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2 juillet 2013 2 02 /07 /juillet /2013 07:50

Lundi soir, France 2 consacre son prime aux séries américaines. Mais ce lundi 1er juillet, le show a commencé un peu en avance, peu avant 20h30. Et un acteur, déjà connu et réputé, a pu y faire montre de tout son talent et de tous ses charmes, au sens étymologique du terme. Disons-le tout net : Bernard Tapie a envoûté David Pujadas, et osons-le mot il a empapaouté toute la France devant nos yeux hypnotisés.


tapie2.jpg

 

Il a fallu le voir arriver, le regard froid, visiblement avide d’en découdre. Jadis invité par Paul Amar à défier Jean-Marie Le Pen avec une paire de gants sur le bureau, ce qui avait valu la porte pour le journaliste, Tapie n’avait pas pris une ride depuis 1994. En tous cas dans son jeu.

Le couteau entre les dents, prêt à mordre, il a mené l’entretien à sa guise malgré un David Pujadas qui a tenté tant bien que mal d’être pugnace. Mais que vos la défense d’un petit agneau quand le vautour déploie ses ailes, avec fureur ? Bernard Tapie n’aura de cesse durant toute la première partie de l’entretien de ressasser l’histoire d’Adidas et du Crédit Lyonnais afin de se victimiser.


Un seul objectif : la victimisation


Le spectateur n’avait d’autres choix que de s’apitoyer sur le sort de ce pauvre millionnaire à qui on a acheté une société pour 2 milliards pour la revendre 2 de plus dans un même élan au nez et à sa barbe. Devant ses épinards sans beurre, le smicard tombe dans l’empathie et c’est bien normal : que d’emphase, quel talent pour conter, quelle maestria pour demander à ne pas être interrompu.

Il faut rendre justice à Bernard Tapie : les mauvaises langues ont souvent expliqué qu’il avait combattu Jean-Marie Le Pen en employant la même rhétorique et la même démagogie. Ce n’est pas juste : c’est à la fille du Patriarche que l’on pense en l’entendant. Fermez les yeux, et vous entendrez la l’héritière de Montretout dénoncer "Télé bolcho".

Affuté comme jamais, il a sillonné avec grâce dans le hors piste, ressassant les prémices de l’affaire quand ce pour quoi il a été mis en garde à vue ne concerne que le jugement de l’affaire, pas son fond.

En réalité, Tapie a tenté de noyer le poisson hier, hurlant au complot, dénonçant la cabale des journalistes, et crachant sur la "France de la haine". Ironique quand on emploie la rhétorique de Marine le Pen.

Monsieur Bernard Tapie a tout faux. Et il le sait très bien. Ce n’est pas la « France de la haine » qui le pourchasse : c’est la France de la vérité. La France de la justice. La France de la probité. Celle qui n’accepte pas que l’on ait décidé de faire fi du pouvoir judiciaire, la justice des citoyens, pour précipiter un tribunal arbitral des plus contestables. L’affaire "Tapie" n’avait que trop duré ? Mais il en est de même pour tout scandale financier de cette importance. Alors pourquoi Monsieur Tapie aurait-il été traité d’une autre manière.  

 

Naïf pujadas ?


C’est aussi cette France en crise qui n’accepte pas que l’on ait pu débourser sur les deniers publics 402 millions d’euros, destinés en partie  à couvrir la dette fiscale de l’homme d’affaire. L’autre partie, tout aussi généreuse lui aura permis de rebâtir en un coup de mains l’empire qu’il avait exhibé avec indécence pendant des dizaines d’années.

Mais le plus grave dans l’affaire n’est pas la démonstration de force de Bernard Tapie, qui, en soi, n’a surpris personne. Le plus grave, c’est que David Pujadas ait accepté de l’invité. Accepté de lui offrir une tribune unique pensant que sa pugnacité suffirait à le faire trébucher.

Naïf Pujadas.

 

tapie-copie-1.jpg

Que s’est-il passé hier soir ? Tapie a décliné ce qu’il sait le mieux faire : l’homme traqué qui doit se défendre. La victime sommé de clamer son innocence : un rôle sur mesure qui lui permet de sortir, tel le prestidigitateur la faute d’orthographe sur "Estoupe" qui le disculpe. Hercule Poirot est invoqué sur le plateau du JT…

Ceux qui sont persuadés qu’il n’est pas victime du "complot" qu’il dénonce en seront pour leurs frais. Ceux pour qui le mot complot déclenche des élans d’empathie seront plus déterminés que jamais pour le croire comme la victime. Et c’est là que le bât de Pujadas blesse : ce sont les mêmes qui, lors de la législative partielle, aurait malgré tout voté Cahuzac, et qui l’ont même fait pour certains puisqu’on a retrouvé des bulletins portant son nom durant le dépouillement.

 

Cachez ce manipulateur que je ne saurais voir


Quoi que dise Tapie, quoi que la Justice démontre ou décide, quelle que soit les preuves accablantes que l’on pourra détenir, le charme (au sens étymologique) de cet homme consiste à trouver le moyen infaillible de paraître plus blanc que blanc auprès d’une partie de la population. C’est ainsi. Et sans doute la meilleure des choses à faire est de ne surtout pas lui donner la chance de s’expliquer sur un 20 heure devant une telle audience acquise à sa cause.

Certains crieront au déni de démocratie : ils ont tort. Tapie peut parfaitement s’exprimer et il le fait : il a publié un livre et a même ouvert un site internet pour se disculper. Il répondre aussi aux juges. Preuve qu’en démocratie on peut parfaitement s’exprimer librement : et Tapie sait mieux que quiconque en utiliser tous les arcanes. Il n’y avait nul besoin donc de rajouter un 20h sur France 2. Nul besoin. 

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26 décembre 2012 3 26 /12 /décembre /2012 16:14

Grotesque celui qui pourra m’accuser d’être parti pris dans l’affaire de la semaine concernant "Charlie Hebdo". J’ai toujours pris fait et cause pour le journal, et ce dès la publication des premières caricatures de Mahomet en 2006, jusqu’à celle de l’attentat de novembre 2011 suite à "Charia Hebdo" en passant par celles de "Intouchables 2". Et ceux qui, d’une mauvaise foi guidée parfois par une inculture crasse, reprochaient à l’hebdo de ne viser que l’islam, Monseigneur Vingt-Trois et sa sortie inqualifiable dans le débat sur le mariage pour tous leur permit de se rappeler au bon souvenir de chacun qu’ils s’attaquaient aux intégristes de tous poils. Tous.

 

Le droit de caricaturer

 

Le blasphème est permis en France depuis la Révolution française, à l’exception notable de l’Alsace-Moselle, au nom d’un concordat auquel il faudra tôt ou tard tordre le cou, car on ne peut souffrir de tels écarts quand on se veut aussi rigoureux avec la laïcité, à moins de ne rentrer dans l’argument préféré des intégristes, le "deux poids deux mesures".

Et comme je le disais, la caricature est même un devoir quand les revendications communautaristes perturbent le jeu, comme celles qui consistent à vouloir revenir sur les lois concernant les signes ostentatoires à l’école, qui figurent dans les doléances du sulfureux CCIF, ou encore quand les catholiques extrémistes outrepassent leur droit de parole pour se faire plus pressant et interférer dans les lois de la République comme dans l’affaire du mariage pour tous.

 

sine-.jpg

La fonction de "Charlie Hebdo" est de caricaturer et de puiser sa force dans l’actualité. Il est vain de lui reprocher de vendre davantage de papier quand leur plume fait polémique. Cela reviendrait à nier une évidence de fait.

Pour autant, la une de cette semaine fait-elle partie des caricatures ?

 

Val-Siné, un duel d'un autre temps

 

Difficile de comprendre pour celui qui n’a pas suivi l’affaire de "Charlie Hebdo" et de Siné datant de 2008. Un autre temps, puisqu’à l’époque c’est Philippe Val qui était rédacteur en chef, avant qu’il ne soit nommé à la direction de Radio France…

En juillet 2008, l’affaire du scooter du fils du président fait la "une" de l’actualité alors que Nicolas Sarkozy semble avoir usé des moyens de la République pour retrouver le responsable du larcin. Dans l’élan, Siné signe un édito qui va faire couler encore plus d’encre. Rappelant l’affaire, il explique ainsi :

"Le Parquet a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n'est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit !"

En réalité, la polémique ne naît pas dès la sortie du journal mais fait son chemin quand Claude Askolovitch dénonce sur RTL "un article antisémite dans un journal antisémite". Siné est sur le point de publier une lettre d’excuse quand il découvre que Val était sur le point de publier un texte où il lâchait Siné et qu’il essayait de faire signer par toute la rédaction de "Charlie Hebdo". Siné revient sur son intention et décide de ne rien publier du tout.  

La grande question qui met en émoi tout Paris est de savoir si les allusions de Siné sont antisémites ou non. Parce qu’à relire l’édito, l’attaque semble davantage autant porter sur l’opportunisme et l’arrivisme du jeune Sarkozy bien plus que sur les éternels clichés des relations entre les Juifs et l’argent. Si bien que beaucoup estiment que cette affaire est au moins autant due à une atmosphère délétère qui régnait dans la rédaction de "Charlie Hebdo" qu’à la portée réellement antisémite des propos de Siné. Accusation d’autant plus suspecte de la part d’un homme qui appelait la France à reconnaître son rôle dans la Shoah

 

Un petit règlement de compte

 

Toujours est-il que si l’affaire fut portée en justice, ce fut bel et bien pour ses conséquences, à savoir le licenciement abusif de Siné qui a abouti à la condamnation de l’hebdo, confirmé donc en appel cette semaine, avec une augmentation des dommages et intérêts à 90.000 euros.

Si l’affaire revient dans l’actualité judiciaire, quel besoin était pour "Charlie Hebdo" d’en faire sa une ? Au nom de quelle actualité qui intéresse tous les Français ? Et surtout au nom de quels combats de "Charlie Hebdo" ?

La publication légale du communiqué judiciaire sommant la condamnation de l’hebdo est ici détournée par un dessin qui ressemble davantage à un règlement de compte, avec une attaque ad hominem à peine dissimulée, entre la perfusion de champagne et le "Santé" souhaité avec ironie.

Car nulle caricature ne pourra tordre la réalité : non, Siné n’a clairement pas tenu des propos antisémites, sinon à en voir partout de facto. Oui, Val a clairement mal géré la situation, d’autant qu’étant directeur de la publication de l’époque, il est au moins autant responsable que Siné de la publication de l’édito, et qu’il n’y avait aucune raison que l’un paye et l’autre non. Oui, Siné avait le droit de porter plainte comme l’aurait fait tout salarié victime d’une injustice, d’autant que son licenciement fut public et qu’à jamais le nom de Siné sera associé à l’antisémitisme. Calomniez, il en restera toujours quelque chose.

Et puis surtout, quel spectacle pathétique que de raviver de la sorte une polémique qui pour beaucoup est celle d’un autre temps, celle du "Charlie" version Val, quand le nouveau "Charlie" tente de se faire une autre identité. Cette prise de position sous la forme d’un règlement de compte n’a rien à faire dans un journal dont la vocation est de faire de l’humour tout en revendiquant certains idéaux. Pas pour panser les plaies de son ego.

Alors que l’hebdo vient d’être assigné en justice pour "incitation à la haine raciale" pour ses publications de septembre, certains hérauts de l’islam de France espérant sans doute rétablir le délit de blasphème, il y avait mieux à faire, mieux à écrire, mieux à dessiner. Assurément. 

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11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 18:06

Étonnante passe d’armes ce dimanche midi, sur le plateau de Laurent Delahousse, dans "13h15, le dimanche". Invités à débattre, Vincent Peillon, ministre de l’Éducation, les deux écrivains Alexandre Jardin et Daniel Picouly ainsi que Nathalie Schuck, journaliste du "Parisien", ils ne laissent pas augurer d’emblée que le moment sera particulièrement excitant, pour ce que l’on connaît d’eux.

delahousse.jpg

Une aimable conversation sur l’actualité semble même se dessiner jusqu’à ce qu’Alexandre Jardin se polissonne, d’abord en expliquant que "Barack Obama baise sa femme" (sic), pour rappeler que l’homme est dans le réel. Loin du factice. Loin de la mise en scène. Loin finalement de Vincent Peillon dont il va s’offrir le scalp, sous le regard amusé de Laurent Delahousse et de sa victime que l’on voit sourire en plan de coupe. Un rire jaune : 

"Juste avant d’entrer sur le plateau, vous étiez follement sympathique, à côté, parce que vous étiez complètement réel. Vous ne parliez pas de la même manière. Et quand tout à coup, je vous ai vu parler de la TVA, en disant ‘Nan, nan, c’est pas la même’, alors que tout le monde en France sait que Hollande a fait campagne pour casser la (hausse de la) TVA, qui était supposé être le truc de Sarkozy."

Et l’écrivain d’invectiver le ministre et le gouvernement dans son ensemble :

"Si vous disiez la vérité : ‘c’est la merde, on a pas le choix ‘ (…) Vous pouvez la dire la vraie vérité. J’adorerais que ce soit vrai, j’adorerais retrouver sur le plateau le mec avec qui j’ai discuté avant, lorsqu’on s’est fait maquiller."

Vincent Peillon est accusé en plein direct d’avoir un double discours, de porter un masque devant les caméras quand il s’épanche de manière plus franche dans les coulisses. Ne pouvant se permettre de faire tomber ce masque, le ministre décide alors dans la précipitation de rester dans "sa" vérité et de garder le cap :

"Je crois que la vérité, c’est comme ça. C’est la précision. Il y a une rigueur qui oblige à dire les choses telles qu’elles sont parce qu’on a une responsabilité particulière. Une TVA qui s’applique en 2014, ce n’est pas une TVA qui s’applique en 2012."

 

Le off dévoilé

 

L’argument est faible. Pour ne pas dire risible. Pris la main dans le pot de confiture, il explique que la tache rouge qu’il a autour de la bouche est une tache de naissance… Sentant le ministre empêtré, l’écrivain en appelle alors à la journaliste présente sur le plateau, la suppliant de dire "ce que les politiques disent en off." Et Nathalie Schuck du "Parisien" ne se laisse pas plus longuement prier :

"En gros quand vous discutez aujourd’hui avec Jean-Marc Ayrault ou même François Hollande, (ils) vous disent ‘oui et alors, c’était le choix entre la peste et le choléra. Soit on tapait le pouvoir d’achat en 2013, soit on décidait de faire une TVA différée et ça s’appliquait sur 2014.’ Et ils disent ‘oui, on assume. On est des socio-démocrates. On l’assume’."

Ce dialogue à trois est saisissant car rare. Voir accuser un homme politique de tenir un double discours est chose fréquente. Mais le faire confirmer par un journaliste qui révèle alors du off, et ce dans le même instant, c’est assez unique.

 

Subterfuges et omissions

 

Vincent Peillon est ici complètement démasqué et le gouvernement avec lui. Hollande a été élu avec un programme aux promesses généreuses fondées sur des projections de croissance déraisonnables. Il a été confronté, plus vite qu’il ne l’imaginait au réel. Et face à ce réel, qui consiste, en réalité, à une politique d’austérité quand il avait promis la générosité, il prétend ne pas changer de cap, usant et abusant de périphrases ou de subterfuges sémantiques pour tenter de faire avaler à la France des couleuvres. Une situation qui n’est pas sans rappeler l’ère Sarkozy quand il ne fallait surtout pas parler de récession, mais de "récession technique"…

L’écrivain Alexandre Jardin a, lui, trahi la bienséance traditionnelle et rompu avec la déférence que l’on montre habituellement sous les feux des projecteurs à un ministre en fonction. Le moment du maquillage est normalement placé sous le sceau du secret, comme l’avait dévoilé, mais avec davantage de pudeur, Christophe Barbier dans "Maquillage, la politique sans fards".

Pendant que les maquilleuses préparent le masque, les politiques expurgent les dernières traces d’authenticité et de sincérité, à travers des confidences qu’ils savent faire sans micros. L’homme s’estompe au rythme du pinceau qui étale le fond de teint et laisse place au personnage. Public.

La journaliste va, elle, plus loin. Car elle brise la loi du off que sa profession est censée respecter. Pour autant, elle ne viole pas les principes de sa corporation : Alexandre Jardin avait ouvert la voie. Il avait déjà expliqué l’essentiel. Les propos de Nathalie Schuck ne viennent donc que corroborer ce qui a été déjà dévoilé.

 

Le ministre piégé

 

Et voilà comment Vincent Peillon se retrouve finalement complètement piégé dans le dispositif qui n’aurait pas été possible sans la sincérité inattendue d’Alexandre Jardin. La sincérité de l’un fait face aux dissimulations de l’autre. Le bon rôle. D’autant plus, que la position d’Alexandre Jardin fait fi du pragmatisme qui fait que, parfois, la rhétorique doit se substituer au discours de vérité, ce que le ministre explique, bien après... mais trop tard :

"Si vous dites ‘c'est très dur, tout va mal’, il y a aussi par rapport à l’économie ce que l’on appelle l’anticipation et donc il y a un équilibre à trouver. Parce qu’il ne faut pas décourager les gens non plus. L’économie c’est à la fois une forme de rigueur, ce qui a été fait, et en même temps, il faut mettre de l’optimisme, de l’espérance et pas dire ‘on va mettre la clef sous la porte’. Sinon vous découragez tout le monde."

En d’autres termes, un discours de vérité peut flatter la confiance que l’on accorde à son peuple. Mais elle peut aussi inquiéter, et notamment ceux qui, chaque semaine, sans discontinuer, nous prêtent 8 milliards pour vivre. Sans confiance, il n’y a plus de prêt (ou alors avec des intérêts impossibles). Et sans prêt, la France ne peut plus payer ses fonctionnaires, ses allocations, son service de santé… Une banqueroute assurée.

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Vincent Peillon, ministre de l'Éducation nationale, le 11 octobre 2012 (WITT/SIPA)

Las, les explications de Vincent Peillon ne sont pas venues dans la spontanéité de sa première réponse. Et c’est pourtant là que jaillit justement la délicieuse incertitude la politique : un art subtil qui doit tordre la réalité pour faire passer un discours, sans pour autant sombrer dans la manipulation du mensonge. Un travail qui relève de l’équilibriste sémantique et syntaxique.

C’est bien connu, un magicien ne révèle jamais ses tours, et l’on voit aujourd’hui ce qui lui en coûte d’être contraint de le faire.

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14 juillet 2012 6 14 /07 /juillet /2012 09:32

Audrey Pulvar (AFP)

Audrey Pulvar (AFP) 

 

Plusieurs fois évincée, elle travaille à nouveau : où est le problème ?

 

Décidément, quoi qu’il arrive à Audrey Pulvar, les vautours l’attendent au tournant pour fondre sur leur victime et se régaler à grands coups de becs, en gazouillant de plaisir… Après avoir étévilipendée chaque samedi soir pendant l’émission "On n’est pas couché" de Laurent Ruquier, ses questions étant disséquées de manière chirurgicale, du ton jusqu’à la syntaxe pour y distinguer, dans la pénombre des intentions, la patte de son compagnon, écartée d’Itélé, puis de France Inter et finalement de France 2 des antennes où l’on ne lui proposa rien la réservant au placard, Audrey Pulvar va enfin pouvoir travailler à nouveau.

 

Les Inrocks lui ont donc proposé la place de Directrice générale, chargée de l'éditorial. Les commentaires y sont allés avec toute la finesse qui caractérise les internautes réfugiés dans la douce obscurité de leur clavier (pour avoir un aperçu, cliquer ici).

 

Bien évidemment, certains ironisent sur le conflit d’intérêt : 

 

Capture d'écran Twitter Pulvar

Capture d'écran Twitter (source

 

Et pendant que l’on y est, Jean-Pierre Lecoq, maire du VIème arrondissement de Paris y est allé lui aussi de son commentaire, rappelant que la droite avait hurlé aux loups lors de l’interview de Jean-François Copé chez Ruquier : "Espérons que ‪#Montebourg‬ soit aussi efficace pour recaser les salariés de ‪#PSA‬ qu'il l'a fait pour sa compagne Audrey Pulvar..."

 

Capture d'écran Twitter Pulvar

Capture d'écran Twitter (source

 

"Le Figaro" a également fait dans la finesse avec ce titre : "Audrey Pulvar se recycle aux Inrockuptibles", sans que personne ne songe à lui demander si cette mauvaise foi, ne serait pas, elle aussi, guidée par une plume un peu trop droitière, et peu objective. Il faut dire qu’il y a bien longtemps que "Le Figaro", lui, s’est recyclé en bulletin paroissial neuilléen, et il n’est pas bien sûr que le départ d’Etienne Mougeotte change quoi que ce soit à l’affaire.

 

Des soupçons sans fondement, si on y regarde de près

 

La rengaine autour des activités d’Audrey Pulvar a quelque chose d’épuisant. De quoi la soupçonne-t-on au juste (quand certains ne l’accusent pas directement) ?  De conflit d’intérêt ? C’est le leitmotiv de certains depuis plus d’un an. Alors sans doute faut-il rappeler en quoi la carrière d’Audrey Pulvar, même depuis qu’elle a officialisé sa relation avec Arnaud Montebourg et depuis que ce dernier a postulé puis obtenu un rôle majeur au sein de l’Etat, ne ressemble en rien à un conflit d’intérêt.

 

Pour débuter, un conflit d’intérêt résulterait d’un "placement" d’Audrey Pulvar de la part de son compagnon. Or, si l’on y regarde de plus près, depuis qu’Arnaud Montebourg a été nommé Ministre, et même depuis qu’il exerce un rôle politique majeur, force est de constater que c’est bien l’inverse qui s’est produit, puisque la journaliste a tour à tour été amenée à quitter ses postes à Itélé, France Inter et France 2, davantage qu’à en convoiter de nouveaux.

 

Le conflit d’intérêt repose aussi principalement sur la dissimulation d’une position privilégiée. Mais qui ignore qui est Audrey Pulvar ? Tout le monde sait qu’elle partage sa vie avec un homme de gauche. Pas un paragraphe, pas une ligne, que dis-je, pas un mot qu’elle prononce sans qu’il ne soit analysé pour y déceler une rhétorique et une sémantique propres à alimenter une propagande de gauche. Il n’y a pas en France, dans le journalisme, parole plus surveillée que la sienne.

 

En quoi représente-t-elle donc un risque de conflit d’intérêt ? Une trop grande clémence à l’égard de son prétendu camp (puisqu’il est communément admis que l’on pense comme son compagnon et que l’on épouse forcément tous ses combats idéologiques avec un aveuglement total) suffirait à discréditer sa parole et à minimiser son propos : en quoi pourrait-elle donc influencer ou duper qui que ce soit ? Généralement ce sont les commentaires qui entourent sa prose qui suscitent davantage de transports et de questions tant ils parviennent, de manière systématique, à recouvrir l’écho premier. D’où la question : qui est finalement le plus influent dans l’histoire ? Le discours ou son commentaire ?

 

Audrey Pulvar, ni une menace ni un imposteur

 

Et puis surtout, on semble oublier que le patron des Inrocks n’est autre que Matthieu Pigasse, celui que l’on affuble d’un affligeant sobriquet qui fleure bon le crétinisme bipartite : "le banquier de gauche" comme si l’expression relevait d’un oxymore.

 

L’homme est même accusé de menacer le pluralisme des médias français, un crime imaginaire tant cette boulimie ne ferait qu’équilibrer une presse qui de Lagardère et Dassault en passant par Bouygues n’a rien d’une armée socialiste… Quoi qu’il en soit, Pigasse avait clairement pris position pour François Hollande, plaçant par conséquence les Inrocks plutôt à gauche en termes de ligne éditoriale.

 

En quoi l’arrivée d’Audrey Pulvar change-t-elle la donne ? A-t-on reproché aux Inrocks sa ligne lors de la présidentielle ? Peut-on reprocher à Marianne d’avoir œuvré contre Nicolas Sarkozy ? A l’inverse, les Echos et le Figaro d’en avoir fait un traitement enamouré ? Tant qu’il y aura cette diversité et cette offre pléthorique, les presses engagées ne menacent pas la démocratie. Bien au contraire elles y participent.

 

A la vérité, le parcours d’Audrey Pulvar ne semble agacer surtout que la classe journalistique elle-même. A l’image d’Eric Zemmour qui semble faire de son cas une affaire personnelle après qu’elle a été choisie avec Natacha Polony pour remplacer son duo avec Naulleau chez Ruquier.

 

Capture d'écran Twitter Pulvar

Capture d'écran Twitter (source

 

Zemmour reste encore persuadé que la voix conservatrice est censurée et sous-représentée dans les médias. Certes, on continue de voir une presse ancrée davantage à gauche. Mais quand on voit pourtant comment les discours de Zemmour, de Ménard ou encore d’Elisabeth Lévy ont pullulé sur les médias depuis quelques mois, à des places on ne peut plus stratégiques, on peut légitimement estimer que ce positionnement sent tout de même quelque peu la mauvaise foi. 

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14 mai 2012 1 14 /05 /mai /2012 09:04

Franz-Olivier Giesbert, le 18 janvier 2012 - Paris (BALTEL/SIPA)

Franz-Olivier Giesbert, le 18 janvier 2012 - Paris (BALTEL/SIPA) 

 

Les samedis soirs sentent ont souvent une odeur du soufre. Bien qu’étant une émission de divertissement, les plateaux de l'émission "On n’est pas couché" ont souvent accouché de moments tendus, que le prisme télévisuel sublime pour offrir un objet rare et fascinant, mélange confus de spectacle et de vérité.

 

L'émission reprend son rythme de croisière... Ou pas

 

Et le spectateur de ressentir cette sensation étrange et ambivalente, de honte et de plaisir non dissimulé. Et la page politique est bien évidemment souvent propice à la chose, avec en point d’orgue cette année, les débuts calamiteux de Philippe Poutou, la venue survendue de Marine Le Pen ou bien encore les prétendus conflits d’intérêts d’Audrey Pulvar, quand ceux qui en parlent le plus devraient s’interroger sur leur fascination pour la question.

 

Ce samedi 12 mai, la campagne présidentielle ayant rendu son verdict, l’émission reprit donc son rythme habituel, dénouant les langues bridées par les règles du CSA.

 

Enfin pas tout à fait, puisque les trois femmes qui se succédèrent, à savoir Rachida Dati pour l’UMP, Marielle de Sarnez pour le Modem et Clémentine Autain pour le Front de gauche (quelle pluralité dans la représentation, avec la droite, la gauche et le centre…) furent contraintes de répondre en fonction d’un temps de parole, déterminé selon les règles incompréhensibles d’équité : ainsi, l’ancienne garde des Sceaux eut 20 minutes de temps de parole et les deux autres la moitié. Dans ces conditions, et comme ce fut le cas durant la présidentielle, il ne fallait guère s’attendre à la moindre pépite ou révélation.

 

En comparaison, la présence de Franz-Olivier Giesbert sonnait comme une promesse. Ne serait-ce que parce que si 2012 a accouché d’une campagne assez médiocre en ce qui concerne la qualité des débats politiques et leur contenu, force est de constater qu’elle aura mis ce journaliste au CV impressionnant sur le devant de la scène, grâce à un franc parler, et disons-le même une certaine crudité dans le propos qui a pu séduire, amuser ou franchement irriter. La certitude de ne laisser donc personne indifférent.

 

 

Franz-Olivier Giesbert, symbole d'une presse muselée ?

 

Mais ce n’est pas tant sur ses formules, qui sont autant de perles qu’il enfile en colliers, que celui que l’on nomme familièrement "FOG" fut remarqué sur le plateau de Ruquier samedi. C’est plutôt à propos de son livre, "Carnet de campagne" que la polémique est née. Car polémique il y a eu, et débat il y aura nécessairement. Et pas seulement autour de la personne de Franz-Olivier Giesbert, mais sur la profession de journalisme en elle-même. Avec pour enjeu la liberté de la presse. Oui, rien que cela.

 

Giesbert Clash Pulvar & Polony [Litte] Ruquier... par peanutsie

 

La séquence est assez terrifiante pour le spectateur assez naïf pour croire encore que les journalistes sont libres de tout en France. Et quand on sait que le degré de la liberté de la presse est le corollaire d’une démocratie salubre, il y a de quoi frémir en effet.

 

Dans ce passage, ce n’est pas tant l’extrait vidéo proposé par Nicolas Sarkozy qui peut choquer : comme l’explique par la suite assez justement FOG, on ne peut imputer la bassesse du chantage qu’opère Edouard Balladur (à savoir le chantage autour du silence sur sa vie amoureuse tumultueuse en échange d’une campagne digne d’une Pravda de droite au "Figaro") à Nicolas Sarkozy, et ce même si ce dernier faisait partie de l’équipe de campagne. Mais ce sont toutes les révélations qu’il y a autour qui impressionnent.

 

Tout d’abord, FOG lance que, président, Nicolas Sarkozy a "menacé les patrons des journaux" pour lesquels il travaillait, précisant que c’était public. Et FOG d’oublier que si des informations peuvent circuler chez les initiés, elles n’en sont pas pour autant notoires auprès du grand public.

 

Puis il ajoute qu’il trouve "normal" qu’un homme politique mécontent de son sort "l’engueule". Un sentiment qui, fort logiquement, choque Laurent Ruquier, qui s’en émeut et affirme que lui ne trouve pas cela normal.

 

Et FOG de se justifier en disant que les journalistes disent parfois des "choses épouvantables". Audrey Pulvar lance une piste, que malheureusement elle n’exploitera pas. Dommage : "Vous écrivez des choses fausses ?" La question restera sans réponse.

 

Car il est une chose qu’il faudrait éclaircir : soit le journaliste dit des choses vraies, et qu’elles soient épouvantables ou non, peu importe sachant que seule la vérité doit guider sa plume. Soit il dit des choses fausses, et auquel cas, il est légitime qu’il soit réprimé. Et pas seulement par sa victime, qui plus est.

 

L'information "épouvantable", un faux baromètre pour le journaliste

 

Le caractère "épouvantable" d’une information n’a pas à guider la conscience d’un journaliste :seule la vérité le peut et le doit. Comme dans le récit de l’homme qui porte le miroir chez Stendhal dans le prologue de son roman "Le Rouge et le noir", ce n’est pas le miroir qui faut blâmer, mais le chemin boueux où stagne la fange.

 

Par la suite, une révélation faite dans son livre, inspire la même méfiance sur la liberté de ce journaliste quand il explique qu’avant de recevoir Nicolas Sarkozy dans "Des paroles et des actes", il reçoit un appel de François Pinault (sic !) pour lui demander de se calmer un peu avant d’interroger le président candidat.

 

Et lui de répondre : "Je n’ai pas l’habitude de tirer sur un corbillard." Au nom de quoi un grand industriel, actionnaire de presse, vient-il mettre son grain de sel dans la manière d’interroger un candidat à l’élection présidentielle dans une émission diffusée sur le service public ? L’inceste entre la sphère et médiatique est exposé en toute impudeur au citoyen, comme un spectacle décadent dont il faut s’enorgueillir pour vendre qui plus est un livre ?

 

Comment ne pas être écoeuré, dégoûté même ? Et que dire de FOG qui sous-entend qu’il aurait donc pris en compte le fait que le Président-candidat était diagnostiqué comme perdant pour l’épargner dans son questionnement. N’y a-t-il pas là un déballage répugnant qui fait honte à notre République ?

 

L'inceste entre presse, industriels et politiques : il faut que ça cesse

 

Un épisode qui n’est pas sans rappeler l’affaire des caricatures de Mahomet quand Denis Jeambar, alors patron de "l’Express" avait publié les fameuses caricatures danoises et que Serge Dassault, alors actionnaire de l’hebdo, avait tenté de l’en empêcher la veille de la publication, comme il le confia dans le film retraçant le procès contre "Charlie Hebdo", "C’est dur d’être aimé par des cons" (de 4'40 à 7'40):

 

c'est dur d'être aimé par des cons 1 par hystsampeace

 

La France va-t-elle longtemps s’abimer dans ces relations incestueuses entre les grands Industriels, la presse et la politique ? N’y a –t-il pas nécessité à faire de la moralisation de la vie publique une priorité, ce que seul François Bayrou proposait, je le rappelle, lors de la campagne présidentielle ? Une proposition que François Hollande a déclaré vouloir prendre en compte dans son action. Une information rassurante, surtout quand on sait, qu’en contrepartie, d’autres titres de la presse rivalisent de manichéisme pour tenter de rétablir un équilibre.

 

Mais quel équilibre y a-t-il quand, au nom de la vérité, on confronte une caricature à une autre caricature ?  

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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 19:46

C’est toujours consternant de voir l’acharnement dont certains font preuve chaque week-end à l’égard d’Audrey Pulvar. Bruno Roger-Petit fait partie de ceux-là, lui qui scrute la journaliste pour persiffler, tant et encore. Pensez donc, depuis l’arrivée d’Audrey sur "On n’est pas couché", il lui a consacré au moins cinq de ses articles (presque une émission sur deux), sans compter les remarques et autres piques envoyées ici ou là.

 

La journaliste Audrey Pulvar présentait, le 31 janvier 2011 à Paris, sa nouvelle émission sur i-Télé,

Audrey Pulvar présentait, le 31 janvier 2011 à Paris, son émission sur i-Télé, "Arrêt sur Info" (L.VENANCE /AFP)

 

On en arrive même à croire qu’il pourrait écrire ses articles en avance… D’ailleurs, à lire sa dernière sortie, c'est tout comme :

 

"Un 'prébuzz' : à savoir se scandaliser du comportement de Stéphane Guillon avant même la diffusion de l'émission. Une grande première. Donc, hier soir, le téléspectateur, calé devant sa télévision, attendit longtemps le grand moment du samedi soir de la semaine : l'horrible agression politico-sexiste d'Audrey Pulvar par Stéphane Guillon."

 

Et bien évidemment, suite à la diffusion dudit extrait, la sentence, toujours à l’identique : il y a conflit d’intérêts ! C’est d’ailleurs tellement symptomatique, pour ne pas dire pavlovien, que ceux qui ont consulté la une du Plus dimanche après-midi ont pu constater que le titre avait changé, la première mouture comportant la mention "conflit d’intérêts"… Manque de neutralité ? Non, vous croyez ?

 

La vérité est tout de même un peu moins "évidente" que cela. Mais, après tout, me diriez-vous, qu’est-ce que tout cela a d’important ? Il ne s’agit que d’une émission grand public, d’un comique… Pas de quoi fouetter un chat. À vrai dire, la séquence n’aurait jamais dû en effet quitter le domaine du divertissement.

 

Le problème, c’est que c’est Guillon lui-même qui a tenu à glisser vers le politique et l’éthique. C’est lui qui a opéré le changement de sphère. Et quelle sphère ! Dans un contexte où, semaine après semaine, Audrey Pulvar est montrée du doigt comme le vilain petit canard… La question éthique du journalisme est trop importante pour la réduire à un trivial, pour ne pas dire vulgaire, "qui couche avec qui".

 

Alors "Où est le problème ?", demande en titre Bruno Roger-Petit.

 

Le premier problème, c’est la digression de Guillon. Mis en question sur son spectacle en DVD, et notamment sur le fait que sa prestation était inégale, et qu’elle pouvait – ne vous en déplaise, Monsieur Guillon – susciter quelques réserves, Guillon a choisi d’attaquer son contradicteur et plus précisément sa vie intime. Classe.

 

Stéphane Guillon, humoriste et acteur français, le 15 novembre 2010 (BALTEL/SIPA)

Stéphane Guillon, le 15 novembre 2010 (BALTEL/SIPA)

 

Quand on est artiste, il faut accepter que l’on puisse ne pas faire l’unanimité. Et si l’on est trop susceptible, sans doute faut-il éviter ce genre d’émission. Encore faudrait-il ne pas avoir la mémoire courte et se rappeler qu’au temps des deux Éric, la critique relevait davantage de l’exercice de style, le plus caustique ou le plus cynique l’emportant. Les critiques de Natacha Polony et d’Audrey Pulvar sont autrement plus équilibrées. Et PPDA, présent sur le plateau, était même venu au secours de la première quand Maître Guillon s’était déjà offusqué qu’il puisse y avoir une once de nuance dans le panégyrique qu’il estimait incontournable pour venir orner sa prestation.

 

Alors, au lieu de répondre aux nuances, au lieu de dire tout simplement qu’il n’était pas d’accord, mais que c’était une position comme une autre, ou, encore mieux, au lieu de se taire, lui qui avait déjà fait une promotion largement plébiscitée par un Laurent Ruquier en pâmoison, Stéphane Guillon a choisi de faire un sketch imitant Arnaud Montebourg. Un peu comme, à l’époque, Isabelle Mergault avait empêché Éric Naulleau de parler sur le plateau.

 

 

Une belle manière de ne pas affronter ses détracteurs. Et le syndrome reconnaissable entre tous de celui qui a, oserais-je le dire, pris quelque peu la grosse tête.

 

Mais enfin, a-t-on le droit d’estimer que Stéphane Guillon en fait trop et qu’il n’est pas toujours drôle ? A-t-on encore le droit d’estimer que, chez lui, la limite entre la finesse et le féroce ou celle entre le subtilement exquis et le douteux n’est pas définie ? A-t-on le droit aussi de penser que son débarquement de France Inter, aussi polémique soit-il, ne remet pas foncièrement en question la liberté de la parole en France, et ce d'autant qu'il a parcouru tous les plateaux de télévision pour assurer la promotion de son DVD ?

 

Mais le plus grave dans tout cela, c’est encore une fois la manière dont Guillon a choisi de contourner la critique. Cette manière assassine d’appuyer là où ça fait mal. Et, de ce point de vue, rappelons tout de même les quelque lignes esquissées par Bruno Roger-Petit à ce endroit :

 

"Le téléspectateur engagé et citoyen n'est pas dupe de la dimension politique de l'affaire. Stéphane Guillon a mis le doigt là où cela fait mal. Point. Derrière le rire se cachait la politique et ses luttes d'influences dans les médias, et il savait très bien ce qu'il faisait."

 

Et après il écrira : "Où est le problème ?"

 

Mais le problème est pourtant bien là, Monsieur Roger-Petit ! Il était dans le fait que Guillon ne se contentait pas d’une simple boutade. Il a clairement exprimé un parti-pris dans la polémique en cours sur le statut de journaliste d’Audrey Pulvar. Celui qui consiste à dire qu’elle est la "femme de", qu’elle n’a aucun autre rôle que celui d’illustrer les combats politiques de "sa famille", qu’elle est en conflit d’intérêts. La même thèse que défend en somme, semaine après semaine, Bruno Roger-Petit.

 

Et ce ne fut guère surprenant de voir M. Guillon se réjouir de la prose de Bruno Roger-Petit.

 

Tweet de Stéphane Guillon, le 19 décembre 2011 (capture d'écran)

Tweet de Stéphane Guillon, le 19 décembre 2011 (capture d'écran) 

 

Monsieur Roger-Petit, les rieurs sont de votre côté. Seulement, cet acharnement méthodique envers Audrey Pulvar n’a que trop duré. Et comme vous n’êtes pas le seul, je n’irais pas jusqu’à dire quel conflit d’intérêts vous anime, vous qui avez pris fait et cause pour François Hollande.

 

Il faudrait tout de même arrêter ce petit jeu malsain autour de la présence d’Audrey Pulvar dans l’émission de Ruquier, et plus généralement dans ses interventions, quand elles touchent, de près ou de loin, le monde politique. Alors qu’elle joue le jeu de la vérité, elle, en ne cachant pas ses relations avec ce cadre socialiste (tous les journalistes sont-ils sur la même ligne éthique, que la relation soit amicale ou amoureuse, donc de facto privilégiée ?), on ne cesse de remettre en question la moindre de ses questions, la moindre de ses analyses, la ramenant sans cesse à sa vie privée.

 

Pourtant, qui ignore aujourd’hui qu’Audrey Pulvar est avec Arnaud Montebourg ? Où est la duperie quand le citoyen sait à quoi s’en tenir ? Audrey Pulvar doit-elle se résigner à arrêter le journalisme parce que son travail sera toujours observé sous le regard déformant, pour ne pas dire voyeur, de ceux qui confondent vie privée et vie publique ?

 

Encore une fois, croire que l’on manipule parce que l’on informe avec un peu de ses convictions, c’est insulter l’intelligence du peuple. C’est croire qu’il avale sans réfléchir tout ce qu’on lui dit. C’est prétendre qu’il est incapable de faire la part des choses !

 

Audrey Pulvar doit pouvoir faire son métier sans qu’on lui mette sans répit sous le nez sa relation amoureuse. Sans que l’on puisse systématiquement la soupçonner de céder au conflit d’intérêts. Car où est le conflit d’intérêts quand on vient faire la critique d’un spectacle d’un comédien ? Où est le conflit d’intérêts quand, engagée pour représenter la "fibre de gauche" de l’émission, on se confronte à un Laurent Wauquiez venu opposer les pauvres aux plus pauvrespour savoir qui hériterait d’un logement social ?

 

Le vrai conflit d’intérêts, et le seul qui existe en France, n’est-il pas plutôt que les grands industriels que sont Bouygues, Dassault, Lagardère et Bolloré détiennent les grandes arcanes de la presse et de l’information de notre pays, davantage que dans la mise en scène stérile d’un bout de vie d’une journaliste ?

 

Audrey Pulvar et Arnaud Montebourg, au soir du premier tour de la primaire socialiste, le 9 octobre 2011, à la Bellevilloise, Paris (T.COEX/AFP)

Audrey Pulvar et Arnaud Montebourg, au soir du premier tour de la primaire socialiste, 9 octobre 2011, Paris (T.COEX/AFP)

 

Mais encore plus grave : cette société serait-elle à ce point résolue à sa dimension la plus patriarcale pour ramener sans cesse la femme à son mari, la femme journaliste à la femme politique, Audrey Pulvar au seul Arnaud Montebourg ?

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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 19:45

Nous croyions en avoir presque terminé. Presque, car personne n’était à l’abri de découvrir une nouvelle affaire, une nouvelle plainte, un nouveau capharnaüm en perspective. D-S-K : trois lettres qui auront clairement marqué l’année 2011. De la plus sombre des manières. Être porté aux nues avant de tomber dans les abîmes de l’indécence, du libidineux, du salace, quelle ironie du sort.

 

Anne Sinclair DSK 4-09-11 / Michel Euler/AP/SIPA

Anne Sinclair DSK 4-09-11 / Michel Euler/AP/SIPA

 

On peut comprendre la fascination face à cette descente abyssale aux enfers.

 

On peut comprendre le temps qu’il fallut à tous pour prendre conscience de l’ampleur de la chute et des répercutions légitimes qui en découleraient.

 

On peut enfin comprendre que le retour, puisque retour il y eut, puisse engendrer la curiosité.

 

Mais cette fois-ci, comment ne pas avoir la nausée ?

 

Lundi, tous les projecteurs étaient tournés vers Pékin, où DSK était convié à s’exprimer en sa qualité d’économiste. Pas un média ne nous épargna les images et surtout les commentaires, n’omettant surtout pas de nous montrer LA question sur "l’affaire" (même si le singulier parait inopportun), finalement la seule qui leur importait.

 

DSK en Chine Vidéo snoopyves1 sélectionnée dans Actualité

"Enfin là où les journalistes ont échoué…", entend-on à propos de la moindre allusion à la vie personnelle de l’ancien favori à la course présidentielle. Comme si là était l’objectif même de la présence de la presse française en Chine pour couvrir cet "événement" !

 

Les citoyens sont devenus des voyeurs et les médias, des proxénètes. On fait déambuler DSK, devenu escort inusable de l’actualité. Récapitulons : l’arrestation à New-York, la thèse du complot, les menottes, l’emprisonnement, l’attente du procès, les preuves, le témoignage de Nafissatou Diallo, l’analyse gestuelle de la plaignante lors de l’interview, les failles de l’affaire. Et lerebondissement, l’acquittement au pénal, le retour en France, l’affaire Banon, la convocation, l’abandon de l’affaire française pour prescription, l’affaire Carlton, la convocation à la police, la Chine…

 

Information ou voyeurisme ?

 

On a souvent été circonspect de ce côté de l’Atlantique face au traitement médiatique de ces icônes qui ont fini devant la cour de Justice américaine, caméra aux poings, d’OJ Simpson à Mickaël Jackson, mais force est de constater que la France a vite, trop vite, rattrapé son retard en la matière.

 

Et l’on s’étonnera ensuite que les Français aient choisi Anne Sinclair pour incarner la personnalité féminine de l’année ? Mais où est l’information dans ce voyeurisme constant ? Aujourd’hui, des cours d’école surgissent des mots et des récits qui n’étaient audibles qu’en version cryptée les premiers samedis du mois seulement… Et "DSK" devient le sobriquet à la mode qui fait rire tout le monde quand la cloche sonne.

 

Car le sujet est omniprésent et incontournable : Eva Joly, venue parler de son projet pour 2012 chez Christophe Barbier, est sommée de commenter les résultats du sondage consacrant Anne Sinclair ; Michel Sapin, porte-parole de François Hollande, de commenter le ménage de l’ancien Directeur du FMI sur "Itélé", quand, pendant des mois, l’on questionna les cadres du PS sur le retour éventuel de DSK dans la politique… Mais pourquoi répondent-ils ?

 

Trop de commentaires !

 

Pourquoi ne pas se taire, proposer le silence devant ce spectacle consternant ? Ne rien dire, dévisager des yeux l’impudent, et attendre une question de fond. La grève des réponses quand le scabreux vient s’inviter en pique-assiette dans l’information.


Polluer de la sorte les débats, qui se font rares sur les divergences de programmes et d’orientations pour la France, à l’heure où la crise menace les fondements mêmes de l’Europe, c’est prostituer les arcanes de la démocratie.

 

Le rôle des médias d’information n’est pas de faire de l’audience. Leur but n’est pas de flatter le voyeurisme devenu monnaie courante dans cette société. Leur finalité n’est pas d’exploiter les destins. Les proxénètes de l’info doivent arrêter leur trafic. Et les clients se raisonner. Ça suffit.

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17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 19:06

Daniel Schneidermann, qu’êtes-vous donc devenu ? Je ne m’adresse pas au journaliste qui tient actuellement la boutique de son site d’Arrêt sur images, au spameur qui inonde régulièrement les boîtes mail de ceux qui, comme moi, ont fini par le délaisser, pour leur demander de se réabonner, ni même à celui qui endossa le rôle d'écrivain quand, l’année dernière, avec votre équipe, vous avez publié "Crise au Sarkozistan".

 

Photo du journaliste Daniel Schneidermann prise le 02 octobre 2003 à Paris sur le plateau de l'émission littéraire

Daniel Schneidermann sur le plateau de l'émission "Campus" sur France 2 , le 02 octobre 2003 à Paris (M.BUREAU/AFP)

 

Non. Je m’adresse à celui qui avait éveillé notre conscience médiatique, celui qui faisait chatoyer nos dimanches midis, avec une émission qui était devenue au fil du temps le fruit défendu qui avait fait tomber notre cécité. Votre impertinence et vos chroniqueurs, de David Abiker à Judith Bernard, sans oublier Maja Neskovic, jouaient aux serpents pour nous faire déguster l’arbre de la connaissance du jeu médiatique, un jeu où la rhétorique l’emporte sur la sagesse et les devoirs.

 

Chaque dimanche était jour de fête. Combien de jeunes citoyens avez-vous formé et éduqué à l’image ? Je ne le sais. Mais j’en fais partie. Assurément.

 

Oui, qu’est-il devenu ce Daniel Schneidermann qui fut si injustement retiré de l’antenne de France 5 pour avoir décliné à l’envi la liberté de ton, si enviée mais si redoutée aussi. Un destin tragique qui m’avait ému, alors que la rédaction d’Evene.fr m’avait offert un petit stage dans ses murs, quand elle était, elle aussi, une petite structure fraîche et florissante, avant de se métamorphoseren appartements raviolis du "Figaro"

 

Je ne vous reconnais plus.

 

J’avais déjà été déçu, ô combien déçu de l’opus "Crise au Sarkozistan", dont vous aviez organisé la sortie avec un teasing digne des plus mercantiles publicistes, avec un décompte et une précommande durant tout le mois de novembre. Quitte à sortir les bonnes recettes des plus efficaces camelots : un livre offert pour trois achetés !

 

On vous pardonna ces allures cavalières : vous n’aviez point de grand éditeur pour vous soutenir et il fallut faire avec les moyens du bord.  Un beau succès tout de même que ce livre écoulé à 15.000exemplaires en moins d’un mois.

 

Mais formé à votre école, mon regard, pourtant partial et acquis à votre cause, fut assombri par une prose ankylosée de mauvaise foi et de principes auxquels vous nous aviez guère habitué. On nous promit les lettres persanes dès l’incipit – "Ce qui surprend le plus le voyageur revenant au Sarkozistan après de longues années…" –, nous eûmes à peine le droit de goûter à un pastiche coupé au vitriol, imbuvable dans l’analyse. Point d’ironie ici. Une charge sans nuance, un réquisitoire cynique, une attaque brutale, frontale, quand elle n’était pas ad hominem.

 

De la révélation d’un lifting à celui d’implants, le délit de sale gueule n’était même pas loin. Les personnages n’y étaient caricaturés que dans les illustrations. Pour le reste, ils furent d’un sordide réalisme, rendant presque cette prose grossière, dénuée de finesse, au risque de paraître dérisoire. Un crève-cœur quand on apprécie les auteurs. Les oripeaux de la métaphore n’ont jamais constitué pour autant la moindre essence d’ironie…

 

Accident de parcours ? Je voulus bien le croire. Malheureusement, ce livre fut à l’image de ce qui allait suivre sous votre plume.

 

En mars dernier, vous évoquiez le résultat des cantonales, en prétendant que l’information selon laquelle les scores du FN était en progression était de l’intox pure et simple et en regardant les chiffres bruts… Une analyse somme toute un peu courte quand on voit que, si le FN avait en effet perdu 7,41% de voix, dans le même temps, le PS en avait perdu 29,19% et l’UMP 39,6% !

 

Le FN perdait donc beaucoup moins de voix et se trouvait donc sur une dynamique nettement moins ralentie par l’abstention que les deux autres partis traditionnels. Un peu comme à la fin d’un 400 mètres dans lequel les compétiteurs courent moins vite qu’au début, tout en donnant l’impression au finish qu’ils accélèrent, quand en fait ils décélèrent moins que les autres.

 

Or, à lire le billet, on en arrivait à croire que le FN venait d’essuyer un revers électoral. Bien malheureusement, c’est le contraire qui se produisit. De celui qui croyait avoir dégoté un lièvre et qui repartit avec une motte de terre…

 

En juin dernier, vous vous emparâtes du dossier des rumeurs autour de Martine Aubry en vous enprenant violemment à Caroline Fourest. Encore une fois, en faisant parler votre idéologie avant le reste. Une étude sémantique quasi clinique des seules déclarations de l’essayiste, quand ces dernières s’appuyaient sur un livre et plusieurs articles traitant du sujet… que vous qualifiez pourtant de "dossier vide"… À vous croire presque aigri de faire partie des "fouresto-incompatibles" dont il était question dans votre billet.

 

En juillet, c’est un portrait du "Figaro" qui vous fit monter la bile. Un portrait d’Eva Joly, pour être plus précis, que vous dépeigniez alors comme sexiste. Franchement, nous fûmes nombreux à le lire, relire, et re-relire, nous ne vîmes pas cette fois-ci de mauvaise foi si manifeste dans la prose du quotidien de la majorité présidentielle, qui n’est pourtant pas avare en la matière.

 

Pourquoi alors vouloir y voir ce qui n’y était pas, si ce n’est pour faire passer votre idéologie avant l’interprétation rigoureuse des faits ? Car c’est bien de cela dont il s’agit. Chez vous, Daniel Schneidermann, les faits ne viennent pas renforcer ou vérifier l'idéologie ; c'est l'idéologie qui vient lire les faits.

 

Cela peut avoir une incidence dès lors que sa pensée subjective s’acoquine avec les contours de la réalité. Cela devient gênant, et d’autant plus criant dès lors que l’on quitte les côtes de la raison…

 

Et cela se vérifia il y a quelques jours lors de l’affaire de "Charlie Hebdo", quand vous refusâtes de vous apitoyer sur un canard qui avait choisi, selon vous, la facilité et qui sombrait dans la démagogie sans réflexion pour les vrais problèmes sérieux. Comme si s’inquiéter de l’arrivée des islamismes au pouvoir dans les jeunes républiques arabes n’avaient rien de sérieux ! Comme si l’humour ne pouvait être le vecteur décomplexant d’un sujet lourd, très lourd, et tellement plus caricaturé par l’UMP et son pseudo débat sur la laïcité que par une dizaine de dessins au demeurant fort drôles !

 

À force de vous prendre au sérieux, Daniel Schneidermann, vous avez fini par nous ennuyer. Jusqu'à vous fourvoyer. Durablement.

 

Votre art de couper les cheveux en quatre est devenu avec le temps une entreprise de démagogie au service de vos dogmes et de la santé financière de votre site. D’ailleurs, aujourd’hui, @si nous propose la deuxième aventure du Sarkozistan, histoire de remplir un peu la chaussette du Père Noël… Mais cette année, le réveillon, ce sera sans moi.

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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 18:17

Alors autant mettre cartes sur table puisque ces temps sont ceux de la suspicion sur le conflit d’intérêt : je suis militant MoDem, j’ai dit toute la dangerosité et la stérilité de la posture de Montebourg ici-même, et personne dans mon entourage ne brigue le poste suprême.

 

Pourquoi toutes ces précautions ? Mais parce que l’atmosphère est devenue délétère et on fait des faux procès et une chasse aux sorcières quand le mal est ailleurs. Bien plus puissant.

 

Audrey Pulvar et son compagnon Arnaud Montebourg au soir du premier tour de la primaire socialiste, le 9 octobre 2011 (F.DUPUY/SIPA)

 Audrey Pulvar le 31 janvier 2011 sur I-télé (L. VENANCE / AFP)

 

Prenons un des accusateurs, par exemple, et restons même "en famille" sur le Plus : Bruno Roger-Petit. Incroyable culot que celui de notre chroniqueur associé. Le 5 septembre dernier, il reprochait à Pulvar de ne pas incarner suffisamment la gauche, puisque le bipartisme fut versé sans modération dans son biberon Mitterandien.

 

Quelques jours plus tard, il s’offusquait que la Dame soit incisive envers Ségolène Royal quand la Présidente du Poitou fut davantage prise à parti par un jeune, très jeune écrivain. Avant finalement de décréter mardi que Pulvar n’aurait finalement pas dû être engagée par Ruquier tout en distillant que sa position est intenable. Alors pas assez à gauche, puis trop à gauche, trop Montebourg : BRP ne serait-il pas lui-même dans un conflit d’intérêt dans son penchant  pour le candidat Hollande ?

 

Faut-il nécessairement partager la vie de quelqu’un d’engagé pour être victime d’un aveuglement coupable ? Jean-François Copé reprend le refrain. Mais peut-il être pris en exemple quand on sait que chez Copé, la mauvaise foi c’est un métier ? Certains vont même plus loin : un journaliste est-il encore un citoyen comme les autres puisque d’aucuns ont listé ceux qui ont participé à la primaire socialiste afin d’éclairer le citoyen ?

 

Une information tronquée par la vie privée ?

 

Je pense qu’il faut revenir à davantage de raison. C’est urgent. Il serait vain de dire, pour commencer, que ce qui est reproché à Audrey Pulvar, à une femme journaliste engagée avec un homme politique, ne le serait pas à un journaliste homme. Parce que ce serait continuer à argumenter sur le débat du sexisme, quand ce fléau doit disparaître. Il en est de même pour une femme que pour un homme. Laissons de côté les machos revendiqués ou bien ceux qui s’ignorent.

 

La question est de savoir si le discours ou plutôt l’information donnée par un journaliste peut être tronquée par sa vie privée. Assurément. Mais il n’est nul besoin d’être le ou la compagne d’une personne engagée pour manquer d’objectivité. L’âme citoyenne, la conscience du débat politique, sa sensibilité, amalgame complexe fait de l’expérience et de l’éducation, entrent nécessairement en compte. Et alors ?

 

Croire que l’on manipule parce que l’on informe avec un peu de ses convictions c’est insulter l’intelligence du peuple. C’est croire qu’il avale sans réfléchir tout ce qu’on lui dit. C’est prétendre qu’il est incapable de faire la part des choses !

 

Qui détient la vérité absolue ?

 

Mais qu’est-ce qu’une information ? Un énoncé de quelqu’un qui détient la vérité ? Mais personne ne détient la vérité absolue ! L’information est une alchimie complexe, dont la véracité est dépendante de la source. Seul le recoupement peut ainsi faire d’une information la vérité, ou plus exactement un énoncé proche de la vérité.

 

Le citoyen se sent lésé parce qu’il a cru quelqu’un ou quelque chose sans recouper une information ? Mais qu’il fasse son travail de citoyen. Qu’il s’informe. Qu’il recherche !

 

Ce n’est pas rendre au service au citoyen que de prétendre que la démocratie est capable de lui fournir la vérité sur un plateau. La démocratie, l’accès au savoir, la recherche de la vérité demandent un effort. Et quand on accuse certains de donner un angle (car il serait calomnieux de prétendre par exemple qu’Audrey Pulvar donne un point de vue ou une opinion chez Ruquier ou quand elle officiait avec talent sur Itélé !), on se trompe de cible.

 

Car le véritable danger de l’information, ce n’est pas de la connivence présupposée des journalistes avec certains milieux (d’ailleurs, quelle hypocrisie de pointer du doigt "les femmes de" quand on sait que kyrielles de journalistes ont de tous temps complaisamment déjeuné avec les plus puissants, comme le met en scène avec clarté et réalisme La Conquête, quand ils n’ont pas accepté des cadeaux suffisamment somptueux pour ne pas être coupables d’un véritable conflit d’intérêt !)

 

Les industriels, le danger pour la presse

 

Non le véritable danger ce sont les grands industriels, Bouygues, Dassault, Lagardère et Bolloré qui l’incarnent en détenant les arcanes de la presse. Là il y a un danger car leur influence tend à devenir hégémonique et plus grave encore, il existe alors un mélange des genres qui mettent en danger la séparation des pouvoirs, pas seulement celle de Montesquieu, mais celle qui rajoute, modernité oblige, le financier, le médiatique et la gestion de la laïcité à l’exécutif, le législatif et le judiciaire.

 

Faire de "l’affaire Pulvar" un exemple sur le bûcher de l’indépendance journalistique est donc une escroquerie inacceptable. Prenons un peu de hauteur et écoutons un de nos écrivains qui a donné ses lettres de noblesse à notre belle démocratie (adage que reprend d’ailleurs l’hebdomadaireMarianne) : "Le goût de la vérité n'empêche pas de prendre parti". Que ce message soit dit et martelé à toutes celles et tous ceux qui considèrent comme illégitimes toute parole exprimée par un citoyen engagé.

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7 octobre 2011 5 07 /10 /octobre /2011 20:17

C’est incontestablement un des best-sellers de l’été. En tête de gondole de toutes les grandes librairies des grandes villes,Les Intellectuels faussairesde Pascal Boniface cartonne avec 40.000 exemplaires mis en place de son essai, quand la saison est davantage propice aux romans de Marc Lévy ou autre Guillaume Musso. Un succès populaire donc, et qui, à en croire l’auteur est un juste retour des choses :

 

 

Boycotté, Pascal Boniface ? Étonnant. Car un rapide tour sur le net nous montre que, pour un vilain petit canard, Boniface patauge avec assiduité et allégresse dans le bain médiatique : Ruquier, qui n’est pas réputé pour faire baisser les ventes de livres, BFM Business, RMC. Et même sur France Culture qui compte pourtant dans son équipe quelques unes des victimes de son pamphlet. Et encore faut-il ajouter que cette revue de presse est loin d’être exhaustive… D’ailleurs, clin d’œil, devinez qui était invité lundi soir dans le C dans l’air spécial Libye ?

 

 

Il faut dire que Pascal Boniface a organisé sa communication sur le leitmotiv de la victimisation. Dès le 19 mai sur son blog, il annonce la naissance de son livre en y dévoilant une genèse des plus épouvantables : "14 refus d'éditeurs. Oui, vous lisez bien : il y a 14 éditeurs qui ont refusé de publier le manuscrit que je leur avais envoyé sur 'les intellectuels faussaires', ceux qui mentent sciemment au public et pourtant restent les stars des médias."

 

On aurait donc voulu bâillonner celui qui voulait dire la vérité ? Toujours est-il que, c’est fort de cet hymne que Boniface a entamé sa promotion.

 

Son jour du baptême est incontestablement sa prestation, quoique tardive car relayée en fin d’émission, chez Laurent Ruquier dans On n’est pas couchés, où il a été cajolé par les deux Éric aux yeux enamourés, devant celui qui avait osé donner la fessée à ceux qu’ils auraient bien aimé torcher eux-mêmes. Et Boniface savait à qui il avait à faire : Eric Naulleau lui-même en a appelé à la liberté d’expression, dont il s’est dit triste, pour regretter son limogeage de France 2 :

 

 

On le voit, l'objectivité est de mise et le sentiment de vengeance est parfaitement étranger à tout cela... Chez les deux chroniqueurs bien entendu mais pas seulement. Car Pascal Boniface a-t-il été parfaitement honnête dans sa grande tournée des médias, même si à l’entendre, il eut aimé qu’elle soit encore plus grande, à défaut d’être triomphale ?

 

Sa cible favorite : Caroline Fourest

 

Prenons la victime qu’il a préféré torturer lors de ses pérégrinations médiatiques: Caroline Fourest. Ce fut un moyen efficace pour Pascal Boniface de faire d’une pierre deux coups.

 

Caroline Fourest bénéficie, il faut bien le dire, d’une aura et, revers de la médaille, d’une notoriété versatile. Elle suscite la fascination, qu’elle puise sa force dans l’admiration ou l’ostracisme le plus radical. Quelle meilleure locomotive Pascal Boniface aurait-il pu trouver pour partir dans le feu du starter ? D’ailleurs, ses saillies sur Caroline Fourest avaient été savamment préparées dans son livre, notamment sa fameuse comparaison avec Marion Jones qu’il étrenne, micro après micro, après l’avoir immortalisée en page 105 de son livre…

 

 


Oui mais voilà... Il eut été plus honnête de rappeler que les deux avaient un antécédent, au sujet d'un prix littéraire attribué à Fourest. Mais ce n'est pas tout.

 

Boniface et le "lobby" des Arabes et Musulmans

 

006 - BonifaceEn 2008, à Alger, Pascal Boniface est invité à s’exprimer. Voilà son discours, rapporté par un journaliste algérien : "Les Arabes et les Musulmans ne disposent pas d’un lobby en Occident, capable de corriger l’image erronée de l’Islam, alors que des célébrités médiatiques s’emploient à ternir leur image (…) ces campagnes hostiles à l’Islam sont commanditées par des intellectuels et des journalistes connus dans la sphère française, comme Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut et Philippe Val. Ce qui rend plus facile d’injurier et d’insulter les musulmans. Ceci résulte aussi de l’absence d’un lobby musulman ou arabe en Occident, capable de défendre cette image à l’instar du lobby juif."

Et le directeur d’IRIS d’ajouter, selon le journaliste algérien : "Ces gens disent qu’ils ne sont pas contre les musulmans, mais ils s’en prennent à l’Islam ! Ils entretiennent un discours contradictoire et diffusent la confusion et l’amalgame. D’ailleurs, ils ouvrent les portes à tous les musulmans qui regagnent leur rang et se trahissent comme Mohamed Sifaoui."

 

Elisabeth Lévy avait participé à rendre publique cette déclaration en France, ce à quoi Pascal Boniface avait répondu que les journalistes algériens auraient déformé ses propos…

 

Boniface, Fourest et la diffamation

 

Bref, suite à ces propos, Mohamed Sifaoui publia un article sur son blog intitulé : "Mais à quel lobby appartient Pascal Boniface ?", en référence aux propos tenus à Alger, tant sur la forme (le mot "lobby"),que sur le fond, puisqu’il a été lui-même mis en cause. On finit par déduire de la logorrhée de Boniface que ceux qui s’opposent à l’intégrisme musulman s’attaquent finalement à l’islam lui-même…

 

Boniface attaquera Sifaoui pour diffamation... Ce dernier aura donc, comme par hasard, une large part dans Les Intellectuels faussaires. Mais Sifaoui n'est pas le seul à être attaqué dans l'essai de Pascal BonifaceCaroline Fourest témoignera lors de ce procès en faveur de son ami et collègue journaliste Sifaoui. Boniface sera débouté de sa plainte pour diffamation. Et l’auteur desIntellectuels Faussairesde refaire donc le procès dans son livre à succès.

 

On pourra toujours dire que les fantômes du passé ne sauraient trahir la raison si les arguments de Boniface étaient irréfutables. Ce n’est pas faux. Mais il aurait pu, pour le moins en faire état, par pure honnêteté intellectuelle…

 

Boniface et les poils à gratter de l'islam

 

Quant à la qualité de l’argumentation de Boniface… Est-elle pertinente ?

 

J’avais déjà évoqué la théorie de l’arroseur arrosé quand Pascal Boniface accusait, à tort, Caroline Fourest de tronquer les citations, quand elle ne faisait que couper la partie à laquelle l’énonciateur ne s’identifiait pas, alors que lui-même, par une césure dont il a le secret, la faisait passer pour une anti-musulmane… 

 

Mais, comment interpréter le fait qu’il ne s’attaque qu’à ceux qui s’apparentent au poil à gratter de l’Islam ? Et encore, faudrait-il rectifier en parlant d’islamisme, mais, on l’a vu, Boniface ne voit aucune différence dans ces combats. D’aucuns lui ont fait la remarque. Lui rétorque que ce sont ses victimes sont dans un vent porteur (voir la vidéo ci-dessous)… Mainstreamqui le porte si bien en tête de gondoles…    

 

 

 Caroline Fourest est passée à l’offensivedepuis, se demandant à l’appui de la prose de Pascal Boniface qui pouvait bien financer IRIS. Pascal Boniface a réagi en l’accusant de proférer des insinuations sans preuves, notamment sur ses accointances islamistes.

 

Mais alors, pourquoi revenir à la charge suite au débat qui opposa l’auteur de Frère Tariq à Marine Le Pen, en citant un article de Politis, qui reprend des discours qui raviront l’ensemble de la blogosphère islamiste : "Caroline Fourest, qui a bâti sa gloire médiatique depuis quelques années sur la stigmatisation de l'islam au nom de la laïcité", "La rhétorique de Caroline Fourest, affirmant dénoncer tous les intégrismes mais concentrant ses attaques sur les musulmans", "Caroline Forest(sic) a trusté radios, plateaux télé, comptes rendus de presse écrite, à peu près dans les mêmes proportions dont bénéficient les livres de Bernard Henri Lévy, par ailleurs l’un de ses mentors", ("livre de Fourest, en digne émule de BHL")…

 

Pascal Boniface se défend d’être pro-islamiste. Soit. Mais pourquoi alors se complait-il à brandir leurs arguments face à Caroline Fourest, tel un toréador agite le drapeau rouge face au taureau ?

 

 

007 - BonifacePour autant, la cerise sur le gâteau est à venir. Car, non content d’être on ne peut plus trouble quant aux véritables intentions qui animent la plume de Pascal Boniface, ce dernier ne serait pas tout à fait un auteur comme les autres. Il est soupçonné d'emprunter quelques analyses à des auteurs sans qu’ils le sachent bien évidemment, pour les signer de sa main. Ce qui fait un peu désordre pour un pamphlétaire qui entendait donner des leçons aux "intellectuels faussaires"…

Le 4 juillet, l’association Acrimed, un observatoire des médias bourdieusien, donnait sa vérité sur le livre de Pascal Boniface. Ce dernier se serait appuyé sur l’ensemble des travaux de ce collectif : "Acrimed ne bénéficie que d’une note de bas de page, et seulement comme source, très vague, d’une citation. Interrogé par nos soins, Pascal Boniface nous a assuré 'ne pas nier le travail antérieur accompli notamment par Acrimed', qui est l’une de '[ses] principales sources'."


Contacté par l’association, Pascal Boniface se justifie en accablant son éditeur… le même qui, on s’en souvient, bénéficiait en public de tant de louanges de l’avoir publié quand tous s’y refusaient : "C’est l’éditeur qui a dû faire sauter des notes de bas de page", car il ne souhaitait pas faire de ce livre un "ouvrage universitaire".

 

Et Acrimed de parler de Pascal Boniface comme d’un "intellectuel collectif" en expliquant : "Ce ne sont pas des attestations d’antériorité ou de paternité que nous revendiquons ici (encore que…), mais la rupture avec ces pratiques fort répandues dans les milieux intellectuels où des notoriétés consacrées s’approprient le travail d’inconnus sans l’évoquer".

 

Le collectif a même pris la peine de relater la réaction de Monsieur Boniface quand il découvrit l’intention d’Acrimed d’éclaircir quelques peu les zones ombrageuses de la genèse de son livre à succès : "Rédiger un tel article va réjouir les personnes mises en cause dans mon livre."

 

Chacun appréciera la rigueur de cet universitaire, cet intellectuel, deux titres dont se revendique ce cher Boniface, qui pour assouvir sa soif de vengeance, préfèrerait taire ses sources - et quelles sources, quand elles deviennent vitales sans quoi sa plume serait tarie - pour mieux inonder le lecteur de torrents acrimonieux.

Savoureux éclairage qui offre la lumière sans la moindre zone d’ombre à présent sur les véritables intentions de Pascal Boniface, cet authentique intellectuel faussaire…

Publié sur Le Plus Nouvel Obs, le 29 aout 2011.

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  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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