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6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 19:50

L’heure est au bilan. Nécessairement. En 2007, Nicolas Sarkozy avait réussi un invraisemblable tour de prestidigitation en incarnant la rupture alors qu’il avait été ministre sous l’ensemble du premier quinquennat de la Ve République. Principalement au ministère de l'Intérieur, avec les résultats que l’on sait lorsque la France entra dans la terreur des émeutes de banlieue à l’automne 2005. Et pourtant, il fut bombardé l’homme de la rupture. Un homme sans bilan. Avant d’incarner le candidat permanent au début de sa présidence quand il multiplia à l’excès ses déplacements. 

 

Nicolas Sarkozy lors de ses voeux à l'éducation nationale le 5 janvier 2012 (F. DUFOUR/AFP)

Nicolas Sarkozy lors de ses voeux à l'éducation nationale le 5 janvier 2012 (F. DUFOUR/AFP) 

 

Mais cette fois-ci il n’y a plus de Roi fainéant à conchier, ni même de bouc-émissaire qui passera pour une victime dans un nouveau Clearstream. Nicolas Sarkozy n’échappera pas à son bilan. Et, s’il aime invoquer la crise par tous les Dieux pour justifier son bilan calamiteux (pour ne pas dire dramatique) pour un homme qui prétendait revêtir les oripeaux du président du pouvoir d’achat, il est un domaine qu’aucune conjoncture ou conjecture ne viendra brouiller la lecture : l’Education nationale. 

 

Un président méprisant

 

Autant le dire, le locataire de l’Elysée n’avait pas fait de l’école le thème central de sa campagne de 2007. C’est le moins que l’on puisse dire. La seule mention notable dans son discours liminaire d’entrée en campagne le 14 janvier 2007 est purement allusive : 

 

"Mais si l’école n’apprend plus la citoyenneté, ce n’est pas la faute des enseignants. Si l’Etat va mal ce n’est pas de la faute des fonctionnaires. C’est la politique qui est responsable."

 

Et s’il se veut rassurant en proposant un "projet de civilisation", dans lequel l’école redevient celle "de la transmission où les mots 'exigence' et 'excellence' reprennent un sens", c’est même inquiet que toute la profession lit dans le même entretien la funeste destinée qu’il réserve aux langues anciennes : 

 

"Vous avez le droit de faire littérature ancienne, mais le contribuable n’a pas forcément à payer vos études de littérature ancienne si au bout il y a 1000 étudiants pour deux places." 

 

Le ton était donné. Et la logorrhée accouche en quelques instants du sens précis de mots qu’il entend donner à son "projet de civilisation". Une civilisation sans Histoire. Oxymore. 

 

A peine sorti de son diner du Fouquet’s le soir de la victoire, symbole de cette civilisation qu’il tente de redessiner, il envoie une lettre aux éducateurs, qui tranche avec la confusion du discours du candidat : 


"Jadis, il y avait sans doute dans l’éducation trop de culture et pas assez de nature. Désormais il y a peut-être trop de nature et pas assez de culture." 

 

Une analyse somme toute juste et nuancée et qu’il accompagne d’une prose chatoyante pour amadouer son lectorat quand il évoque la noble tâche des enseignants : "cette responsabilité est l’une des plus lourdes mais aussi des plus belles et des  plus gratifiantes". Mais hélas : qui ne sait que ces loups doucereux / De tous les loups sont les plus dangereux ! Et c’est au Latran que Sarkozy fit tomber le masque en se réconciliant soudainement avec le latin dans cette lettre aux éducateurs.

 

Le latin de messe : "L’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé." A en perdre son latin, en effet. Quel meilleur purgatoire pouvait-il offrir aux enseignants que d’assener cette homélie sur un ton aussi péremptoire ? Non content de trahir l’école républicaine, Nicolas Sarkozy venait de faire cocu notre chère Laïcité. D’une pierre deux coups. Le projet de civilisation était en marche. Funèbre. 

 

Des suppressions de postes pour des économies dérisoires

Le mythe de "l’enfant barbare" était né, expression créée par François Bayrou. Ne respectant aucune de nos Institutions, bafouant tout sur son passage. Jusqu’à écorcher régulièrement notre belle langue lui qui avait déjà fait de la Princesse de Clèves une de ces poupées sans tête qui gisent sur le sol des vide-greniers qui sentent bon le graillon. Détruire. Vite. Et fort. Telle est sa nouvelle devise. Les suppressions de postes s’enchainent à un rythme effréné. Plus de 60.000 postes disparaissent au rythme du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. 

 

Officiellement, on évoque les premiers mois, la démographie, défavorable au collège. Et puis quand l’argument s’épuise, on compare la situation avec celle d’il y a quinze ans en omettant de préciser qu’entre temps, nos résultats se sont effondrés. Officieusement, c’est bien pire. L’économie réalisée est dérisoire.

 

François Bayrou le rappelle dans son "2012, Etat d’urgence" : 0,5 milliard d’économie soit 0,3% de la dette. La belle affaire. Et pour quelles conséquences sur le terrain quand les effectifs des classes explosent, quand on demande aux enseignants de se partager entre plusieurs établissements quitte à empêcher tout projet et rendre précaire même un CDI… 

 

Les provocations des ministres de l'Éducation nationale


Les provocations se multiplient entre Xavier Darcos qui ridiculise la profession en résumant grossièrement le travail des enseignants en maternelle au changement des couches et Luc Châtel parce qu’il le vaut bien, qui déclare sans coup férir que "notre école a moins besoin de grands soirs que de petits matins quotidiens". Le prof qu’on se le dise, ne fait rien, ou fait grève. Les fossoyeurs sont en action. Et "l’enfant barbare" est parfaitement épaulé par ses petites frappes. 

La carte scolaire est imparfaite ? Alors il faut la détruire !

La formation des enseignants est rendue inefficace par des IUFM, véritables laboratoires où des enseignants, souvent en panne de motivation, s’improvisaient apprentis sorciers, quitte à totalement déconnecter les professeurs de la seule voie qui devrait les guider, la seule !, à savoir la transmission du savoir ? Alors il faut détruire les IUFM ! Et détruire la formation des professeurs !

Les RASED (réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté) ? Détruire !

L’histoire en Terminale scientifique ? Détruire ! Détruire, détruire, détruire ! Et "l’enfant barbare" est affamé. Il se métamorphose en enfant roi, despotique, prêt à tout pour assouvir ses caprices les plus inacceptables. Il vante l’école de la République dans son discours sur la réforme des lycées en octobre 2009 en proclamant : "ce qui compte en France pour réussir, ce n’est plus d’être ‘bien né’ ; pour réussir, il faut travailler dur, et avoir fait preuve, par ses études, par son travail, de sa valeur. Principe de Justice."

 

Principe bafoué la même semaine quand la presse révèle, éberluée, que Jean Sarkozy va postuler pour la présidence de l’EPAD, le plus grand quartier d’affaire d’Europe ! Alors que le Prince peine à conclure sa licence. Ce qui vaudra une des saillies les plus grinçantes et les plus savoureuses à l’égard de la famille Sarkozy, de la bouche de Laurent Fabius, langue de vipère dans un ironie de velours : "on a besoin d’un très bon juriste. M. Sarkozy est en deuxième année de droit, c’est un élément fort."

 

Dans ce climat délétère, il n’est guère surprenant alors de voir surgir d’Eden des serpents venimeux comme SOS Education, qui, et serait-ce le fruit du hasard, sont soutenus par 145 députés, tous de l’UMP, y compris le désormais ministre, un autre "enfant barbare", David Douillet.

 

L’"enfant barbare" n’a donc pas terminé sa rixe. Il tente de se succéder à lui-même. Il a déjà cassé l’école dont il semble avoir fait un jouet. Mais qui ne sait ce qu’il réserve aux ruines de son beau joujou si joyeusement démantibulé.

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Présentation

  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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