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20 septembre 2012 4 20 /09 /septembre /2012 09:52

Une du 19 septembre 2012 du journal satirique Charlie Hebdo (CHARLIE HEBDO/AFP).

Une du 19 septembre 2012 du journal satirique Charlie Hebdo (CHARLIE HEBDO/AFP).

 

Les caricatures de "Charlie Hebdo" sont devenues "l’affaire Charlie". La troisième du genre. Provocation gratuite, "beaufisme", fixation sur l’islam… Comme d’habitude, tout aura été entendu à tort et à travers en fonction des lubies des uns ou des intérêts des autres. Triste litanie qui, bien évidemment, respecte la liberté d’expression, mais qui ajoute dans l’élan qu’il valait mieux éviter le forfait.

 

Tout le monde a son mot à dire. Même ceux à qui l’on a rien demandé comme le gouvernement qui est censé garantir les principes républicains et qui s’est tout simplement ridiculisé entre un Ayrault et un Fabius qui ont déploré pour l’un et condamné pour l’autre les caricatures de Mahomet. Au pays de la liberté d’expression, de la presse et des Lumières, l’on croit rêver. Sans parler de la Maison Blanche, qui a fait preuve d’une ingérence inacceptable…

 

Bref, il valait mieux être sourd en ce jour de la parution du numéro qui, fort de son succès, sera retiré pour vendredi. Rassurant à l’heure où l’on aurait pu croire, à lire certains, que la censure, ou pire, l’autocensure devait être la solution.

 

 

Dans tout ce raffut, s’il y a bien des voix qui sont légitimes à entendre et à analyser, ce sont bien celles des musulmans. Le problème, c’est que celles-ci se sont résumées à la position des instances qui s’autoproclament représentatives. Les soi-disant messagers des croyants et d’Allah.  Et pour le grand malheur des musulmans de France, la plus effroyable caricature n’était sans doute pas dans les pages de l’hebdo tant décrié.

 

Pour commencer, l’on aura noté que, dès mardi soir, Dalil Boubakeur, l’UOIF et le CFCM s’étaient exprimés sans, probablement, avoir vu aucune de ces caricatures. La déclaration la plus symptomatique reste celle de l’UOIF, qui dans son communiqué, n’a pas hésité à affirmer :

 

"Nous apprenons que l’hebdomadaire 'Charlie Hebdo' s’apprête à publier, demain mercredi 19 septembre, des caricatures blessantes du Prophète de l’islam.”

 

Des caricatures légales, autorisées et protégées

 

Et pourtant, à ce moment précis, le journal n’était pas sorti en kiosque et les auteurs n’avaient pas eu l’idée d’en envoyer un exemplaire aux principaux concernés. Étonnant de voir que ces caricatures étaient qualifiées de “blessantes”, alors même qu’elles n’avaient pas été publiées. La réalité, c’est qu’elles n’ont pas eu besoin d’être blessantes. Pour l’islam, pour les musulmans, la représentation de Mahomet est interdite. Elle est donc de facto intolérable… pour le croyant.

 

Pour autant, elles sont légales, autorisées et protégées en France. À moins de ne vouloir faire croire que les lois religieuses sont au-dessus des lois républicaines.

 

D’ailleurs, l’on remarquera que l’UOIF, dans son communiqué semble donner sa propre définition de la liberté d’expression, à laquelle ses dirigeants se disent attachés, en dehors de toute réalité républicaine :

 

“L’UOIF réaffirme son attachement à la liberté d’expression, mais rappelle que l’usage de la liberté exige aussi un sens de la responsabilité qui exclut l’amalgame, le dénigrement et la diffamation.”

 

Pour sa part, Dalil Boubakeur est allé beaucoup plus loin. Trop loin. Évoquant la précédente affaire des caricatures de 2007, durant laquelle il avait, au nom de la Grande Mosquée de Paris, porté plainte, dans un procès qui donnera naissance à un film, il a clairement regretté le jugement rendu, qui le déboutait :

 

“Mais, je regrette que l’incitation à la haine religieuse ne soit pas réprimée par la loi comme l’est l’incitation à la haine raciale. Nous avions fait appel au Tribunal d’instance de Paris, après les caricatures qu’avait publiées 'Charlie Hebdo' en 2006, mais notre plainte n’avait pas été retenue.”

 

La République ne s'inclinera pas devant la loi religieuse

 

Car ce que dit Dalil Boubakeur, c’est qu’il regrette qu’un délit de blasphème ne soit pas sanctionné en France. Outre le fait que toutes les plaintes qui seront faites en 2012 envers "Charlie" ont toutes les chances d’aboutir au même jugement qu’en 2007, comment peut-on prétendre lutter contre l’intégrisme et interdire tout recul critique de l’islam ?

 

En promulguant une telle loi, à savoir l’interdiction de dire du mal de la religion pour n’offenser personne, le droit français offrirait un tapis rouge à tous ceux qui rêvent de voir les lois de la République s’abaisser devant la loi religieuse. Et comment décider de ce qui relève de la religion de l’instrumentalisation de cette dernière, quand, dans l’islam, il n’existe pas de clergé ? Qu’est-ce qui empêchera d’interdire toute critique d’un dogme que d’aucuns auront décrété religieux ?

 

La France a dû attendre la Révolution française, puis la loi de 1905, pour s’affranchir de l’étau de l’Église. Ce fut une longue et difficile voie vers une République enfin débarrassée de toute pression. Qui ne voit comment les nouvelles démocraties arabes souffrent et risquent de mourir de ne pas avoir été sécularisées avant d’avoir connu la démocratie ? L’histoire de l’Iran, si brillamment dessinée par Marjane Satrapi, coupable donc elle aussi d’avoir dessiné Dieu dans "Persepolis", ne nous aura-t-elle rien appris ?

 

Amis musulmans, ignorez ces dessins

 

Mais, au-delà de ce délit de blasphème que certains tentent de rétablir en France, il est tout de même surprenant de voir les instances représentatives de l’islam, certes appeler au calme, mais charger tellement ces caricatures, que finalement si peu de musulmans verront un jour, qu’il convient de se demander s’il n’aurait pas été plus productif de les ignorer.

 

La réalité c’est que les musulmans de France, tout comme les chrétiens, les juifs, ou tout autre citoyen ont trois possibilités lorsqu’ils se sentent offensés : le mépris par l’ignorance, le recours à la justice ou encore la riposte proportionnelle si elle est légale.

 

Comment ne pas proposer aux musulmans de France de suivre à la lettre les recommandations d'Honoré, dessinateur à Charlie en 2007, qui préconisaient à ceux qui se sentaient souillés des conseils pétris de sagesse : “La réponse devrait être du même acabit. C’est-à-dire que Monsieur Boubakeur devrait apprendre à dessiner et faire des caricatures sur les athées qui nous feraient rire.” (à 17’54 dans la vidéo)

 


C'est dur d'être aimé par des cons 5 par hystsampeace

 

Les musulmans ne doivent pas se sentir persécutés. L’histoire de "Charlie Hebdo" montre que toutes les religions ont subi ses railleries. Et la religion catholique plus que les autres. Et c’est en exhibant les unes les plus abominables à son encontre que Maître Richard Malka avait fini par convaincre la justice de relaxer l’hebdo en 2007.

 

Ils ne doivent pourtant pas être dupes du climat qui pèse sur leurs épaules. Pour autant, la République et ses valeurs libérales ne doivent pas être un obstacle. Bien au contraire. La République protège la foi. Plus que tout autre. Mais elle protège de la même manière ceux qui ne croient pas. Libre à chacun d’entendre, de lire ou de voir ce qu’il souhaite. Sans contraindre. Personne n’est obligé de lire "Charlie Hebdo".

 

Aussi, en quoi la foi des uns peut être affectée par les dessins des autres ?

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Présentation

  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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