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25 juin 2012 1 25 /06 /juin /2012 09:24

François Bayrou, le soir du premier tour des législatives, à Bizanos (G.COLLET/SIPA)

François Bayrou, le soir du premier tour des législatives, à Bizanos (G.COLLET/SIPA)

 

Au MoDem, l’heure est au bilan. Les cyniques pensent même qu’elle est au dépôt de bilan. Toujours facile de tirer sur les ambulances à la manière de la "courageuse" Roselyne Bachelot, qui ferait mieux de méditer sur les raisons qui ont poussé son parti et ses nombreux amis à faire les poches du Front national pour tenter de rester coûte que coûte accroché à leurs sièges. Les candidats du MoDem peuvent, eux, se regarder dans la glace chaque matin.

 

Pour autant, faire comme si de rien n’était et croire que l’on ne pourra pas tomber plus bas, leitmotiv ressassé après chaque échec depuis les municipales de 2008, serait de la candeur et de l’incompétence. Mais pour s’atteler à refonder quoi que ce soit, encore faut-il faire le bilan, le plus objectif qui soit, pour tenter d’y voir clair.

 

Le centre n'est pas un parti godillot rattaché à la droite

 

Depuis 2002, François Bayrou avait tenté de faire du centre une force libre et indépendante, au grand dam de la droite. Lors du congrès fondateur de l’UMP, il s’était laissé allé à dire à la tribune, devant une assistance médusée : "Si nous pensons tous la même chose, nous ne pensons plus rien." Rodolphe Geisler, dans sa biographie intitulée "Bayrou l’obstiné", rappelle qu’à l’époque un cadre avait parfaitement résumé l’amertume ressentie dans les rangs de la majorité présidentielle d’alors, la délicatesse de la formule en sus : "Il nous fait cocu et en plus il nous fait payer la chambre."

 

Refusant de voter les budgets à l’assemblée à partir de 2005, le Béarnais franchit le Rubicon en mai 2006 en votant avec le PS la motion de censure contre le gouvernement de Villepin. La fracture était entamée.

 

La présidentielle de 2007, et ses presque 7 millions de voix (18,57 %), lui donnent alors la légitimité par les urnes pour entamer la vraie révolution du centre : celui d’une force déracinée de son inféodation à la droite depuis les années VGE. Bayrou entendait alors cesser avec l’hémiplégie que continue pourtant de porter avec insouciance Borloo et Morin pour qui le centre est de "droite".

 

Parier sur l'implosion du PS ? 

 

Toutefois, pour incarner une troisième voie dans ce monde politique dominé par l’hydre bipartite, il n’y a que deux solutions : soit l’un des deux s’affaiblit, soit il faut faire des alliances. La seconde option ayant été enterrée après trois décennies de loyaux services, François Bayrou tenta d’emprunter la seconde : attendre l’implosion du PS.

 

Seulement, l’implosion ne vint jamais. François Bayrou n’osa pas, en 2007, aller au bout de sa démarche, à savoir ne pas voter pour Nicolas Sarkozy, et n’accepta pas la proposition de Ségolène Royal de devenir son Premier ministre dans un épisode que l’imaginaire de la présidente du Poitou a suffisamment brodé pour le rendre légendaire. Certes, cela n’aurait pas empêché Nicolas Sarkozy de gagner la présidentielle. Mais cela aurait totalement explosé l’appareil du PS entre ceux qui défendaient la ligne d’ouverture de Ségolène Royal, et ceux qui souhaiter en rester à une ligne exclusivement clanique de gauche.

 

L’occasion se représenta un an plus tard. Mais cette fois-ci, François Bayrou fut un simple spectateur du Congrès de Reims. Et cette fois-ci, c’est Martine Aubry qui vînt contrarier les urnes et les plans du Béarnais. La messe était dite. Aujourd’hui, le PS peut remercier sa secrétaire d’avoir sauvé la mise du clan socialiste.

 

Que fit le MoDem pour tenter d’exister ? Rien, ou presque

 

Le mouvement sacrifia toutes les échéances intermédiaires à l’exception des municipales, durant lesquelles la main tendue à Aubry à Lille, et celle tendue à Juppé à Bordeaux, furent incomprises par les électeurs et pour cause : quelle pédagogie leur avait-on offert pour comprendre que l’on se positionnait sur des programmes, et non sur des étiquettes partisanes ?

 

Toutes les élections locales furent alors de vains combats, où il fut bien difficile de trouver de vaillants soldats pour représenter les couleurs "orange". L’opération "chair à candidats" s’imposa cyniquement. Avec les résultats que l’on sait.

 

François Bayrou après sa défaite aux législatives à Bizanos, le 17 juin 2012 (P.Andrieu/AFP)

François Bayrou après sa défaite aux législatives à Bizanos, le 17 juin 2012 (P.ANDRIEU/AFP)

 

La seule stratégie de François Bayrou, et de Marielle de Sarnez, car ce duo, il faut désormais le dire, a systématiquement tranché sans nécessairement être en accord avec le reste du mouvement, fut de tout sacrifier pour le destin présidentiel du Béarnais. Avec comme seul argument celui de dire que dans la Ve République, tout part de la présidentielle. Mais occultant le fait que pour gagner le combat de la présidentielle, seule une armée prête à la bataille d’élus locaux permet de rivaliser. La défaite était en route.

 

La campagne de 2012, à l’exception notable de l’élan de décembre sur le thème du "Made in France", ne décolla jamais. François Bayrou avait beau ramasser des lauriers dans les enquêtes qualitatives, les intentions de vote s’affaissèrent régulièrement et surement. Se reposant sur le thème "j’avais prédit le problème de la dette", François Bayrou était respecté en Cassandre quand on attendait de lui des solutions.

 

Symbole parmi les autres, dans son ultime face à face avec Pujadas, ce dernier le somme de donner des solutions et non des diagnostics. Et le Béarnais de lui répondre sous la forme d’un pléonasme accablant : "Ce n’est pas un diagnostic, c’est l’analyse des causes." Tout était dit.

 

Ajoutez à cela que l'on ne reconnut plus l'auteur d' "Abus de pouvoir", François Bayrou pensant qu'il ne devait pas froisser l'électorat de droite, et oubliant dans la fureur de la campagne, que la droite ce n'était pas le sarkozysme, lui qui n'en est une excroissance cancéreuse, et vous comprenez pourquoi les Français n'ont jamais réellement su où se plaçait la candidature du Béarnais, et, plus grave encore, avec qui il serait susceptible de travailler, même s'il gagnait. 

 

Et maintenant... que va-t-il faire ?

 

Aujourd’hui, le temps de l’indépendance n’est plus d'actualité : on n’est pas indépendant et libre quand on n'est plus rien. Reste la question des alliances, à condition de ne pas y laisser son âme, et donc son identité. Et deux solutions s’offrent alors au MoDem et à François Bayrou :

 

Soit on accepte de refonder la droite, en espérant que l’UMP implose après la fracture idéologique des idées et surtout des valeurs frontistes qui se sont confondues aux valeurs républicaines de la droite. Ce pari, qui avait échoué sur la gauche en 2008, ne pourrait se faire sans réconcilier le "centre". Mais comment travailler avec les gens qui ont cautionné pendant cinq ans la politique et le discours des valeurs prônées par Nicolas Sarkozy sans avoir rien à y redire ? Se réunir autour d’une sémantique (l’étiquette floue "le centre") plutôt que de se réunir autour des valeurs qui nous rassemblent serait-il véritablement "la" solution ?

 

Soit on se décide de travailler avec la gauche, en convenant que malgré nos désaccords, même profonds, sur la dette et le budget, notre vision morale et sociale de la France sont en harmonie. Et il y a au-delà des considérations économiques bien des débats qui vont compter pour la France, comme le vote des étrangers ou encore le mariage homosexuel. Autant de sujets sur lesquels MoDem et PS sont en accord. Et le MoDem a toujours eu pour adage de faire valoir les valeurs aux lubies partisanes.

 

Certains diront que le PS n’a pas besoin de nous. Pour autant, le potentiel électoral doit-il guider les lignes politiques de notre mouvement ? Les prochains jours verront notamment se réunir un Conseil national le 30 juin prochain : permettra-t-il de trancher le débat ? 

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  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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