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4 septembre 2012 2 04 /09 /septembre /2012 09:46

Une salle de classe du collège Georges Charpak de Goussainville (Val-d'Oise), le 25/06/2009 (CHAMUSSY/SIPA).

 Une salle de classe du collège Georges Charpak de Goussainville le 25/06/2009 (CHAMUSSY/SIPA).

 

RENTRÉE SCOLAIRE. La rentrée est souvent synonyme de galère pour les parents. La course aux fournitures scolaires laisse un goût amer dans la bouche, d’autant que chaque année, une hausse des prix est constatée.

 

Serpent de mer qui occulte que bon nombre d’établissements comptent à présent des associations de parents d’élèves parfaitement rodées qui proposent des colis de fournitures, directement sourcés par l’équipe pédagogique pour 60 euros tout compris.

 

Intéressant quand on sait que l’allocation de rentrée scolaire a augmenté de 25%, comme François Hollande l’avait promis durant sa campagne, perpétuant l’hérésie qui voit des parents d’un élève de CP recevoir presque autant (à 20 euros près) que ceux qui voient leur dernier arriver en 3e…

 

Un équipement qui a un coût

 

Mais la rentrée de certains de nos amis belges risque de laisser des traces et la colère qu’elle engendre n’est pas prête de s’éteindre. La semaine dernière, le journal "La Tribune" nous apprenait que deux écoles flamandes avaient décidé d'inscrire un iPad sur la liste des fournitures obligatoires pour la rentrée !

 

Une initiative qui, selon le quotidien, "a provoqué la colère de certains parents, et qui tourne au bras de fer" et que désormais doit arbitrer le ministère de l’Éducation flamand. Deux possibilités sont offertes aux parents : acheter un iPad neuf pour 465 euros ou en louer un à 165 euros par an…

 

En France, cette situation semble peu probable surtout à une époque où l’on demande aux équipes pédagogiques d’être de moins en mois exigeantes vis-à-vis de la liste des fournitures. Au point d’arriver à un certains non-sens : ainsi, en ZEP, il est pratiquement impossible de demander aux familles de financer quoi que ce soit durant l’année.

 

Les équipes de français sont donc contraintes de puiser dans les budgets pour acheter des séries entières de livres de poches. Ainsi, quand l’année s’achève, les élèves n’ont plus un seul livre dans leur chambre puisqu’il y a bien longtemps aussi que les établissements fournissent aussi les manuels scolaires…

 

L’Éducation nationale s'y met peu à peu

 

Pour autant, des "opérations iPad" ont déjà vu le jour dans notre pays. Mais à la charge de l’Etat, c’est à dire financées par nos impôts. L’opération “Ordicollèges” mise en place par François Hollande en Corrèze avait ainsi alimenté les polémiques durant la présidentielle, cette couteuse séquence pour le département ayant tôt fait de faire de ce département la "Grèce française" pour la droite…

 

Au-delà de la polémique, cette initiative s'inscrit dans la volonté de l’Éducation nationale d'intégrer les nouvelles technologies dans les programmes, elle qui a souvent eu la réputation d'être à la traîne. Nommées TICE (Technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement), elles ont vraiment connu leur essor au début des années 2000 avec la création des salles pupitres, dont les tables ne sont composées que d'un poste PC.

 

Aujourd'hui, tous les établissements sont connectés et la craie et autres tableaux noirs laissent progressivement leur place au "TBI", le tableau blanc interactif. Et le livre est porté disparu au profit des écrans.

 

Faut-il se réjouir de cette place devenue prépondérante dans l’Éducation nationale ? Comme très souvent sur pareil sujet, il n'est pas de position manichéenne si l'on veut, un tant soit peu, toucher du bout du doigt l'objectivité.

 

L'informatique ne doit pas être une fin en soi

 

Incontestablement, l’école se devait de rattraper un retard qui devenait grotesque. Dans les années 1990, il fallait proposer pour les étudiants à l’université des cours de traitement de textes en maîtrise (Master I) afin qu’ils rédigent leur mémoire… Et que dire de ceux qui à l’époque avaient recours à des secrétaires pour la mise en page, à partir d’un manuscrit, au sens étymologique du terme.

 

Les élèves de ces années ont tous connu des modules de mathématiques au collège ou des logiciels d’orientation sur le "TO7", qui est à l’informatique ce que le Minitel est à l’Internet.

 

Aujourd’hui, l’usage de l’informatique et de l’Internet est primordial dans la plupart des matières et des options et notamment la DP3 (découverte professionnelle, d’une durée de 3 heures en classe de 3e), qui permet d’accéder à des bases de données qu’aucune bibliothèque ne proposerait même en rêve (vidéos présentant des professions, fiches de paye, textes de loi ou encore accès à des petites annonces professionnelles…).

 

Mais la contamination est telle à présent qu'Internet et l’informatique deviennent un recours privilégié et surtout systématique pour les professeurs et les élèves, qui en arrivent à refuser toutes autres activités, ou pour le moins à dénigrer toutes celles qui n’y ont pas recours.

 

On voit aussi des heures de permanence passées au CDI (centre de documentation et d'information) où l’on joue aux jeux vidéos sur Internet, malgré les nombreux filtres mis en place pour maîtriser la navigation. On voit aussi des élèves demander à aller sur un ordinateur pour faire un exposé sur l’histoire égyptienne oubliant que les livres et les encyclopédies suffiraient à leur "soif de curiosité".

 

Et si les guillemets s’imposent, c’est justement parce que la recherche s’assèche progressivement : l’élève devient un consumériste qui doit avoir un résultat, immédiatement et sans effort. Aujourd’hui, quand un élève ne connaît pas le sens d’un mot, il demande à l’enseignant de le renseigner. Ou alors il demande à aller sur l’ordinateur. Et si un impertinent ose lui demander d’aller consulter un dictionnaire, il préfère battre en retraite. Le paroxysme a été atteint avec l’émergence de Wikipédia, les enseignants piégeant les élèves, et vice versa.

 

Privilégier l'encadrement humain aux machines

 

Le problème, c’est que les formateurs de l’Éducation nationale ou leurs proches jouent aux ingénus, sommant chacun de ne pas stigmatiser ce manque d’appétence pour la lecture ou pour "l’objet livre", évoquant une conséquence logique du temps qui change.

 

Le centre national de documentation pédagogique (CNDP) estime même que le langage SMS doit ouvrir des perspectives pédagogiques aux enseignants, rendus coupables d’ostraciser ce langage. Il martèle qu’il n’est pas l’ennemi des écrits scolaires contrairement à ce que chacun peut observeravec bon sens.

 

Le problème n’est donc pas dans l’évolution de l’Éducation nationale vers les nouvelles technologies, mais davantage dans cette idéologie qui pousse à faire d’elles une finalité en soi.

 

Les classes pupitres ont ainsi été réservées dans les ZEP pour les classes en difficulté. Comprenez par "en difficulté" des classes dont le taux d’illettrisme dépasse les 15% de la moyenne nationale. L’informatique est donc un placebo tentant de faire oublier que les élèves ne maîtrisent pas l’écrit pour démontrer qu’ils ont tout de même des compétences.

 

Mais que valent ces compétences quand un élèves s’entête à dire que sa phrase est correcte puisque son traitement de texte n’a rien souligné ? Ces salles pupitres, financées par le Conseil général pour les collèges, et par le Conseil régional par les lycées, ont un coût d'autant que son usage quotidien nécessite une ou plusieurs personne(s) qualifiée(s).

 

Des dépenses dispendieuses à un moment où l’on a préféré supprimer des postes d’enseignants ou d’assistants d’éducation pour faire quelques économies. Des machines plutôt que l’encadrement humain. Les élèves savent ainsi envoyer des mails, mais ils sont illisibles pour celui qui maîtrise la langue.

 

Aider l'élève à mieux maîtriser l'outil Internet

 

L’usage d’Internet, par exemple, est un outil extraordinaire pour celui qui maîtrise déjà la langue et le savoir : il décuple sa capacité à trouver l’information et à enrichir ses connaissances. Mais il n’a pour vocation qu’à enrichir. Pas à créer. À moins d’être autodidacte. Et encore. L’arrogant n’admettra jamais qu’il disposait de quelques bases pour être autonome.

 

Pour autant, le rôle de l’enseignant est majeur dans la maîtrise de l’outil internet : à lui de doter l’élève de compétence lui permettant de trouver, hiérarchiser et apprécier l’information, ne se contentant pas des "top list" des moteurs de recherches, mais en comparant et en faisant usage de recul critique quant à la source.

 

Les nouvelles technologies ne doivent donc pas être une idéologie. Il faut avoir le sens des valeurs et savoir différencier le noble du pratique : l’écriture à la main doit être la priorité de l’école car c’est le seul endroit où elle est pratiquée pour un adolescent. Il en est de l’informatique comme de la pédagogie : elle n’est qu’un moyen par une finalité en soi.

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  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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