Le troisième cortège de la manif pour tous s'est donc soldée par un échec à tous points de vue.
Échec chiffré tout d'abord puisqu'avec 300.000 manifestants (selon la police), le collectif rassemble moins que le 13 janvier où l'on en avait comptabilisés 340.000. Et Frigide Barjot peut bien s'agiter en tous sens et s'époumoner en parlant de 1,4 millions et bientôt 2,5 sur I>Télé, la dure réalité des chiffres est cruelle pour celle qui s'est autoproclamée reine du bal et qui, dimanche soir sur la chaîne d'info était très agressive à l'égard des questions des journalistes.
Si la manifestation avait été un succès, nul doute qu'elle aurait adopté sa traditionnelle mine débonnaire. Ce qui ne fut pas le cas dans la séquence suivante, durant laquelle le mascara eut bien du mal à dissimuler la fureur de Frigide Barjot, qui n'était pas à prendre avec des pincettes :
Il faut dire que le chiffre décevant cache un échec beaucoup plus large justement, celui de l'ambiance bon enfant, "calme et pacifique" que voulait le collectif. Et de ce point de vue là, nul ne peut nier que les événements ont clairement dégénéré.
Un échec de l'organisation
L'on a beaucoup glosé sur les gaz lacrymogènes qui auraient été lâchés sur des enfants. Certains politiques, Christine Boutin et Laurent Wauquiez en tête, en ont même rajouté des tonnes et des tonnes sur les antennes d'info continu, pour dénoncer la barbarie des forces de l'ordre. Christine Boutin, que l'on a retrouvée évanouie au sol, en Belle au bois Dormant des réac, demandant même la démission de Manuel Valls, dans la mesure et la pondération qu'on lui connaît.
Pour autant, des personnes présentes et des journalistes, ont clairement expliqué que certains manifestants avaient clairement placé eux-mêmes poussettes et bambins en tête de cortège pour intimider les forces de l'ordre, comme cette autre vidéo amateur le prouve sans l'ombre d'un doute : "On va mettre les enfants devant" (à 3'58).
Des membres du GUD se sont infiltrés dans le cortège, mais comme on le voit, ils ne furent donc pas les seuls à vouloir provoquer les forces de l'ordre.
Pour autant, il ne faudrait pas que ces quelques gaz vinssent enfumer l'ensemble des dérapages que la manifestation de dimanche a connus. Il y en eut bien d'autres, tout aussi graves et qui contredisent vigoureusement le terme choisi par Frigide Barjot pour les évoquer : "un épiphénomène". D'autant que les manifestants avaient reçu des consignes pour le moins claires, dans un courriel qui circulait dimanche via les réseaux sociaux : "Arrivez de tous les côtés, par où vous semble bon, par où vous pourrez, y compris par les Champs-Elysées".
Des débordements pas véritablement spontanés donc. Un message qui a bien été compris puisque des journalistes d'Europe 1 ont clairement entendu dans le cortège : "Rien à foutre des consignes de la préfecture."
Car, pour une manifestation censée être "bon enfant", avec un message très clair pour lutter contre l'homophobie, l'on a tout de même vu des insultes non déguisées pleuvoir dans la foule ou à partir de la foule via les réseaux sociaux. "SOS homophobie" a eu le temps de faire une impression écran d'un tweet qui montre bien l'ambiance :
Bruno Roger Petit, habitant sur les lieux, préféra lui ironiser sur un "allons brûler le Queen !" qui ressemble à s'y méprendre au fameux "les pédés au bûcher" de 1998.
Christiane Taubira déjà honteusement grimée par le collectif de la Manif pour tous eut le droit à une métaphore vivante du meilleur goût puisqu'un âne déambulait dans la rue, portant le nom de la Garde des Sceaux.
Voilà des semaines que les opposants ont adopté la méthode jusqu'au boutiste pour clairement radicaliser ce mouvement. La Manif pour tous se voulait le pendant de Civitas en version soft et "homophile". Pourtant, elle rejoint la caricature jusque dans ses pires outrances.
Ce défilé est devenu du grand n'importe quoi quand certains à droite l'ont pris comme tribune politique en réclamant la démission de Hollande et en voulant rejouer la motion de censure dans la rue.
Et c'est fièrement que les représentants de la manif pour tous exigent à présent d'être reçu par le chef de l'État ! Comme l'adolescente qui a ruiné l'appartement familial après sa boum et qui réclame son cadeau d'anniversaire la bouche en cœur !
Cette manifestation n'a pas seulement insulté les homosexuels, les partisans de l'égalité ou encore le camp des progressistes. Elle a insulté la République. La manif pour tous est devenue un mouvement indigne qui tente d'engranger toutes les aigreurs qui passent, à la manière de la voiture du balai qui drague tout ce qui traîne. On imagine les images qui vont se diffuser à travers l'Europe et le Monde pour voir ridiculiser notre pays.
Qu'on se le dise, ce n'est plus la manif pour tous : c'est l'indignité pour tous.
Publié sur Le Nouvel Obs - Le Plus, le 25 mars 2013.