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18 décembre 2011 7 18 /12 /décembre /2011 19:39

Dernièrement, de nombreux reportages sont diffusés à la télévision pour évoquer le parcours de Marine Le Pen ou l’histoire du Front National, depuis "Le Diable de la République, 40 ans de Front National" diffusé mercredi 30 novembre sur France 3, jusqu’à celui que propose Canal Plus ce dimanche à 12H45 intitulé "La face cachée du nouveau Front".

 

Et n'oublions pas le film réalisé par Caroline Fourest et Fiammetta Venner "Marine Le Pen , l’héritière" relégué malheureusement en troisième partie de soirée jeudi avec pourtant une audience moyenne impressionnante (1,2 millions de téléspectateurs pour un documentaire qui débuta avec vingt minutes de retard à 23h30 !), force est de constater que le phénomène intrigue.

 

Marine Le Pen donne une conférence au National Press Club à Washington le 2 novembre 2011 - Jose Luis Magana/AP/SIPA

Marine Le Pen - conférence au National Press Club à Washington le 2/11/2011 (Jose Luis Magana/AP/SIPA)

 

Marine Le Pen ne se cache pas, et le Front national courtise les médias

 

En complément de la stratégie de la dédiabolisation, Marine Le Pen a ouvert grand les portes de son parti aux journalistes, qui n’en demandaient pas tant pour faire… leur travail. Pendant des années, seul le portail de Montretout (la propriété si opportunément nommée, qui servit d’arbre cachant la forêt durant les heures brunes affichées) s’ouvrait au tout venant, à partir du moment où vous montriez patte blanche. Pour cela, il fallait revêtir les oripeaux de la belle société, ou bien être disposé à venir costumé pour s’y enivrer de champagne en discutant le bout de gras avec Alain Delon…  

 

Alors quand Marine Le Pen dit qu’elle a souffert du racisme patronymique dans son enfance, confidence faite dans sa biographie "A contre flots", on la comprend…

 

Mais les temps ont changé. Contrairement à son père, Marine Le Pen joue volontiers le jeu médiatique, sur la base d'un calcul simple : mieux vaut une mauvaise presse que pas de presse du tout. Et puis le parti s’est chargé d’abreuver ses propres réseaux, comme le révélait l’impressionnante invasion de sites, agences de presse et autres associations à la gloire et au bénéfice intégral des idées et des valeurs frontistes, information révélée par Linkfluence (dont on peut certes contester la méthodologie et certaines des analyses, mais dont la cartographie n’en révèle pas moins la part prise par les frontistes ou crypto-frontistes sur le net).

 

Effort démocratique donc qui rend difficilement acceptables les exactions de la Porte Dauphine, quand des étudiants l’empêchèrent, la semaine dernière, de débattre, ce qui provoqua chez Laurent Joffrin une légitime condamnation :


"Le Front national défend souvent des positions inadmissibles. Mais en démocratie, on les combat par la réfutation, par la contradiction, par la polémique. En aucun cas par la contrainte physique. C’est en défendant les principes de liberté qu’on peut contrer le plus efficacement l’intolérance, dès lors que son expression reste dans le cadre légal."

 

Ostraciser le Front national est un mauvais calcul

 

Ainsi, on ne peut pas défendre la démocratie en utilisant les armes qu’elle renie : la fin ne justifie pas les moyens et ce proverbe aurait dû guider la plume, mal inspirée pour une fois, de Dominique Sopo, Président de SOS Racisme, dans une lettre ouverte au Rédacteur en Chef du Nouvel Observateur :

 

Pourquoi alors, me demanderas-tu, avoir mené cette action, si l’expression même de Marine Le Pen eut suffi à la décrédibiliser ? Pour une raison finalement assez simple et dont j’ose espérer qu’elle continue à faire l’objet d’un certain consensus : le Front national n’est pas un parti comme les autres.

 

C’est vrai, Monsieur Sopo, le FN n’est pas un parti "comme les autres". Mais jusqu’à preuve du contraire, et les tribunaux sont tout ouïe pour en décider ainsi dès lors qu’on leur en fournit les preuves, le FN entre dans le champ démocratique, puisque ni ses propos, ni ses actions connues et ostensibles ne tombent sous le coup de la loi et ne justifient d'interdiction.

 

Et ce n’est pas parce que Monsieur Louis Aliot, Vice-Président du parti, a promis une sombre destinée aux subventions de votre association, si le FN venait à être aux affaires, tout en portant des accusations qu’il devra certainement justifier devant la Justice, puisque légitime plainte il y aura de votre côté, qu’il faut céder aux sirène du F comme fasciste et N comme Nazi qui n’empêcha nullement un sombre 21 avril, chant entêtant et contreproductif comme il n’en faut plus.

 

Combien de fois faudra-t-il rappeler qu’on ne combat pas le FN en l’ostracisant, en lui refusant le jeu de la démocratie ou en disqualifiant ses électeurs, mais en démontant, sur le fond, un par un ses arguments, pour mettre en exergue les insuffisances et l’inanité de son programme ?

 

Cécile Duflot, invitée sur le plateau qui suivi la diffusion du documentaire Le Diable de la République le 30 novembre dernier sur France 3,en avait parfaitement convenu :

 

FN un parti comme les autres Vidéo snoopyves1 sélectionnée dans Actualité

 

La liberté d'expression assaisonnée à la sauce "Front national"

 

Pour autant, il faut tout de même de se poser une question pour le moins capitale dans cette polémique : peut-on aisément débattre avec le Front national ? Car il serait trop facile de faire croire que Marine Le Pen et sa cohorte soient les seuls défenseurs de la démocratie, et qu’en face on met tout en œuvre pour éviter que la vérité n’éclate. 

 

Position victimaire qu’a affectionné son père pendant presque quatre décennies. D’autant que certains s’en donnent à cœur joie, comme Bruno Gollnisch, qui cette semaine s’en est allé sur son blog sous un titre qui fait doucement sourire, "Pourquoi tant de haine",  quand on sait que c’est celui que j’utilisai pour faire le portrait de Caroline Fourest

 

Lui qui l’accuse ici d’acharnement, de condamnation sans preuve. Cocasse quand on sait que le même Gollnisch avait déjà eu l’audace de me citer quand j’expliquai, et je ne retire pas une virgule de ce que j'ai écrit, que la blague de mauvais goût de Ruquier qui illustra l’arbre généalogique de Marine Le Pen avec des branches en formes de croix gammée était contre-productive et d’autant plus répréhensible qu’elle s’accompagnait du refus d’inviter la présidente du FN sur son plateau (entre temps, l’on apprit que l’animateur de l'émission "On n’est pas couché" devra de toute façon revoir sa copie).

 

Puisque j’inspire tant Monsieur Gollnisch, je l’invite à me citer dans les grandes lignes quand je décris de manière clinique combien la laïcité prônée par Madame Le Pen est factice,  quand elle use et abuse de la rhétorique pour détourner les questions dérangeantes ou bien évidemment quand je condamne fermement les dérives des intégristes catholiques que le même Gollnisch ne cesse de protéger et de légitimer.

 

Marine Le Pen libre de s'eprimer, face au monde (invité à se taire)

 

Alors, de quelle liberté d’expression parle Marine Le Pen ? De celle qui est au cœur de son programme ? Qui assène que  "Les manifestations de clandestins ou de soutien aux clandestins seront interdites" ? Celle qui garantit l’indépendance et la neutralité de la Magistrature en demandant, pour les magistrats "la suppression du droit d’être syndiqué, de la possibilité de s’engager politiquement ou d’être candidat, d’écrire ou de témoigner au sujet d’une quelconque affaire ayant trait à leur fonction" ?

 

Ajoutons à cela un budget de la défense à hauteur de 2% du PIB pour 201740000 places de prison crées et bien évidemment "la présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre" (sic ! Marine Le Pen qui déclare à propos du risque d’abus d’un tel dispositif : "Moi, je préfère compter un mort chez les criminels qu'un mort chez les forces de l'ordre" !) et l’on aura compris ce que les mots "liberté" et "liberté d’expression" recouvrent dans la bouche de Marine Le Pen !

 

Pour ce qui est du débat, il est facile de trouver des passages éclairants sur les nouvelles dispositions du FN, en puisant dans les archives, et pas les plus anciennes. Il y a un peu plus d’un an, dans feue "Semaine Critique", Marine Le Pen s’était illustrée en étant parfaitement accompagnée, de sorte à avoir "le public" dans sa poche. Par exemple :

 

Marine Lepen face à Caroline Fourest (1er round) par prochoix

 

Lors du débat déjà évoqué du mercredi 30 novembre, suite à la diffusion du Film "Le Diable de la République, 40 ans du Front National", on se souviendra aussi longtemps des 30 premières secondes de l’émission, et du respect incarné par les nouveaux amis-nouveau alliés du Front National.

 

De débattre avec le FN Vidéo snoopyves1 sélectionnée dans Actualité

 

Au sortir de l'enregistrement de l'émission, Caroline Fourest publia d'ailleurs sur son mur Facebook : "Le débat qui suit (déjà enregistré) a été impossible à cause d'un numéro de cirque de l'insupportable Gilbert Collard. Candidat aux législatives pour le FN mais sans officiellement partager ses idées (il veut bien le poste et les paillettes mais pas défendre des convictions). Ce qui ferme la porte à tout échange sur le fond. Très pénible."

 

Etrange capacité à dialoguer quand votre seul crédo est de ne pas répondre pour accabler l’autre, et de retourner la question dans un rythme qui s’apparente à un inquiétant : "il y a pire que nous"… un slogan pour le moins suspect quand on débat dans une démocratie.

 

FN calominer et faire diversion Vidéo snoopyves1 sélectionnée dans Actualité

 

Que dire aussi d’un parti qui multiplie les procédures en justice au point de protester avant même d’avoir vu une image du film Marine Le Pen l’héritière ? Des procès pour intimider comme le rappelle Caroline Fourest dans son blog tout en précisant que Marine Le Pen est courageuse, mais pas téméraire, et lorsqu’elle sent que la partie lui échappe, elle botte en touche.

 

Ainsi, concernant la biographie Marine Le Pen, l’accusatrice éponyme a demandé un renvoi pour juillet 2012, alors que le procès était prévu pour décembre 2011… Plus pratique quand le dossier est branlant et qu’il pourrait faire de l’ombre à la présidentielle, et plus encore aux législatives où la moindre voix se monnaye en écus sonnants et trébuchants, subventions de l’Etat obligent.

 

Difficile enfin de débattre et de mener la fronde contre le Front, quand vous échappez aux velléités procédurière de ses cadres mais que sont à vos trousses de sombres illuminés prêts à tout pour vous réduire au silence comme Sophia Arram menacée par les aficionados de la Madone de Saint Cloud… enfin la Madone d’Hénin, selon que c’est le jour du travail ou le jour de la messe.

 

Tant que le Front national s'exprime, prenons la parole pour le combattre

 

Difficile mais pas impossible. Pour cela, il faut du courage, du talent et de l'abnégation. Alors Caroline, Fiammetta, Sophia, Laurent (...Joffrin !), Abel et Caroline (Mestre et Monnot), Renaud (Dély)... Merci. Merci d'oser l'intelligence de la démocratie. Merci de continuer à nous informer, à décrypter, et à formuler l'indicible qui se terre dans les non-dits.

 

Certains diront qu'ils sont parti pris. C'est vrai. Mais tant que la démocratie ne muselle pas les membres du FN (d'où l'importance de ne surtout pas glisser sur ce terrain-là...), leur combat ne s'inscrit que dans une contrepartie équitable qui laisse le citoyen libre à sa réflexion. C'est aussi cela le service public. Ou pour ceux qui n'en dépendent pas, le service rendu au public.

 

Enfin, comme le rappelle Caroline Fourest, narratrice dans son film : "un seul obstacle peut bloquer l'ascension de l'héritière : la démocratie, la vigilance et le vote des Français". Citoyens, c'est à vous de jouer à présent.

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Présentation

  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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