Savoureuse empoignade hier soir entre Eric Zemmour, journaliste polémiste au Figaro, plus à droite tu meurs, et Gérard Miller, plus à gauche tu meurs deux fois, plus imbu de lui-même tu meurs trois fois… le cadre est posé. Le thème : la laïcité. Vaste sujet qui fournit tant et tant de débats… Que ce morceau de pédagogie pure et de démagogie la plus naïve sur ce qu’est la laïcité soit passé chez Ruquier (qui n’a de cesse d’intervenir pour glisser boutades et autres calembours, jeux de mots qu’Hugo qualifiait fort justement de « fiente de l’esprit qui vole »…), à 1h00 du matin, avec une audience se résumant à une dizaine d’insomniaques, une centaine de retour de bars qui ont tendance à dédoubler la vue, et à un millier de retraités endormis depuis la diffusion dans l’après-midi du 1015ème épisode de Derrick, est un véritable crève cœur… N’étant ni insomniaque, ni fan de Derrick, mais souhaitant voir l’intervention de JFK (qui fut malmené au possible, surtout par un Ruquier qui en n’avait, passez-moi l’expression, rien à foutre de son livre Pourquoi il faut dissoudre le PS), mon disque dur m’a permis de savourer ce moment…
Retour sur les faits…
Alors qu’il fait la promotion de son one man show, Gérard Miller (non, ce n’est pas une faute de frappe ONE MAN SHOW !!!!!!!!!!!!!!) évoque ses origines juives, avec tendresse. Il en profite alors pour glisser une bonne année à tous les Juifs, en se référant au calendrier judaïque…
Zemmour, ne laisse rien passer : « Vous voyez mon cher Miller, c’est ça normalement, la France normalement c’est la différence limitée au privé, c’est ça là la laïcité. Vous avez fait une erreur comme d’habitude ».
Le ton est donné et les deux acteurs de ce combat de catch éthique improvisé vont se rendre coup pour coup :
Pour Zemmour, la laïcité à la Française cantonne la question religieuse à la sphère privée et non à la sphère publique, conséquence notamment des nombreuses guerres religieuses qu’a connu notre pays et dont les Lumières fut une des conséquences les plus frappantes.
Pour Miller, on souhaite bien la bonne année à tout le monde le 31 décembre selon un calendrier judéo-chrétien, et il ne voit pas le mal à fêter une bonne année juive.
Le chroniqueur du Figaro lui rappelle alors que la culture française, qu’on le veuille ou non, que l’on soit croyant catho, juif, musulman ou athée, s’est fondée sur des valeurs judéo-chrétienne et que notre culture en est majoritairement imprégnée.
Miller conteste en disant notamment que la religion musulmane par exemple participe dans la même mesure à cette constitution de la culture française.
La victoire par Ko est bien évidemment pour Zemmour.
Miller incarne ce soir-là la naïveté de la gauche la plus insupportable qui sur le fallacieux prétexte de l’égalité, qui s’avère être de l’égalitarisme, fait fi des fondements de la laïcité et dit absolument n’importe quoi. Comme ce fameux Sarkozy qui en 2004 ne voyait par pourquoi les Chrétiens avaient des églises et les Musulmans n’avaient pas de mosquée et qui proposait de revenir sur la loi de la séparation de l’Eglise et de l’Etat pour que ce dernier finance la construction de temple musulman (Qui eut cru que Gérard Miller et notre cher Président étaient, sur certaines valeurs, aussi proches ?).
SACRILEGE REPUBLICAIN ! INEPTIE pour notre état laïc !
Ce que Miller et Sarkozy ne comprennent pas c’est que les églises dont les réparations et l’entretien sont financés par l’Etat le sont que parce qu’elles ont été bâties avant 1905 et qu’elles entrent de plain-pied dans l’héritage culturel et architectural de notre pays. Les édifices post 1905 ne bénéficient aucunement de ce d’aucuns considèrent à tort comme des largesses de notre état envers les Chrétiens.
Et comme le rappelle Zemmour, qu’on le veuille ou non, le bon sens et la bonne foi ne peuvent mettre sur un pied d’égalité l’influence de la culture musulmane et celle de la culture judéo-chrétienne pour expliquer l’identité française. Que la première y participe est indéniable ; qu’elle y ait contribué à part égale est d’une mauvaise foi et d’une inculture confondantes.
La laïcité française est certes complexe à comprendre et à appliquer. Mais elle n’en demeure pas moins une pierre d’angle dont on ne peut mégoter sur les principes. La religion appartient au domaine privé ; et notre culture est naturellement influencée par les mythes judéo-chrétiens. Il n’y a pas à avoir honte et de crier à la ségrégation religieuse. Je suis moi-même un athée de pure souche et je n’ai aucun problème à affirmer que ma culture, celle des Lumières, celle de Molière, de Racine, celle de François Bayrou se sont inlassablement abreuvées de ces influences.
Et à partir de ce principe, il n’y a donc, par exemple, aucune honte à initier un débat sur le port du voile dans la rue. A partir du moment où les arguments évoqués n’ont aucun relans racistes, mais consistent à dire que la religion doit rester dans le domaine privé, et que l’on peut de la même manière poser le problème du port de la kipa, de la tunique de la bonne sœur dans la rue, la laïcité ne peut que s’en sortir grandie.
Merci à Zemmour d’avoir été chez Ruquier son défenseur. Je ne suis pas convaincu que les quelques centaines de milliers de spectateurs présents à 01h10 devant leur téléviseur aient été sensibles à cette empoignade et cette question de valeurs…
PS : Un merci tout particulier à José pour m’avoir indiqué cette perle dans l’émission, qu’immanquablement j’aurais ratée s’il ne m’avait pas prévenu…