposition exceptionnelle.

Quand l’État donnera aux homosexuels les mêmes droits qu’à ceux qui ne le sont pas.

Quand les homosexuels ne seront plus des citoyens de seconde zone, mais bien des Français aux droits équivalents et indissociables de ceux dont jouissent les hétérosexuels.

 

Que par la suite, les élèves aient la curiosité de s’aventurer dans les biographies pour tenter de savoir si l’homosexualité d’un personnage est présumée ou affirmée, liberté leur est donnée. Mais ce n’est pas en accessoirisant l’orientation sexuelle que l’on parviendra à soulager les maux dont souffre la société, dès lors qu’il est question d’altérité par rapport à une norme convenue. 

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16 octobre 2012 2 16 /10 /octobre /2012 10:17

Jean-Louis Borloo lors de l'université d'été de l'Alliance républicaine, écologiste et sociale le 10 septembre 2011 (S. THOMAS/AFP)

 Jean-Louis Borloo lors de l'université d'été de l'Alliance républicaine, écologiste et sociale le 10 septembre 2011 (S. THOMAS/AFP)

 

C’est un peu le péché mignon des nos aînés. Trempant leur madeleine dans leur thé, leur mémoire s’évapore dans la nostalgie la plus exquise, retranchant toute amertume à l’évocation du souvenir, pour n’en garder que la substantifique légende sucrée. Jean-Louis Borloo, qui a déjà une longue carrière politique derrière lui est de ceux-là. Et davantage encore tant il aime façonner l'histoire, travailler son image. Mieux, recréer leur légende. Histoire de camoufler le sulfureux sous le vernis de l’honorabilité.

 

Assumer ses positions

 

On se souvient ainsi de l'interview à "Minute" où il évoquait une alliance avec le FN de Jean-Marie Le Pen... nous seuls, copie du papier à la main, car Jean-Louis Borloo assure n'en avait plus le moindre souvenir...   Un détail de l'histoire me direz-vous. Un détail de plus ou un souvenir de moins c'est selon car à présent, c'est la période du PaCS qui semble provoquer des troubles chez celui qui était encore à l'UDF. 

 

Le PaCS, tragi-comédie en quatre actes, qui se révéla être cathartique pour certains, à entendre tant de haine déversée comme s'ils voulaient, en un instant, expurger leur plus vils instincts. Et tout cela pour quoi ? Pour un contrat qui n’empêcha pas les mariages de se célébrer mais qui a surtout l’ironie d’unir à 96% des hétérosexuels quand on l’annonçait, telles les sept plaies d’Egypte comme le "mariage gay". 

 

La bataille fut féroce, reprise par la rue à grands coups de slogans qui respiraient l’amour, l’altruisme et la bonté, comme savent si bien l’exprimer ceux qui s’estiment comme les plus religieux et que l'on pouvait croiser dans des manifestations brandissant les messages suivants : "les pédés au bûcher" ou encore "pas de neveu pour les tantouzes". De vrais enfants de chœur.

 

Alors bien évidemment, la tentation est forte de se donner le bon rôle. Jean-Louis Borloo est de ceux-ci. Invité au 13h15 de Laurent Delahousse sur France 2 dimanche dernier, le nouveau patron de l’UDI, dans un état de quasi-transe sur le plateau, rappela qu’il a toujours été pour le mariage des homosexuels soulignant qu’il avait voté pour le Pacs en 1999, et qu’il s’en souvenait bien puisqu’ils n’étaient que deux à le faire.

 

Pacs : Borloo a (encore) la mémoire qui flanche par LeNouvelObservateur

 

Si tout le monde se souvient de l’émouvant discours de Roselyne Bachelot, peu de personnes ont le souvenir d’une telle prise de position chez l’ancien maire de Valenciennes… Et pour cause, comme l’a révélé "Le Parisien" dans son édition de jeudi et que reprend "Le Figaro" :

 

"Lors des quatre scrutins publics qui se sont tenus à l'Assemblée nationale en 1998 et 1999 pour le vote de cette union libre ouverte aux homosexuels, le président du Parti radical, alors membre de l'UDF, s'est abstenu par deux fois, a voté contre une fois et n'a pas pris part au scrutin une autre fois, rappelle le quotidien régional."

 

Deux abstentions et un vote contre : nous sommes loin de l’histoire revisitée par Jean-Louis Borloo. Vous me direz, c’est toujours plus reluisant que le palmarès de Christine Boutin lors de ces mêmes sessions. Elle qui, à présent, tente de faire croire, en vain, qu'elle n'a jamais brandi la bible à l'Assemblée nationale...

 

Les anciens barons de l’UDF auraient-ils quelque peine à assumer la période durant laquelle ils étaient aux antipodes de l’humanisme dont ils se revendiquent tant et encore ? On peut les comprendre. A l’époque, l’UDF n’est pas un parti du centre. Loin s’en faut. Il n’est qu’une écurie de droite, où l’on trouve le gîte quand l’herbe du RPR est déjà entamée par un congénère.

 

Deux réservoirs qui alimentent l’un quand l’autre se vide, et réciproquement. Le tout dirigé par une pensée unique.

 

Que disait l'UDF ?

 

Et ceux qui pensent que le centre s’affranchissait alors des extrêmes de par sa position se trompent lourdement à lire les déclarations fracassantes que firent à l’époque les élus de cette "famille humaniste" qu’était l’UDF.

 

Florilège extrait du "Journal officiel" et des travaux de L'Observatoire du Pacs présent dans l’hémicycle lors des débats, le tout repris aussi dans "Les Anti-Pacs ou la dernière croisade homophobe", co-écrit par Fiammetta Venner et Caroline Fourest.

 

- Henri Plagnol considérait que le projet du Pacs était "injuste et pervers", visant à "sacraliser l’égoïsme des couples" quand Pierre Albertini s’opposait à "donner un statut et un brevet de respectabilité aux couples homosexuels".

 

- Dominique Dord préféra la subtilité de la galéjade en comparant le projet de loi du Pacs comme une "patate chaude que l’on se refile de la mairie à la préfcture, au tribunal d’instance et pourquoi pas demain, à la direction des services vétérinaires". La métaphore animale ne fut donc pas la création de Brigitte Barèges.

 

- Philippe Houillon pointait lui le "communautarisme" que l’on ne nommait pas encore ainsi : "Vous avez cédé à la pression d’un groupuscule". Jean-Claude Lenoir, lui, plus bougon que jamais, pestait contre l’obligation d’avoir eu à déplacer son week-end pour travailler sur "une loi pour les pédés" alors que, selon lui, il y avait tant d’autres sujets à traiter comme "une loi contre le dopage sportif"…

 

- Et que dire enfin de Michel Meylan, dont les pratiques auraient tout de même de quoi faire rougir de honte Christine Boutin, puisqu’il crut bon de s’épancher tout fantasme dehors en affirmant avec la patte d’un poète qui s’ignore : "les homos, je leur pisse à la raie".

 

Henri Plagnol, Pierre Albertini, Dominique Dord, Philippe Houillon, Jean-Claude Lenoir et Michel Meylan, pour ne citer que les "formules perles" de ceux qui ont été les piliers de l’ancienne UDF. Cette même UDF qui s’était pourtant entre temps déjà séparé de ceux qui avaient pactisé avec le Front national lors des élections régionales en 1998. On imagine le projet du Pacs discuté dans les rangs de l’UDF à la fin 1997…

 

Aujourd’hui, en refondant ou en rejoignant l’UDI de Jean-Louis Borloo, certains nostalgiques rêvent de refonder l’UDF. Voyez pourtant quelle auberge espagnole abritait cette "famille" politique.

 

Loin de moi de jeter l’opprobre sur l’ensemble de l’UDF, qui regroupait aussi des personnalités autrement plus républicaines dans le comportement, et qui ont toujours eu la fibre humaniste et non réactionnaire, notamment sur les questions sociétales. Il y en a même qui, à l’image de François Bayrou, ont changé d’avis sur ces questions.

 

Mais prétendre avec nostalgie que l’UDF était une famille centriste avec l’humanisme au cœur de son projet politique pose tout de même la question de l’inquiétante diversité des membres qui la composaient alors. 

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4 octobre 2012 4 04 /10 /octobre /2012 10:10

Francois Lebel a célébré le mariage entre Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, le 2 février 2008 (FACELLY/SIPA).

 Francois Lebel a célébré le mariage entre Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, le 2 février 2008 (FACELLY/SIPA).

 

Et voilà la question du mariage gay qui revient sous les feux des projecteurs. Le maire du 8e arrondissement de Paris, François Lebel, à qui l’on n’avait bien évidemment rien demandé, a cru bon d’écrire un édito sur le projet de loi ouvrant le mariage aux homosexuels dans son journal municipal du mois d’octobre.

 

Quand certains y parlent de manifestations sportives, d’éclairage public ou encore du ramassage des ordures, en somme tout ce dont la mairie a à sa charge, d’autres préfèrent étendre leur champ de compétences et commenter un projet de loi. Et d'une façon on ne peut plus polémique, c’est le moins que l’on puisse dire :

 

"Si le tabou immémorial du mariage hétérosexuel vient à sauter, qui et quoi s'opposera désormais à ce que d'autres tabous le concernant, bien moins anciens, bien moins universels, ne tombent à leur tour ?"

 

Puis il ajoute :

 

"Par exemple : comment s'opposer demain à la polygamie en France, principe qui n'est tabou que dans la civilisation occidentale ? Pourquoi l'âge légal des mariés serait-il maintenu ? Et pourquoi interdire plus avant les mariages consanguins, la pédophilie, l'inceste qui sont encore monnaie courante dans le monde ?"

 

Avant de conclure qu’à titre personnel il ne procédera "personnellement, à aucun mariage de cette nature".

 

Il doit être sanctionné

 

Alors bien évidemment, il n’y a aucune raison qu’un citoyen, élu du peuple de surcroit, et qui sera amené à célébrer des mariages, ne puisse s’exprimer sur ce débat sociétal, même s’il est pour le moins cocasse de le faire dans un bulletin municipal.

 

D’ailleurs, ce sont souvent les opposants au projet qui souhaitent voir s’ouvrir le débat : Christine Boutin et l’Institut Civitas par la voix de son héraut Alain Escada ne cessent de le réclamer à cor et à cris. Et il est légitime de penser que sur un sujet sociétal l’on puisse en débattre. Mais encore faudrait-il que ce débat ne soit pas biaisé par des amalgames scandaleux qui avaient déjà saupoudré l’épisode douloureux du Pacs.

 

Et tous ceux qui seraient amenés à soutenir les propos de François Lebel devront être sévèrement sanctionnés, soit par leur parti, soit par la justice si l’homophobie est incontestable. Comme par exemple le CNIP, le Centre national des indépendants et paysans, présidé par le député-maire de Chôlet Gilles Bourdouleix, qui a apporté son "total soutien" au maire du 8e.

 

Le CNIP, un parti qui vient de rejoindre la nouvelle confédération centriste de Jean-Louis Borloo (UDI)… Quand on sait que toujours à l’UDI, Jean-Christophe Fromantin affirme qu’il ne procédera pas au mariage d'homosexuels en invoquant la liberté conscience, ou encore qu’Edouard Fritch combat ce projet en expliquant qu’en Polynésie la laïcité ne peut s’appliquer au même titre que la métropole, l’on se dit que ce nouveau courant centriste fleure bon l’humanisme.

 

Confusion entre une identité et une pratique

 

La démonstration de François Lebel est clairement scandaleuse, mais encore faut-il l’expliquer avec pédagogie. Car il n’est rien de pire que de hurler aux loups sans prendre le temps de démonter la mécanique frauduleuse d’une pensée qui puise sa substantifique moelle dans l’intégrisme le plus crasse.

 

Cette déclaration est fondée sur une comparaison grossière, qui nourrit traditionnellement la pensée réactionnaire et populiste sur la question, et qui consiste à mettre sur le même plan l’homosexualité, la consanguinité, la pédophilie, l’inceste et la polygamie au nom du "tabou".

 

Le mot "tabou" lui-même relève de l’escroquerie sémantique puisqu’il permet d’y ranger n’importe quoi : on peut ainsi estimer que la sodomie est un sujet tabou, que le cocuage l’est aussi, ou encore la pornographie pour ne citer que des thèmes qui ne se circonscrivent pas à une sexualité particulière. Pour autant, ces "tabous" sont légalisés en France, sans que cela ne provoque d’émois susceptibles de remettre en question l’illégalité de l’inceste et des autres délits cités par le maire du 8e.

 

Mais le plus grave dans les propos de Monsieur Lebel réside dans cette généralisation de certains à confondre ce qui relève de l’identité et ce qui relève de la pratique. Et cette confusion doit être systématiquement dénoncée parce qu’elle contribue à alimenter l’homophobie latente de telles déclarations.

 

L'homosexualité n'est pas un délit

 

Ainsi, on ne choisit pas d’être homosexuel de la même manière que François Lebel n’a pas choisi d’être hétérosexuel.

 

L’homosexualité, qui n’est ni un délit, ni une maladie mentale, comme ce le fut avant 1981 au plus tard, fait partie de "ce que l’on est" et non pas de "ce que l’on fait". Et si la République n’a pas le droit de différencier selon l’identité des citoyens, elle peut parfaitement légiférer sur les pratiques.

 

Aussi, il est invraisemblable et fallacieux de mettre sur le même plan l’homosexualité et la polygamie (ne parlons même pas du reste qui touche à la provocation haineuse), l’un étant une identité, l’autre étant une pratique souvent traditionnelle ou simplement grivoise chez d’autres.

 

Mais le plus grave dans l’histoire, c’est que les propos de Monsieur François Lebel font suite à ceux de Monseigneur Barbarin, puis à ceux de Robert Menard, d’Ivan Rioufol et bien évidemment à ceux d’Alain Escada de l’Institut Civitas, l’initiateur et le distributeur officiel des arguments d’un débat vérolé.

 

Ceux qui pensaient que l’intégrisme catholique n’avait aucune influence en France peuvent passer au mea culpa : il n’est pas plus venimeux qu’un venin qui se distille sans que l’on n'y prenne garde.

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16 septembre 2012 7 16 /09 /septembre /2012 09:50

Natacha Polony interroge la ministre Dominique Bertinotti (FRANCE 2/YOUTUBE)

Natacha Polony interroge la ministre Dominique Bertinotti dans "On n'est pas couché" du 15 septembre 2012 (FRANCE 2/YOUTUBE)

 

Jamais la question sur le mariage des homosexuels et l’adoption n’aura autant fait parler d’elle. Et ce alors que le projet de loi ne sera présenté en Conseil des ministres que le 24 octobre. Et ce ne sont pas les agitations des bigots, pourtant parfaitement en ordre de marche, qui en sont la cause. En précipitant un entretien au quotidien "La Croix", tout un symbole, Christiane Taubira n’a pas aidé à apaiser un débat qui s’annonce mouvementé.

 

Décevant les associations sur la PMA, qu’elle a semble-t-il d’ores et déjà exclu avant même que d’avoir terminé ses rencontres préliminaires pour dresser le cadre de la loi, et désespérant ceux qui voudront en vers et contre tous lutter contre cette "modernisation" des institutions (un terme que, bien évidemment, ils récusent), la Garde des Sceaux s’est montrée quelque peu imprudente. Et d’aucuns s’amusent à dépeindre le gouvernement Ayrault s’encanaillant au rythme de la danse des canards à voir tant de couacs s’enfiler comme des perles.

 

Dominique Bertinotti, invitée à "On n’est pas couché", avait l’occasion de rectifier le tir. Avec l’avantage, en outre de la longueur, puisqu’aux 6 questions/réponses de sa collègue à la Justice, la ministre déléguée à la Famille eut le droit à près de 40 minutes d’entretien. Bien plus qu’il n’en faut pour faire montre de pédagogie.

 

Las. De pédagogie, nous n’en eûmes qu’un simulacre. Et de débat, une absurde imposture.

 

Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup, pas vrai ?

 

Sur la sortie de Christiane Taubira, Dominique Bertinotti n’eut que langue de bois et prose ankylosée d’où ne ressort que cette formule qui suffisait à traduire le malaise : "Dans toutes les familles, il y a des couacs." Qu’il fut vain, alors, de prétendre le contraire avec tant de maladresses en vantant notamment le dynamisme de Taubira, avec ce que la langue française fait de pire dans l’ironie non consentie.

 

La ministre de la Famille, soucieuse de rectifier le tir, vérifia bien à ne surtout pas basculer dans la justice expéditive, comme ce fut fait, lundi, dans les colonnes de "La Croix". Mais à force d’éviter toute certitude, Dominique Bertinotti oscilla entre le trouble, l’impressionnisme et le flou. Et comme le dirait la désormais ancienne secrétaire du PS, quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.

 

Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la Famille, était invitée dans "On n'est pas couché" (FRANCE 2/YOUTUBE)

 

Répondant soit à côté, notamment sur la question primordiale de l’égalité face à la PMA (une question soulevée par le nouveau chroniqueur Aymeric Caron) dans le cas où elle serait autorisée sans la possibilité d’avoir recours à une mère porteuse, ce qui exclurait les couples d’hommes, soit en ressassant le caractère moderne d’un projet qui ne ferait que suivre une tendance qui fut avant-gardiste en Europe, elle n’a fait que décevoir tout le monde. Les associations ou les principaux concernés par le projet n’ont eu aucune réponse précise quant à leurs demandes ou leurs craintes, les opposants n’ont vu qu’une détermination de forme maquillant la vacuité du fond, et ceux qui voulaient s’informer auront bien eu du mal à y voir plus clair.

 

À vouloir ménager la chèvre et le chou, la ministre de la Famille n’a fait que décevoir. Et le gouvernement d’opérer deux erreurs de communication sur le même sujet. Cela fait "un peu beaucoup" en si peu de temps sur un débat qui n’en est pas encore à son acmé.

 

Natacha Polony, ou la caricature de la réac

 

Mais si la ministre brilla par sa transparence, il y en a une à qui l’on ne risque pas de faire le même reproche. Et Natacha Polony d’incarner la "réac" de la soirée, sous des traits si caricaturaux qu’il est légitime de se demander si la chroniqueuse n’avait pas voulu, le temps d’un soir, se donner un rôle face à son collègue qui avait été remarqué la semaine passée.

 

À tort, cette ancienne journaliste de "Marianne" est cataloguée comme la polémiste de "droite" dans l’émission sous le fallacieux prétexte qu’elle prête sa plume au "Figaro". Errance du bipartisme. Pourtant, la saison passée, il fallait bien tendre l’oreille pour prétendre discerner qui d’Audrey Pulvar ou de Natacha Polony était la plus critique envers le système sarkozyste, sans doute parce que l’une était déçue d’avoir voté pour lui en 2007. Cela ne suffit pourtant pas pour la classer parmi les plus libérales.

 

Quoi qu’il en soit, hier soir, ce fut pourtant un bouquet fleuri des clichés les plus ubuesques, une caricature des arguments que les bigots épousent à l’envi dans leur croisade contre le projet. Ainsi, tour à tour, Natacha Polony avança d’un ton péremptoire que le mariage était davantage une institution qu’une loi, et que si la République devait faire respecter le principe d’égalité pour la seconde, il n’en était rien pour la première rajoutant que seuls un homme et une femme pouvaient se marier puisque "la nature est comme ça".

 

"Nous sommes égaux en droit et pas par nature", s’exclama Polony… Oubliant par là même que l’institution du mariage dans notre pays répond au champ républicain, qui veut que l’on ne différencie pas les citoyens en fonction de leur orientation sexuelle. Mais bien évidemment, face à une ministre mal préparée et tellement peureuse de faire le moindre impair, Natacha Polony put distiller ses dogmes sans la moindre contestation pertinente, rajoutant une couche de vernis à sa croûte argumentative : "On maquille la nature."

 

Elle enchaîna en expliquant que la filiation était la sève même du mariage... excluant de fait les couples stériles ou même ceux qui ne désirent pas d’enfants. Souhaitons bon courage à Natacha Polony pour proposer un amendement les excluant de facto des conditions pour se marier… À moins bien évidemment qu’elle ne sous-entende que leur hétérosexualité ne les affranchisse d’un devoir que l’on exigerait seulement aux homosexuels.

 

Puis la mauvaise foi toucha à son paroxysme quand la ministre eut enfin une parole juste : "Le rôle de l’État n’est pas de dire quel est le modèle." Ce à quoi Natacha Polony répondit avec une fraiche et crasse bêtise : "C’est ce que vous faites." Oui, Madame Polony, le projet de loi de François Hollande vise à demander à tous les Français de devenir homosexuels pour se marier, et vise à faire des couples entre deux hommes ou entre deux femmes le modèle républicain. Quand dans un débat, l’entêtement se couple avec la mauvaise foi, le fruit n’est pas loin d’être complètement pourri, on l’aura bien compris.

 

Comme dans toute bonne soirée, il faut un François Pignon

 

Il fallait bien, comme dans toute soirée, un beauf qui vient apporter son petit grain de sel pour divertir la galerie. Et pour apporter encore plus d’inepties dans un vivier déjà bien fourni en la matière. Ainsi, nous eûmes le droit, de la part de Laurent Ruquier, à un gratiné : "Les hétéros baisent partout et ce sont les homos qui veulent être tranquille à la maison avec les gosses." Vous me direz, contrairement à sa chroniqueuse, l’animateur eut au moins le goût d’apporter du second degré à sa caricature vulgaire.

 

Mais encore une fois, Laurent Ruquier n’en finit plus sur cette position qu’il a déjà maintes fois tenu dans toutes ses émissions, y compris la semaine dernière dans l’une de ses dernières performances à "On ne demande qu’à en rire" en sa qualité de jury, qui explique qu’à titre personnel, il n’est pas pour, tout en expliquant que lorsqu’il entend ceux qui sont contre, il a envie de soutenir le projet…

 

Laurent Ruquier ne fait qu’exprimer sa position personnelle, sur sa volonté personnelle de ne pas s’engager à titre personnel dans un mariage. Point de redondance sémantique ici, mais une insistance démontrant le non-sens de cette position : on ne demande pas de savoir si l’on veut, soi, se marier, mais si on laisse le choix, à ceux qui le veulent, de le faire.

 

Laurent Ruquier n’a toujours pas compris la nuance, ce qui lui vaut d’être cité en référence aux côtés d’Hervé Villard, dans un argumentaire qui figurait dans le feu site des FNJ (Front national de la Jeunesse) il y a un an encore, mais que l'on peut retrouver ici même, pour montrer que même les homosexuels ne voulaient pas eux-mêmes du mariage.

 

Comme quoi, la caricature mène à tout. Même à se faire applaudir des extrémistes. 

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16 septembre 2012 7 16 /09 /septembre /2012 09:49

Deux activistes pour l'ouverture du mariage aux homosexuels, aux États-Unis (P.SKINNER/SIPA)

Deux activistes pour l'ouverture du mariage aux homosexuels, aux États-Unis (P.SKINNER/SIPA)

 

Alors que le projet de loi concernant l’ouverture du mariage aux homosexuels et l’adoption sera présenté le 24 octobre au Conseil des ministres, et ce, alors que les détails du texte sont loin d’être finalisés, l’UMP oscille entre la fronde unie et la division.

 

Parce qu’il est un point sur lequel tout le monde semble d’accord dans l’opposition, c’est bien celui qui consiste à dire que ce projet de loi ne serait qu’un leurre visant à détourner l’attention des véritables préoccupations des Français, renouant ainsi avec la tradition des éléments de langage qui avait tristement rythmé la gouvernance sarkozyste.

 

Ainsi, sur iTélé, Catherine Vautrin, députée de la Marne, déclarait en substance mercredi soir : "La priorité de la rentrée c’est les difficultés fiscales, c’est la pression fiscale du gouvernement. Eh bien Madame Taubira, une fois encore, essaye de faire diversion."

 

Veuillez installer Flash Player pour lire la vidéo

Le JT de Canal + du 11 septembre 2012 (voir à 2:18)

 

La droite se laisse aller à de tristes travers... repris par la presse

 

Dans le même reportage filmé dans les couloirs de l’Assemblée, Lionnel Luca, député UMP Alpes-Maritimes, membre de la Droite populaire ajoutait : "Madame Taubira nous balance son projet de loi pour nous faire oublier la pilule fiscale et puis toutes les promesses économiques qui ne seront pas tenues puisque le changement c’est dans 2 ans. Donc, en attendant, on amuse un peu la galerie avec ça. Ça coûte pas trop cher à faire adopter."

 

Camille Bedin, secrétaire nationale de l'UMP, y allait encore plus franchement, avec un relâchement notable dans la sémantique qui n’honore en aucun cas sa position : "Hollande essaye d'enfumer les Français sur sa politique économique et allume un contre-feu avec une mesure sociétale."

 

Même Chantal Jouanno qui a rejoint la position de Roselyne Bachelot,a cédé à la tentation en affirmant que le projet était un "écran de fumée destiné à détourner l'attention".

 

Plus gênant, la presse brandit la même analyse au détour d’un article d’informations, comme ici surEurope1.fr : "Un projet d'avenir qui tombe surtout à pic, cette semaine. Car il présente des avantages. Détourner l'attention des Français sur une question de société, qui ne coûtera pas un centime d'euro au gouvernement."

 

Même s’il ne faut pas être dupe de l’embarras du gouvernement Ayrault, qui jour après jour, se rend bien compte qu’il ne pourra jamais tenir le cap des promesses, le réel venant lui rappeler ce que ses adversaires ne cessaient de dire lors de la campagne : à savoir que ses projections de croissance étaient illusoires, l’accusation de détournement est profondément scandaleuse.

 

Tout d’abord, parce que cette mesure ne va pas coûter grand chose à l’État, et que c’est une raison de plus pour ne pas freiner sur le sujet, pour une fois que nos finances ne seront pas en question.

 

Et pour l'UMP, c'est quand le moment des mesures sociétales ?

 

D’autre part, et c’est sans doute le point le plus important, pour certains ce n’est JAMAIS le moment pour régler les problèmes liés à l’égalité en France. Faut-il attendre la croissance pour enfin poser la question de l’égalité des droits quand la République française n’a pas le droit de discriminer des citoyens en fonction de l’orientation sexuelle ?

 

La question de l’égalité ne doit jamais être circonscrite à des considérations économiques. Une société n’est pas obligée de s’embourber dans une crise sociétale quand elle est déjà en pleine tourmente économique. S’affranchir de nos dysfonctionnements est le moyen le plus sur de commencer à placer notre nation vers une société plus juste.

 

Cela ne règlera certainement pas tous nos maux, et tel n’est pas l’objectif. Mais la République ne peut laisser en son sein des citoyens qui ne jouissent pas de tous leurs droits au nom de ce qui relève pourtant de leur identité.

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12 septembre 2012 3 12 /09 /septembre /2012 09:47

Le maire de Cabestany, Jean Vila, célèbre symboliquement un mariage entre deux hommes le 12 novembre 2011 (R.ROIG/AFP)

 Le maire de Cabestany, Jean Vila, célèbre symboliquement un mariage entre deux hommes le 12 novembre 2011 (R.ROIG/AFP)

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les propos de Christiane Taubira dans "La Croix" ne seront pas passés inaperçus. Co-responsable du dossier relatif à l’ouverture des droits au mariage pour les homosexuels avec Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la Famille, l’entretien qu’elle a accordé au quotidien a pris de court tout le monde, y compris sa consœur qui doit à présent faire front et faire face.

 

Car, rarement sortie médiatique n’aura autant mécontenté tout le monde. S’il n’y a aucune ambigüité sur le mariage pour tous, de quoi mécontenter les plus frileux, elle se montra tout aussi catégorique concernant l’ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples homosexuels :

 

"Notre projet de loi est très clair : l’accès à la PMA ne rentre pas dans son périmètre."

 

En réalité, tout n’est pas aussi clair justement. Car, si François Hollande n’avait évoqué dans ses 60 propositions que le mariage et l’adoption (proposition 31 : "J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels"), il avait toutefois affirmé à "Têtu", dans le numéro d’avril, à la question de savoir s’il était favorable à l’accès des lesbiennes à la PMA :

 

"Oui, je l’ai dit. Aux conditions d’âge, bien sûr. Je suis très précis là-dessus. Il faut que ce soit un projet parental. Et je suis aussi très soucieux du respect de l’anonymat du don des gamètes."

 

 

Les maires, indispensables à l'application de la loi

 

Mais, au-delà d’une polémique sur un sujet où les détracteurs s’agitent déjà de toutes parts, comme Civitas qui vient de lancer officiellement sa croisade en faisant du lobbying, et qui n’avait pas besoin d’un de ses couacs dont le gouvernement Ayrault s’est fait une triste spécialité, une autre menace vient disputer le rôle de l’épée de Damoclès sur le projet.

 

Dans son entretien à "La Croix", il fut posé à Christiane Taubira une question qui ne manquera pas d’interpeller : "Autoriserez-vous les maires qui le souhaiteront à ne pas célébrer de mariages entre homosexuels ?". Sur ce point précis, la ministre de la Justice rappela avec fermeté la charge qui incombait aux élus de respecter la loi :

 

"Non. Les maires sont des officiers publics qui représentent l’État lorsqu’ils célèbrent un mariage, c’est une mission dont ils sont très fiers. Nous sommes dans un état de droit, le code civil va être modifié, il s’impose à tous, y compris aux maires. Il ne sera pas inscrit dans la loi qu’ils puissent se soustraire au code civil."

 

Mais consciente que le sujet pouvait froisser certains d’entre eux, elle a tenu à ajouter :

 

"En même temps, je travaille actuellement avec ces élus, notamment l’Association des maires de France. Nous allons systématiser ces contacts, afin que les maires soient étroitement associés au travail de réflexion et d’élaboration du projet de loi."

 

Qu’on se le dise, les maires seront bien les charnières de ce projet de loi. À la fois indispensables pour la rendre applicable mais aussi les seuls susceptibles chez les élus de faire pression sur le gouvernement, puisque les deux assemblées étant majoritairement à gauche, le vote du projet est majoritairement acquis.

 

Et Alain Escada, de l’institut Civitas, le sait plus qu’un autre. Développant les détails du lobbying qu’il entend mettre en oeuvre dans les prochains mois, dans un paragraphe dont le titre annonce la couleur "influencer les élus", il cible en priorité les maires :

 

"Si une telle loi devait malheureusement être votée, les maires seraient chargés de son exécution. Il est donc indispensable que se dessine rapidement parmi les élus municipaux une importante vague de contestation à l’égard de ce projet de loi. Civitas adressera à tous les maires de France une 'Lettre aux élus' rédigée en ce sens."

 

Et, cette stratégie vis-à-vis des maires ne doit absolument rien au hasard. C’est déjà par eux que le projet du Pacs avait été sévèrement remanié en 1999. En effet, le projet prévoyait que le Pacs fût célébré en mairie. C’est alors que Michel Pinton entra en action. Placé à droite de la droite, ce polytechnicien avait réussi un tour de force en montant une pétition à destination des maires, qui leur demandait de "défendre le mariage républicain" contre le projet du CUS (Contrat d’union sociale qui deviendra le Pacs), qualifié de "véritable mariage homosexuel".

 

Les maires doivent appliquer la loi

 

Rappelons que 13 ans après son instauration, le Pacs concerne à 96% des hétérosexuels… Mais au-delà de cette paranoïa que l’histoire vient ridiculiser ici, la pétition connut un franc succès puisque plus de 15.000 maires la signèrent ! 15.000 maires, c’est un peu moins de la moitié des maires en France. Le gouvernement de l’époque avait dû reculer devant la fronde, et le Pacs est aujourd’hui signé au tribunal administratif qui règle l’acte juridique en 15 minutes sans autoriser de photographies.

 

C’est avec le souvenir de ce recul que Civitas entend mener sa croisade. Et déjà, certains maires se font entendre. Parmi eux, le député-maire Jacques Bompard, ancien FN, et qui se revendique clairement d’extrême-droite, a demandé, lors d'une intervention sur I>télé, "une clause de conscience" si la loi venait à être votée :

 

"On rentre là dans le même domaine que le médecin qui veut ou ne veut pas pratiquer un avortement. Il me semble qu’il doit y avoir là la clause de conscience et si elle n’y était pas, ça signerait que nous sommes dans un monde totalitaire, ce qui déjà est bien avancé". Puis il a ajouté qu'il y avait dans sa mairie 35 élus, dont "des élus de l’opposition qui vont être absolument ravis de pouvoir commettre cet exploit."

 

Comparer l’ouverture des droits du mariage aux homosexuels et l’avortement pourtant légal depuis 1975 ! On le voit, les grands fantômes de l’intégrisme chrétien sont agités.

 

Et, au nom de quoi, les élus devraient-ils s’affranchir de l’application de la loi ? Au nom de leur haine ? Au nom de leur refus viscéral à faire appliquer le pilier central de notre devise républicaine ? Au nom de leur conception religieuse des lois de la République, qui font d’eux des intégristes au sens strict du terme ?

 

Qu’on se le dise : en contrevenant à la loi en 2004, en unissant deux hommes à la mairie de Bègles, Noël Mamère avait écopé d’une suspension. Il ne saurait en être autrement pour les maires qui, à l'inverse, refuseraient, à présent qu'une loi serait votée, de s’exécuter ou qui mettraient tout en œuvre pour mettre en échec ou différer volontairement la célébration du mariage d’un couple homosexuel : les suspensions devront être prononcées, avec la publication officielle de la sanction dans les grands médias français, à leurs frais. Et la récidive devra poser la question de la légitimité de leur mandat.

 

Les maires n’ont pas été élus pour exposer leurs états d’âme au nom de leur conception de la société ou même de l’anthropologie. Ils sont au service de l'exécutif, le pouvoir qui a la charge de faire appliquer la loi. Appliquer la loi. Son chef de file ne saurait être le garant d’un droit que lui même s’apprête à pourfendre. Et la Garde des Sceaux devra, sur ce point, être ferme. Sans aucune ambiguïté possible. Ni couac médiatique.

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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 20:23

Et si Nicolas Sarkozy venait de perdre définitivement l’élection présidentielle là où il s’y attendait le moins, sur la question gay ? Curieuse semaine qui vient de s’écouler qui devait voir sa déclaration chez Laurence Ferrari devenir la rampe de lancement de sa candidature et qui a vu les retombées de son interview au "Figaro Magazine", qui avait déjà sérieusement marqué un virage droitier, se faire doubler par l’affaire Christian Vanneste.

 

Un cafouillage qui vit même Thierry Mariani, fondateur de la Droite populaire, collectif qui abrite le député du Nord récidiviste sur ses diatribes anti-gay, devoir lâcher en pleine tempête son ami. Tout un symbole.

 

Nicolas Sarkozy lors de son intervention télévisée dimanche 29 janvier 2012 à l'Elysée (L. BONAVENTURE/AFP)

 Nicolas Sarkozy lors de son intervention télévisée dimanche 29 janvier 2012 à l'Elysée (L. BONAVENTURE/AFP)

 

Quelle étrange stratégie que celle utilisée par Nicolas Sarkozy sur l’épineuse question gay !Alors que tous les signes semblaient montrer, enfin, une évolution sur la question, le volte-face du président sortant a ému et surtout surpris. Les signes s’interrogeront certains ? Reprenons.

 

La première pierre fut apportée par un des proches du président de la République, lors de primaires aux élections régionales parisiennes, qui virent s’opposer Roger Karoutchi et Valérie Pécresse pour être tête de liste. Le premier, pensant peut-être séduire un électorat non négligeable en région parisienne, et sans doute à Paris même, fit un coming-out retentissant, alors que rien ne l’y obligeait. Ce fut le début d’une série d’événements qui avaient laissé croire que, peut-être, à l’UMP la donne avait changé.

 

En juin dernier, alors que le mariage gay est débattu, certains députés de la majorité soutiennent la proposition socialiste, dont un certain Franck Riester, qui fera quelques semaines plus tard son coming-out lui aussi, avant de devenir un des acteurs principaux de la campagne à venir du président sortant.

 

La question n'est plus taboue

 

En septembre, dans "Têtu", Benjamin Lancar, président des Jeunes Pop, et que l’on avait connu moins inspiré, se lâche en se déclarant pour la mariage gay, mais surtout en crucifiant Christian Vanneste:

 

"Je regrette que le courant conservateur ait prévalu et je souhaiterais que l'UMP condamne plus fortement les derniers dérapages. Vanneste n'a plus sa place chez nous."

 

La sentence n’est pas passée inaperçue, la victime de Lancar demandant en vain, des sanctions à l’égard du président des Jeunes Pop. Enfin, quelques ministres s’étaient déclarés récemment favorables au mariage gay : Roselyne Bachelot, une "militante" de longue date, mais aussi Luc Châtel et enfin Alain Juppé. Preuve que la question n'était ni taboue, ni circonscrite aux éléments de langage.

 

Et dans ce mouvement de fond, "Libération" semblait annoncer un virage historique quand il révéla Nicolas Sarkozy songeait à mettre le mariage gay dans son programme présidentiel.

 

Sauf que, dans le même temps, la fronde se préparait. Quand d’un côté les soutiens au mariage gay se multipliaient, se fortifiait en parallèle un collectif conservateur, et ô combien opposé  à la question, qui réunit une quarantaine de députés, à "droite de la droite" : la Droite populaire. Avec en son sein un certain Christian Vanneste, qui n’a pas attendu sa sinistre sortie de la semaine pour se pencher sur la question "homosexuelle"…

 


Retour sur les propos douteux de Vanneste sur... par LeNouvelObservateur

 

Jean-Luc Romero, un des premiers à droite à avoir révélé son homosexualité et sa séropositivité, et qui restait contre vents et marées à l’UMP, soutenu par son amie de toujours Roselyne Bachelot, avait claqué la porte en rejoignant le PRG avant de représenter le PS aux élections régionales, devenant conseiller Régional socialiste après avoir été secrétaire national de l’UMP. A "Têtu", il s’était confié sur les raisons profondes de son changement de cap :"Je suis très déçu de cette majorité. Tous les discours pour l'égalité et la lutte contre les discriminations n'ont été que des leurres. Il y a un décalage entre les discours d'ouverture et les actes." La majorité parlementaire UMP est très conservatrice, elle s'allie avec De Villiers, et au sujet de l’euthanasie. Jean-Luc Romero eut même maille à partir avec un certain Christian Vanneste… Etonnant, non ?

 

Les avis diffèrent à l'UMP

 

Récemment, ayant été alerté par les révélations de Libération, 82 parlementaires de l’UMP et du Nouveau Centre, rejoints par la suite par 33 autres, avaient signé une pétition à l’encontre du mariage gay en assimilant cette demande comme "une forme de communautarisme" et en défendant  "l’intérêt supérieur de l’enfant", prétendant que l’homoparentalité représentait une "discrimination entre les enfants" entre ceux qui auraient un père et une mère et ceux qui n’auraient pas cette chance (on n’ose imaginer bientôt une pétition pour interdire donc sur la recevabilité de cet argument, les orphelins, les enfants de divorcés ou les pupilles de la Nation…).

 

Alors, noyé dans ces courants contradictoires au sein de sa famille politique, comment Nicolas Sarkozy a-t-il pu trancher sur le pont de la question gay ? Tout porte à croire que ce ne sont pas ses convictions personnelles qui l’ont amené à prendre ce virage. En effet, outre ses révélations dévoilées dans "Libération", ses proches ou ceux qui le connaissent continuent de dire qu’il n’a manifestement aucune hostilité envers le mariage gay, comme le rappelait vendredi soir Jean-Jacques Aillagon, ancien Ministre de la Culture du gouvernement Raffarin, et qui était invité chez Guillaume Durand dans l’émission "Rive droite", qui organisait un diner gay-friendly. Commentant la position de Nicolas Sarkozy dévoilée dans le "Figaro Magazine", il affirma : "il n’est pas opposé à l’Institution 'mariage homo' ou à la limite il s’en fout." Et l’ancien Ministre en déduisit alors : "la positon qu’il a prise est dictée par des considération de cynisme politique."

 

Le vote communautaire

 

Les propos de Jean-Jacques Aillagon, qui semble dire que ce n’est pas les arguments de fond qui ont poussé le président à renoncer au mariage gay, font écho à l’échange franc mais resté très courtois qu’ont eu cette semaine dans l'émission C à vous, Guillaume Blanc, président de Gaylible mouvement gay de l’UMP, et Valerie Rosso-Debord, dont les arguments furent balayés et remisés à la mauvaise foi qui les avait produits :

 

 

Gay Lib à C à vous Vidéo snoopyves1 sélectionnée dans Actualité

 

 

Non, si Nicolas Sarkozy a renoncé au mariage gay, ce n’est pas à cause de la crise (sic), ce n’est pas parce qu’il pense peut-être comme Christian Vanneste que la demande d’égalité des homosexuels s’apparenterait à une dérive "communautariste" (re-sic) ou encore que les Français ne sont pas prêts à l’accepter puisque les sondages montrent tout le contraire.

 

Non, si Nicolas Sarkozy a changé d’avis sur le mariage gay, c’est tout simplement parce que son ami Patrick Buisson a dû enterrer, contraint et forcé, ses plans qui le voyaient atteindre le second tour face à Marine Le Pen sur les thématiques de l’insécurité et de l’immigration. La greffe sur l’actualité n’a pas prise et François Hollande continue de caracoler en tête. Les trois scenarii qui restent peuvent sourire à François Bayrou, Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy mais, dans tous les cas de figure, ils verront Hollande encore en course le 6 mai.

 

Récupérer les voix du FN

 

Dans ces conditions, pas d’autres solutions ne se présentent pour Sarkozy que celles qui consistent, comme en 2007, à siphonner les voix de Marine Le Pen. Mais pas sur le même thème qu’en 2007, bilan catastrophique oblige. Il lui fallait appuyer sur le talon d’Achille de la présidente du FN. Et qui d’autre mieux que Patrick Buisson connait cet électorat, originel du FN qui peut se trouver désabusé et désorienté par le discours républicain et trop "laïciste" à leur goût de Marine Le Pen, à savoir l’électorat tradionnalistes ?

 

Les apôtres de Bruno Gollnisch – lui qui est toujours prêt à venir défiler à la Marche pour la Vie, où l’on défile pour abroger la Loi Veil – ont été malmenés depuis quelques mois, et l’assouplissement de la position de Marine Le Pen sur certains sujets comme l’IVG par exemple (elle ne propose plus que le déremboursement et non son abrogation comme le préconisait le programme paternel), ont suffi à rendre cet électorat comme orphelin. Et ce n’est pas une surprise si Christine Boutin a sauté dans les bras de son ancien ennemi, sitôt l’entretien du "Figaro Magazine" publié.

 

Le calcul de Nicolas Sarkozy est simple : en récupérant une frange, aussi minoritaire soit-elle, du FN que représente l’électorat le plus réactionnaire et le plus conservateur qui soit à savoir l’électorat traditionnaliste, le président sortant espère ainsi freiner la progression de Marine Le Pen et s’assurer une avance suffisante pour tenir jusque avril.

 

Mais avait-il imaginé que, ce qu’il avait gagné par ailleurs, allait lui faire perdre bon nombre de voix, pour tous ceux qui, comme Guillaume Blanc, se reconnaissent dans la droite mais certainement plus dans le Sarkozysme ?

 

Pris dans la tempête Vanneste, mercredi, quelques heures avant sa déclaration de candidature chez Laurence Ferrari, Nicolas Sarkozy n’a pas eu d’autres choix que de sacrifier sur le bûcher le pourfendeur pour éteindre l’incendie. Mais personne n’a oublié qu’en 2007, il avait semblé prendre pareille direction, avant de renoncer à présenter face à Christian Vanneste un candidat avec l’investiture UMP. Ce qui revenait de facto à le faire réélire, ce dernier ayant rejoint par la suite les rangs de la majorité au sein de l’Assemblée.

 

S’étant vu capitaine d’un navire lors de l’annonce de sa candidature, Nicolas ne se voyait pas quitter le navire. Mais avait-il aperçu les récifs de la question gay sur lesquels se fissurait sa coque ?

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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 18:14

François Bayrou sur Europe 1 / 8 mai 2011 / MARIE ETCHEGOYEN/STORY BOX PHOTO/SIPA

François Bayrou sur Europe 1 / 8 mai 2011 / MARIE ETCHEGOYEN/STORY BOX PHOTO/SIPA 

 

Si les prémices de la présidentielle ont surtout mis l’accent sur les problèmes économiques et ceux de l’école, quand certains voudraient faire croire que le droit de vote aux étrangers est un sujet de préoccupation majeure faute d’un bilan décent et de projet, "Têtu" vient de lancer un pavé dans la mare cette semaine en publiant un entretien de François Bayrou sur un thème de société qui risque de trouver un terrain fertile dans les débats des mois à venir : le mariage gay et l’homoparentalité.

 

Le président du MoDem est attendu au tournant sur la question. Et pour cause : ses croyances intimes ressurgissent tel un serpent de mer, dès lors qu’est abordé un sujet de société, faisant croire que ses convictions personnelles l’emporteraient sur l’intérêt général. Dans Projet d’espoir, livre-projet pour sa candidature à la présidentielle qu’il écrivit en mars 2007, il s’en était confié :

 

"Tout le monde sait d’où je viens. J’avais sur les questions de société la sensibilité traditionnelle. Pas de vulgarité, mais pas beaucoup d’ouverture. Je m’en tirais en affirmant que tout cela appartenait à la vie privée de chacun et que l’Etat n’avait pas à s’en saisir. J’ai même dû ajouter que cette séparation entre sphère publique et sphère privée. C’était aussi la laïcité."

 

Comme si la laïcité était liée à la question homosexuelle... Une étrangeté tant le Béarnais a fait de la laïcité un combat durable, au-delà de tout soupçon, au point d’être confirmé dans sa légitimité sur la question par Jean-Luc Mélenchon, lui-même irréprochable en la matière, et que l’on ne peut accuser de complaisance avec Bayrou…

 

Mais ceux qui perdurent à ranger François Bayrou à droite, voire du côté de Christine Boutin au nom d’un rapprochement passé, en seront pour leur frais. Et la bigote qui radote risque de s’étrangler en se voyant transmettre les positions du président du MoDem (car il semble peu probable que l’on voie Madame Boutin se ruer au kiosque pour demander le dernier numéro de Têtu…) :

 

Concernant l’homoparentalité, François Bayrou est favorable à la reconnaissance des deux parents de même sexe comme responsables légaux, un engagement qui se veut sans équivoque : "Le fait que deux personnes, notamment dans le cadre de l’union que je propose, élevant des enfants ensemble, les ayant adoptés ensemble, soient reconnues toutes les deux comme parents me parait un droit logique et de bon sens". François Bayrou précisant même : "À la vérité je ne comprends pas le débat sur cette question. Car l’homoparentalité, elle existe. […] Alors dire "l’homoparentalité, c’est affreux"… Excusez-moi, mais c’est la vie de tous les jours ! Ensuite, l’adoption homosexuelle, elle existe puisque j’ai été président du conseil général, et je suis moi-même intervenu pour qu’il n’y ait pas de distinction sur ce sujet."

 

Une position qui était déjà sienne en 2007, et qui coupe court à la tentation de ceux qui pourraient voir en ces propositions une course à l’échalote électoraliste. Point de clientélisme quand il y a constance.

 

Mais pour 2012, Bayrou va plus loin encore, reconnaissant avoir évolué sur la question, à force de voir la société tout autour de lui emprunter des chemins différents de ceux que préconisaient la tradition, et même parmi ses plus proches. Aussi, lève-t-il le tabou des GPA, les gestations pour autrui, et fait tomber le masque sur l’hypocrisie du phénomène : "Les couples de femmes homosexuelles ont-ils accès à l’insémination artificielle ? Oui, il suffit d’aller en Belgique. Alors l’idée qu’une chose serait autorisée et légale là, et interdite en France, n’est plus de ce temps". Et d’en conclure : "Essayons de faciliter une chose qui, pour moi, est précieuse, la vie des enfants. Des gens, que je respecte, sont très révulsés par la gestation pour autrui, et en même temps, il y a des enfants qui naissent de cette manière. Respectons leur vie, et donnons-leur leurs droits".

 

Le journaliste de Têtu, qui, sans doute avait peur de ne pas avoir bien compris, demanda alors si François Bayrou était donc d’accord pour reconnaître un statut juridique aux enfants issus d’une GPA effectuée à l’extérieur de nos frontières. Ce à quoi le député répondit sans ambigüité : "Oui, bien sûr".

 

On est toute de même bien loin de l’image conservatrice que certains s’évertuent à lui conférer, qu’ils résument non sans mauvaise foi sous l’adage "il est de droite" (comme si, soit dit en passant, être de droite vous rendait illégitime sur les questions de société et vous plaçait de facto dans le camp des conservateurs et des traditionnels. Ce qui est un peu oublier le cas notable deRoselyne Bachelot, certes assez minoritaire sur ces questions dans son parti, mais qui n’a jamais bougé d’un iota sur ses positions…).

 

Mais ces avancées, bon nombre d’internautes commentant l’article en ligne de Têtu n’ont pas voulu le voir. Bien au contraire, certains se sont même déchaînés. Avec une haine assez remarquable. Et une intolérance rare. Et même s’il faut, comme toujours, relativiser la couardise de ceux qui, réfugiés derrière leur clavier, se créent un personnage fantoche, pour expurger leur haine dans un acte purement cathartique, il faut tout de même se pencher quelque peu sur la raison de leur ire. Car s’il est un point sur lequel François Bayrou refuse de franchir le pas, que d’autres ont promis, c’est le mariage gay.

 

Déjà en 2007, François Bayrou avait évoqué la question, et voilà ce qu’il en disait, dansConfidences : 

 

"Je suis pour que le mariage reste l’union d’un homme et d’une femme… Parce qu’il y a aussi des gens qui sont traditionnels et qui ont besoin d’être respectés. Tout le monde a besoin d’être respecté les traditionnels et ceux qui adoptent de nouveaux genres de vie. C’est pourquoi, je me prononce pour une union civile".

 

Partisan d’une Union civile en 2007, il revient sur l’épithète qu’il a liée à son union dans l’entretien de Têtu : "L’adjectif 'civil' est superflu. Car civil s’oppose à quoi ? Religieux par exemple ? Il s’agit ici d’octroyer les mêmes droits, exactement les mêmes, comme la dissolution par le divorce devant le juge, les mêmes droits fiscaux, sociaux… Ce droit aux droits est légitime. Il est pour moi sans réserves. Mais le nom juste est union".

 

C’est déjà pour cette raison sémantique qu’il s’était abstenu en avril dernier lors du vote pour la législation du mariage gay à l’Assemblée Nationale. Un mariage canada Dry, comme l’avait raillé Sophia Aram en sa présence dans les studio de France Inter :

 



 

Les homosexuels en resteraient-ils alors avec le PACS qui n’offre pas le même statut que le mariage ? Assurément pas. Et Bayrou de préciser dans l’entretien : "Tous les couples qui ont un projet stable, à long terme, de vie en commun et qui veulent que ce projet soit reconnu par la société doivent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs. Cet engagement doit être contracté dans les mêmes conditions de solennité, y compris par l’état civil de la nation, devant le maire. Mais pour moi il s’agit d’une union, pas d’un mariage".

 

Toujours dans Confidences, en 2007, le candidat qui allait obtenir 7 millions de suffrages autour de sa candidature, avait expliqué cette réticence qu’il qualifie de sémantique avec le mot "mariage" pour les homosexuels :

 

"Le mariage, c’est l’héritage du mariage religieux, comme beaucoup de sociologues l’ont dit et écrit. Laissez le mot mariage pour cette union-là".

 

Mariage. Le mot sensible. Comme si toute cette question tournait autour d’un simple vocable. Une question de mot qui résumerait tous les maux autour de la question. Mais une question qui n’est pas dérisoire pour François Bayrou qui en appelle à la tolérance réciproque :

 

"Il y a bien des différences de sensibilité, parfois venues d’autres traditions culturelles, parfois plus traditionnelles. […] Ceux-là aussi ont droit à la compréhension. Pendant très longtemps, le combat de la communauté homosexuelle était 'accepter la différence'. Accepter la différence, au fond, ça vaut dans les deux sens."

 

Sans doute est-ce là le nœud du problème entre François Bayrou et la question du mariage gay. Parce que, comme il le dit lui-même, le combat pour la "différence" date. Et n’est plus. Aujourd’hui, certains veulent faire croire, et François Bayrou n’est assurément pas de ceux-là, que la demande d’un mariage gay résulterait d’une pression des lobbys gays et d’un communautarisme organisé. Mais il n’est pas question de communautarisme quand des citoyens se battent, non pour leur différence, mais pour avoir les mêmes droits que les autres. Les organisations homosexuelles ne revendiquent nullement la différence ,mais ne font que demander de réparer une injustice, qui distingue deux classes de citoyens au sein d’une République, dont le pilier central de la devise est tout de même ÉGALITE !


Non, François, personne ne demande d’accepter la différence. Mais tous les citoyens français n'aspirent qu'à une seule chose : l’égalité en droit. Et même si l’union que vous proposez serait à l’exacte identique, le fait même de proposer deux mots, deux vocables, deux statuts donc, pour un même contenu c’est déjà faire une différence. Et ouvrir alors la porte à la prochaine injustice, dès lors que la loi sinistre de l’alternance politique aura fait son œuvre.  

 

Alors il existe un moyen très simple de régler la question. De ne plus faire autour du mot "mariage" tant de polémiques. De refermer définitivement cette cicatrice provenant de la séparation de l’Eglise et de l’Etat et que la République a laissée s’inscrire, quand elle aurait pu définitivement effacer toute trace. Laissons, comme vous le dites, le mariage à la tradition, et donc au religieux. Etinscrivons dans la loi française que deux personnes majeures peuvent s’unir, quel que soit leur sexe, devant Monsieur le maire, et non plus se marier. Et célébrons leur Union devant la République.

 

Désormais on s’unirait. Que l’on soit homosexuel ou hétérosexuel. Et, les croyants qui le souhaitent, pourraient également se marier… mais à l’église. L’un pour offrir un statut juridique et civil. L’autre pour s’unir devant Dieu. Sans subir les foudres de la sémantique. Et surtout sans prendre le risque, comme cela se profile en Espagne, de revenir en arrière, au rythme de la cynique alternance politique.

 

Alors, chiche François ?

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17 août 2011 3 17 /08 /août /2011 09:06

203Sept ans après le mariage de Bègles, une nouvelle tentative voit le jour. C’est en effet à Cabestany, une petite commune de plus de 8000 habitants du Languedoc Roussillon que sera organisé en novembre ce qui sera alors le deuxième mariage homo en France, après l’annulation de celui que célébra Noël Mamère dans un tumulte dont tout le monde se souvient encore, le maire écopant même d’une suspension pour avoir enfreint la loi. Jean Vila, maire communiste de Cabestany assure qu’il a retenu la leçon de l’affaire de Bègles : « Ce mariage ne sera pas annulé et le maire ne sera pas suspendu. Je prends toutes mes précautions pour que d'autres maires puissent célébrer ces unions sans être embêtés ».


Le maire se garde bien la nature de ces précautions et l’Histoire nous dira si cet acte politique, expression qu’il assume parfaitement, sera vaine, médiatique ou si elle sera un second coup de boutoir pour enfoncer la porte entr’ouverte d’une loi sur le mariage homosexuel dont le rejet en juin dernier ne fit pas l’unanimité y compris au sein de la droite.

 

204La question brûlante n’est d’ailleurs plus de débattre sur la pertinence ou la nécessité d’une telle loi, d’autant que l’opinion publique semble avoir tranché en faveur d’une loi, comme elle existe déjà dans l’Espagne pourtant si catholique qui accueille à partir de cette semaine les JMJ.

EN revanche, il est toujours intéressant de décortiquer les réactions qui suivent ce type de déclarations. Evidemment, elles ne font pas légion en plein cœur du mois d’août. Mais il il y en une qui ne s’est pas fait attendre. Et pour cause : l’homme est de la région, sa compagne vient d’interrompre ses vacances auprès de lui pour rejoindre Paris et souffler sur les braise de la Crise, et surtout son Parti a tantôt eu un discours d’opprobre avant de le rendre plus cosmétique sur le dos des Musulmans envers la question homosexuelle : je parle bien évidemment de Louis Aliot du Front National.


Ecoutons le Perpignanais, par ailleurs conseiller régional frontiste et vice-président de son parti, qui s’oppose bien évidemment au projet lancé par le maire communiste de Cabestany : « Le Front National 66 condamne l’initiative publicitaire du maire communiste de Cabestany qui, à des fins de publicité personnelle et politique, s’apprête à violer la loi républicaine en procédant à un mariage gay. Le FN rappelle son attachement aux fondements du mariage qui doit rester l’union entre un homme et une femme. Il devient de plus en plus évident que derrière cette revendication communautariste pointe le débat sur l’adoption d’enfants. Enfin, le FN dénonce cette violation de la loi par un élu de la République et demande aux autorités de prendre leurs responsabilités ».


202La rhétorique est bien connue : l’instrumentalisation publicitaire est dénoncée et il est question de « violer la loi républicaine », et de « violation de cette loi ». Marianne est souillée, on l’aura bien compris.

 Par ailleurs, onnotera l’obsession du FN, quant à la question du mariage homosexuel qui ne veut y voir qu’un sous-marin à l’adoption : « Il devient de plus en plus évident que derrière cette revendication communautariste pointe le débat sur l’adoption d’enfants. « . EN quoi cela est-il évident ? A quel moment Jean Vila, qui n’est même pas nommé, tout juste brocardé du titre « maire communiste », comme si cela suffisait à le discréditer, a-t-il ne serait-ce que suggéré l’adoption dans ce projet de mariage ?


Mais le plus important dans cette déclaration reste cette expression maintes fois utilisée par les opposants de tous poils à tout ce qui touche de près ou de loin à la question homosexuelle, du PACS, à la loi sur le mariage : « revendication communautariste ».

Pour tous les opposants à une loi, la revendication du mariage gay relèverait du communautarisme. Le mot est d’autant plus efficace qu’il ne bénéficie d’aucune entrée dans le dictionnaire. Il est pourtant très en vogue pour dénoncer tout ce qui bouge, qu’il soit homo ou musulman.


Mais qu’est-ce donc le communautarisme ? Pierre-André Taguieff directeur de recherche au CNRS, Paris-CEVIPOF avait publié une tribunedans Le Figaro du 17 juillet 2003 pour tenter une définition :
Tout d’abord, le philosophe explique que le communautarisme implique un repli sur soi, sur sa « communauté » : « Le terme ‘communautarisme’ [désigne], avec une intention critique, toute forme d'ethnocentrisme ou de sociocentrisme, toute autocentration de groupe, impliquant une autovalorisation et une tendance à la fermeture sur soi, dans un contexte culturel dit «postmoderne» où l'«ouverture», et plus particulièrement l'«ouverture à l'autre», est fortement valorisée. »


201Puis il décrit ce en quoi consiste le projet communautariste : « Par ailleurs, le «communautarisme» est défini par ses critiques comme un projet sociopolitique visant à soumettre les membres d'un groupe défini aux normes supposées propres à ce groupe (telle «communauté»), bref à contrôler les opinions et les comportements de tous ceux qui appartiennent en principe à ladite ‘communauté’. »
Résumons, le communautarisme implique un repli sur soi, qui fait qu’un groupe veuille se singulariser de l’ensemble des autres. Mais n’est-ce pas exactement l’inverse qui est en jeu avec la demande des homosexuels d’être mariés ? N’aspirent-ils pas à être comme tous les autres citoyens français ? Ne revendiquent-ils pas tout simplement l’application d’un des piliers de notre devise, l’égalité, à partir du moment où l’homosexualité n’est plus un délit depuis plus de trente ans ? Exiger un statut à part de l’union homosexuelle relèverait du communautarisme. Ici, c’est tout le contraire.
Par ailleurs, le communautarisme implique une certaine standardisation, qui fait qu’un code est édicté à l’ensemble du groupe comme un signe d’appartenance. Mais depuis quand ceux qui demandent à légiférer pour le mariage homosexuel exigent-ils que TOUS LES HOMOS SE MARIENT ? laisser le choix à quelqu’un n’est certainement pas lui imposer la chose. En revanche, ne pas lui laisser le choix, c’est l’inviter à se replier et à ne s’épanouir qu’en communauté…
En d’autres termes, c’est bien le refus d’une loi en faveur du mariage homosexuels qui serait l’invitation de la Nation au communautarisme, elle qui se veut une et indivisible.
Monsieur Aliot, non content de faire parler ses obsessions au détriment de la raison, manifeste donc un contresens manifeste. Mais il est vrai que dans un parti où tout le monde doit produire le même discours, et où on se retrouve seul contre tous, il n’est pas bien sûr que l’on soit les mieux placés pour faire bataille contre le communautarisme…
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Présentation

  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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