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5 mars 2012 1 05 /03 /mars /2012 20:51

Il faut bien l’avouer, on n’osait plus y croire. Plus du tout, même. Alors que les journaux nous diffusent à l’envi les bisbilles quasi quotidiennes entre le camp Hollande et le camp Sarkozy, ce dernier allant jusqu’à fantasmer une attaque orchestrée par le clan d’en face, les vagues d’intention de vote s’égrainaient non sans cynisme pour voir les deux favoris caracoler en tête.

 

Dès novembre pourtant, on apprenait que près d’un Français sur deux refusait ce duel en termes de souhait de victoire, puisque 47% ne souhaitaient ni la victoire de l’un, ni la victoire de l’autre… Le ton était donné.

 

Personnages représentant Nicolas Sarkozy et François Hollande, parade de la 128e édition du carnaval de Nice, le 19 février 2012 (B.BEBERT/SIPA)

Personnages représentant Nicolas Sarkozy et François Hollande, parade de la 128e édition du carnaval de Nice, le 19 février 2012 (B.BEBERT/SIPA)

 

Pour autant, les médias et tout particulièrement la télévision, qui malgré l’importance prise par le net, ces dernières années, reste le vecteur le plus influent pour diffuser l’information, quand on sait que l’on peut réunir jusqu’à un même instant 10 millions de Français pour annoncer sa candidature, ont continué d’instrumentaliser un débat à deux voix. Massivement.

 

Le baromètre qui permet de s’en inquiéter est publié par le CSA, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Depuis le 1er janvier, il comptabilise tous les temps de parole des candidats présumés à la radio et à la télévision. Plusieurs vagues ont été prévues jusqu’au 19 mars, date du début officiel de la campagne, début d’une période pleinement démocratique puisque seront alors scrupuleusement respecté les temps de parole à égalité entre les candidats. Jusque là, les chaînes sont astreintes au "droit d’équité".

 

Et quelle différence existe-t-il entre l’équité et l’égalité ? La seconde offre un temps de parole identique alors que la première tient compte "de la représentativité du candidat". Ainsi, dans l’émission "On n’est pas couché", de Laurent Ruquier, le représentant du candidat PS s’est vu octroyer 50 minutes de temps de parole, Marine Le Pen 40, François Bayrou 30 et tous les candidats en dessous de 5% ont obtenu 15 minutes.

 

Même si l’on peut contester un système qui favorise amplement ceux qui sont déjà en place, il faut tout de même noter que les temps de parole accordés ici sont autrement plus généreux que ne le serait le respect strict de la proportionnalité à l’aune des sondages.

 

Inégalité du temps de parole

 

Mais force est de constater que l’équité entrevue pour le service public chez Laurent Ruquier n’a pas la même exigence sur l’ensemble des émissions d’informations diffusées par les chaines généralistes… Du 1er janvier au 10 février, François Hollande et Nicolas Sarkozy représentaient à eux deux 63,2% du temps de parole ! Même les sondages n’ont, jusqu’à présent, jamais offert une telle proportion par rapport aux autres candidats !

 

 

 

On se dit alors que le CSA va intervenir, qu’il va devoir sévir, imposer une diète pour les deux grands représentants du bipartisme. Que nenni !

 

Et c’est sans doute les limites du CSA qui est à la télévision et à la démocratie française ce que l’ONU est à l’ensemble de la géopolitique mondiale : un arbitre sans pouvoir, qui s’agite sans se mouvoir, qui s’excite sans émouvoir. Ainsi, le 1er février, il relevait sur certaines chaînes seulement "une tendance à la concentration des temps de parole sur deux candidats. De ce fait, certains autres candidats n’ont pas disposé d’un temps de parole suffisant au regard des critères de l’équité." Lucide… et un goût prononcé pour l’euphémisme.

 

Un euphémisme qui se dissipe vite, très vite même au point de céder à l’euphorie dès lors que l’équité retrouve des chemins plus raisonnable. C’est ainsi que le 1er mars, le CSA se félicitait de voir que la concentration des temps de parole sur deux candidats (Nicolas Sarkozy et François Hollande) s'(était) atténuée". Il faut dire que les deux grands ne représentent plus que… 58,13% du temps de parole des émissions d’information des chaines généralistes (plus de 68,75 h sur un ensemble de plus de 118h…).

 

Une provocation, une réaction

 

Qui peut ignorer la valse en deux temps qui donne le tempo des journaux télévisés ? L’on débute généralement par une proposition ou une provocation de l’un des deux. S’en suit la réaction quasi automatique, pour ne pas dire pavlovienne de l’adversaire principal. On n’ose imaginer les chiffres si l’on ne devait tenir compte que des JT, de l’audience effectuée et de la hiérarchisation adoptée par les lignes éditoriales…

 

Le ministre de l'Intérieur Claude Guéant lors des questions au gouvernement, Assemblée nationale, Paris, le 7 février 2012 (CHESNOT/SIPA)

Le ministre de l'Intérieur Claude Guéant lors des questions au gouvernement, Assemblée nationale, Paris, le 7 février 2012 (CHESNOT/SIPA)

 

Et peu importe le spectacle affligeant que cela provoque. Ainsi, alors qu’il faudrait se taire face aux provocations de Claude Guéant qui a échafaudé une corrélation des plus douteuses entre le droit de vote aux étrangers et l'introduction du halal à la cantine, tous les cadres du PS sont venus à la rescousse pour condamner ce que le bipartisme nomme avec pudeur dérapage, mais qui est en réalité l’essence même de ce qui anime le crétinisme bipartite.

 

Pourquoi se priver d'une riposte, aussi artificielle soit elle, quand on a l'a certitude d'avoir la fenêtre médiatique grand ouverte pour ce faire ?

 

Le journal télévisé de "France 2" d'hier soir en est l'illustration la plus parfaite, miroir parfait d'un reflet déformant de la vie démocratique en France. La partie politique de JT proposée par Marie Drucker s'articule seulement autour des deux candidats issus des deux partis majoritaires.

 

Deux sujets : le premier pour Hollande, le second pour Sarkozy qui lui répond en écho. Et pour finir la fameuse polémique du halal et du vote des étrangers mise en exergue avec, bipartisme oblige, deux visions, deux voix, parallélisme quasi parfait : 

 

La page politique de France 2... par snoopyves1

 

Alors, il faut se donner bonne conscience. Et le PS l’a bien compris en envoyant François Kalfondéclarer que la campagne était ennuyeuse, lâchant au passage, cela ne mange pas de pain, que la proposition des 75% de Hollande était purement électoraliste à l’encontre du potentiel de voix de Mélenchon (et cette vidéo ne pourra que lui donner raison).

 

L'éternel combat UMP/PS

 

Facile quand on est à la fois spécialiste des études d’opinion et chargé de la même mission au sein du PS. Un François Kalfon qui visse sa casquette de campagne, sitôt franchi le seuil des studios de "I-télé", où chaque semaine, il affronte de manière caricaturale le très servile Guillaume Peltier, son alter ego à l’UMP, un jeune homme à la trajectoire assez bouleversante puisque, à 35 ans, il est déjà passé du FN de Jean-Marie Le Pen, au MNR de Bruno Mégret, jusqu’à Philippe De Villiers avant de se positionner à l’UMP.

 

Une bien belle opposition donc sur le plateau d’Olivier Galzi où il fleure bon le manichéisme puisque l’émission s’intitule "le combat de l’opinion", étant entendu qu’en France l’opinion se résume au combat éternel opposant le PS à l’UMP.

 

Dans cette guerre de tranchées médiatiques où les directeurs de l’information ont décidé pour vous, l’on en arrivait à se résigner.

 

Ainsi, quand jeudi, François Bayrou organisait son premier meeting depuis plus d’un mois à Angers, l’on diffusait en direct et en simultané le meeting de François Hollande à Lyon sur "I-télé" et "BFMTV". Et ceci n’avait rien d’une séance de rattrapage puisque les deux chaînes en firent de même ce samedi, alors que le candidat PS était à Dijon ou encore alors qu’il se produisait à Rouen.

 

On se souvient aussi de Marine Le Pen, furieuse d’avoir vu son meeting déprogrammé par "BFMTV" pour retransmettre celui de Nicolas Sarkozy, alors que la chaîne l’avait annoncé en teasing toute la matinée.

 

 

Alors oui, quand est tombé ce dimanche le sondage L2H, faisant reculer de 4,5 points en deux semaines les scores cumulés de l'hydre bipartite, un sentiment de justice est survenu (et ce, même si on le voit, "Le Parisien" ne titre que sur le retard de Sarkozy qui s'accroit par rapport à vous savez qui...).

 

La même semaine, "RMC" demandait à ses auditeurs : "Trouvez-vous qu'on parle trop de Nicolas Sarkozy et de François Hollande ?" Et l’émission de Bourdin se concluait en annonçant que 76% des auditeurs répondaient par l’affirmative. La même semaine où "Le Point" sortait un numéro avec une vision assez détournée du bipartisme.

 

Bien évidemment il ne s’agit que d’un sondage, d’une estimation. Mais, intervenant à quelques jours du début officiel de la campagne qui verra l’égalité de temps de parole pour l’ensemble des candidats, il est un signal et un espoir pour tous ceux qui se désespèrent de voir notre débat démocratique se gangréner dans de vaines polémiques qui mettent les candidats dos à dos, quand notre élection majeure devrait être le lieu d’un affrontement honnête entre des visions concurrentes de la société pour survenir aux crises, qu’elles soient financières, politiques ou sociétales.

 

Les Français vont-ils enfin concrétiser en intention et en vote leur agacement de voir ainsi kidnapper le débat démocratique ? Et si cette élection pouvait voir enfin la mort de l’hydre bipartite ?

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  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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