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18 août 2011 4 18 /08 /août /2011 15:53

  En intégralité l’article paru le 17 août dans une version customisée sur Le Plus Nouvel Obs pour respecter la charte éditoriale. Découvrez ici sa version non coupée avec davantage d'extraits tirés du nouveau livre de François Bayrou, sorti ce jour 2012, Etat d’urgence.

 

Bay5On le disait discret. Absent. Dans le désert. Bien évidemment, l’actualité l’invitait à revenir de temps en temps sur les plateaux ou dans les colonnes de journaux. Mais François Bayrou, pour dire la vérité, a pris le temps de la réflexion. Son dernier livre, Abus de pouvoir remontait à Mai 2009. Dénonçant la politique menée par Nicolas Sarkozy, et plus généralement égrainant les raisons pour lesquelles les valeurs défendues par le locataire de l’Elysée n’étaient pas celles du Président du MoDem, ce livre qui fut un véritable succès de librairie, connut aussi la rançon de sa gloire. Sorti en pleine campagne européenne, il alimenta la critique des adversaires politiques qui accusèrent François Bayrou, qui n’était pourtant pas candidat, à faire campagne contre Sarkozy quand il se devait de la faire pour l’Europe. Daniel Cohn Bendit en tête, lui qui, avec d’autres, firent fi d’un programme et des idées déclinés chaque soir par ceux qui postulaient effectivement à siéger à Strasbourg et Bruxelles. Le jeu politique est parfois cruel, surtout quand il grossit le dérisoire et occulte l’essentiel. Ce fut, ce soir du 9 juin, le véritable début de la traversée du désert qu’on lui prédisait tant depuis 2007.

 

Pourtant, alors que la rentrée politique se prépare en coulisse, François Bayrou a décidé de revenir dans l’arène. Tout l’été. Sans discontinuer.

Rappelant qu’il fut le premier à s’inquiéter de la candidature de Christine Lagarde au FMI, quand l’UMP tout entier et une bonne partie du PS, de concert, vantaient les mérites de celle qui sera, et c’était prévisible, éclaboussée dans les énièmes rebondissements du tribunal « arbitraire » de l’Affaire Tapie.

Qu’il fut aussi en première ligne quand cette décision fut prise à la hâte, au détriment des principes d’égalité que garantit la Justice française.

Que l’euro était la seule voie possible pour résister à la Crise et que ceux qui crient au loup en voulant en sortir sont inconscients au mieux, menteurs au pire.

 

L’heure est d’importance. Pour le monde secoué par la crise, qui n’épargne personne, même les plus forts, en témoignent les Etats-Unis qui ont vu leur note dégradée et les Chinois, leurs créanciers, qui s’inquiètent de voir compromis leurs investissements. Pour l’Europe moderne, qui traverse sa première crise économique et qui se voit tester sur ses principes fondamentaux de solidarité. Pour la France aussi, puisque 2012 sera marquée par la Présidentielle, élection centrale de la Cinquième République, la seule qui offre la majorité pour gouverner un pays depuis l’inversion du calendrier et surtout la seule qui semble encore concerner tous les citoyens.

 

002C’est avec la conscience de la gravité du moment que François Bayrou, sort alors ce jeudi 18 août, 2012, Etat d’urgence. L’occasion pour lui de revenir un peu sur le passé. Et notamment sur 2007, quand on le dépeignait en Cassandre, lui qui, finalement, y voyait assez clair :

« Dans la campagne 2007, j’ai voulu mettre au centre des débats la dette et les déficits qui l’alimentent. Certains considéraient que c’était pour une élection présidentielle un bien noir message. Pourtant, sept millions de Français l’ont entendu. »


Quatre ans plus tard, Nicolas Sarkozy tente de faire adopter sa règle d’or… François Bayrou n’est donc plus seul sur la question de la dette, rejoint sur les chemins de la vérité par ceux qui se sont trompés. D’ailleurs, il n’a jamais été seul comme il tient à le préciser :

 

« On m’a dit seul. C’était faux. Mes amis, les vrais, mes compagnons d’âme et de combat, les vrais, ne m’ont jamais manqué. Mais être taxé de solitude, c’est plutôt bon signe. »

 

Il y aura toujours ceux qui rappelleront au Béarnais que bon nombre d’amis, et d’élus, l’ont délaissé au cours de ses années. Et François Bayrou ne s’en cache pas, même pour y décrire sa peine :

 

« Nombre des parlementaires qui m’accompagnaient en 2007, offusqués que je ne suive pas le nouveau pouvoir, se sont, au moins pour un temps, séparés de moi. Ce ne fut ni agréable ni réjouissant. Mais si tu n’es pas capable de tout risquer quand l’essentiel est en jeu, à quoi bon la politique ? »

 

Bay6Et s’il reconnait volontiers que s’il fut «  une seule chose difficile, c’était de ne pouvoir me faire comprendre de ceux qui avaient partagé mes combats », il ajoute, sur de son fait : « Mais à mes compagnons qui ne me suivaient pas, qui ne me comprenaient pas, je n’en ai pas voulu (…) J’ai toujours cru qu’une fois le chemin fait et les écailles tombées des yeux, nous nous retrouverions, bien contents. »

 

Mais alors, qu’est-ce qui peut bien rendre si confiant François Bayrou ? Serait-il simplement guidé par une conviction intime, comme aiment à le railler ses détracteurs ? Aurait-il changé de cap ? Ou tout simplement détiendrait-il la clef que semble chercher en vain, candidats, postulants, ou participants à la primaire ?


Rien de tout cela. A ceux qui croient encore aux promesses, aux solutions prêtes à penser, aux programmes qui ouvrent les yeux des citoyens, François Bayrou offre une leçon de réalisme et de vérité :

« Il y a deux conception de la démocratie : la démocratie de séduction (…) et la démocratie de conscience. »

 

Pour François Bayrou, la première se complait en des temps de prospérité quand la seconde s’impose d’elle-même dans l’état d’urgence. La crise actuelle n’offre donc pas d’autre choix.

 

On pourra toujours lui reprocher un manque de magie, un manque de rêve. Mais est-ce donc cela la politique, vendre du rêve ? Ou serait-ce davantage guider le peuple vers davantage de raison, surtout en ces temps où la Crise ne donnera aucune chance aux bonimenteurs et aux faiseurs de miracles ? « Nous avons choisi une ligne de conduite : nous dirons la vérité. ». Et le président du MoDem d’en invoquer Orwell : « En ces temps d’imposture universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire »

 

Pour autant, la bonne appréciation d’une situation ne fait pas un programme et apporte encore moins des solutions. On a souvent reproché à Bayrou d’exceller dans la dénonciation, usant et abusant de l’élégance de sa prose pour condamner avec finesse et fermeté, plume de fer dans un encrier de velours, ce qui se détachait de la raison et du bon sens, et Abus de Pouvoir pût-il en témoigner dans sa charge contre les  errances sarkozyennes. 2012, Etat d’urgence rectifie le tir. Avec précision. Et au-delà du diagnostique, offre des solutions. Plus qu’un programme, un engagement.  

 

école2 - TERA ses yeux, la gravité de la situation impose des choix draconiens en termes de priorité. Et à ceux qui multiplient les idées et les propositions en les déclinant de mille faux, à ceux qui choisissent de privilégier le dérisoire pour mieux faire oublier ses manquements, ou encore à ceux qui choisissent la stratégie éternelle du bouc émissaire, François Bayrou n’évoque que deux thèmes. Deux domaines pour remédier immédiatement à l’état d’urgence que la France traverse. A court terme, la production, à moyen terme l’éducation.

« Je suis arrivé à la conclusion que nous avons devant nous deux questions d’urgence nationale, et deux seulement. La première : produire en France. Retrouver la production dont nous avons perdu des pans entiers, pour reconquérir l’emploi et pour équilibrer nos comptes. Et le seconde : rendre à la France la meilleure éducation du monde. (…) Toute les difficultés qui nous paraissent insurmontables proviennent de ce double échec. »


Les autres questions prendront leur place, naturellement dans le débat public, mais François Bayrou tient à préciser :

« Je connais leur importance et ne les perdrai pas de vue, même si je les sais dépendants des deux questions de notre survie, la production et l’éducation ».

 

La production répond à des enjeux imminents : celui de nos finances publiques, de la balance commerciale et plus largement de la dette. Dans sa mire, l’Allemagne. Notre voisin outre rhin, était au plus bas dans les années 2000, quand la France prospérait encore des fruits d’une croissance retrouvée. L’état d’urgence fut alors décrété sous la forme de l’agenda 2010, initié par Schröder, avant que Angela Merkel ne confirme son orientation. En 2011, ironie du sort, François Bayrou rappelle que la France n’en finit plus de voir le chômage grimper quand « Ceux qui licencient en Allemagne aujourd’hui ce sont les agences pour l’emploi » !


Les propositions avancées par Bayrou s’inspirent donc de la recette allemande, dont l’industrie n’a jamais cessé de se diversifier et d’offrir un label de qualité à l’image des messages publicitaires qui vantent le sérieux à l’allemande et qui s’est fondée en grande partie sur l’assainissement des finances publiques.

Le lecteur pourra à sa guise en découvrir le  cheminement en lisant le livre, mais à ceux qui seraient avides de propositions, en ces temps de y’a qu’à et il faut, en voici un petit concentré qui délectera les palais les plus délicats : encourager la production en France en simplifiant l’administratif et en détruisant le barrage fiscal des moyennes entreprises créatrices d’emplois, créer un label comme il en existe pour le commerce équitable ou encore l’agriculture Bio pour sensibiliser le consommateur et responsabiliser des achats qui garantiront ses emplois, deux points de TVA supplémentaires, plus de flexibilité dans l’embauche, l’ajout de deux tranches imposables pour les revenus les plus élevés…


PSA ceux qui l’accuseraient de parler d’entreprise, François Bayrou les accuse de manichéisme :

« Il n’y a pas de reconquête possible du produire en France sans reconquête de la confiance entre salariés et entreprises. Chefs d’entreprise, encadrement, organisations patronales, syndicats, dans ce grand pays où l’on parle tant, paraissent incapables de s’asseoir autour d’une table, de débattre et de négocier, dès qu’il s’agit de décisions collectives. Tout y est vécu sur le mode du soupçon, de l’affrontement, du conflit. La compréhension mutuelle paraît interdite. C’est une immense faiblesse. Cela empêche des audaces sociales qui sont pourtant la clef des grandes réussites. »

 

Une position d’autant plus équilibrée que François Bayrou n’omet surtout pas de préciser :

« Je ne crois guère, chiffre à l’appui, à la diminution drastique du nombre de fonctionnaires. »

 

Mais il ne peut y avoir de sursaut sans une population correctement formée. L’Education est alors auscultée dans ses moindres détails… Là aussi, le diagnostique est inquiétant. Mais combien de livrent glosent sur cette déchéance. François Bayrou va plus loin en proposant des solutions. Qui risquent de ne pas passer inaperçu, surtout qu’il n’avance pas masqué : « On m’accusera d’être « réac ». Tant mieux. »


Rappelant que c’est « un choix de priorité que de protéger l’éducation en maintenant, sur une longue période, les moyens qui lui étaient alloués », il lance aux fossoyeurs de l’éducation nationale, qui préfèrent mettre en valeur ses faiblesses plutôt que de résorber ses faiblesses : «  dois-je rappeler, à ceux qui trouvent que l’enseignement est trop cher, quel serait le coût de l’ignorance ? »

 

école1Puis il propose quelques pistes, qui dénotent déjà avec les orientations prises tant à droite qu’à gauche : la fin de l’idéologie des perpétuels petits groupes quand la vocation de l’école est d’amener à l’autonomie des élèves, des programmes stabilisés pour la cohérence et votés par le Parlement pour en soustraire l’amphigouri jargonneux, un collège qui ne contente pas d’être unique, « inique », mais qui des recours effectifs aux décrocheurs non pour les exclure définitivement mais pour ne pas grossir encore davantage le rangs de ceux qui quittent l’école sans savoir lire, écrire et compter, la réévaluation des objectifs et non le nivellement par le bas auquel on procède pour cacher la misère de nos résultats, une Terminale en forme de propédeutique à l’Université, la détection des enseignants qui réussissent pour transmettre leurs expériences tout en garantissant la liberté pédagogique de chaque professeur qui pourra adapter sa propre méthode sans se voir imposer une idéologie par un ministre…


Reste la question qui se pose pour gouverner : avec quelle majorité Bayrou pourrait-il travailler s’il venait à être élu ? Le Président du MoDem n’élude pas cette interrogation légitime.


D’une part, il rappelle qu’en cet état d’urgence, le clivage droite/gauche est une alternative obsolète, faite pour animer les débats politiques en temps de prospérité. Dénonçant les promesses intenables déjà faites par la droite et la gauche, entre la réduction d’impôt et l’improbable appel à la croissance sans solutions des uns, et la dépense toujours accrue avec pour seule recette la Providence pour les autres, François Bayrou n’y va pas par quatre chemins : « Cette bipolarisation, cette guerre des deux, porte en elle le crétinisme de la démagogie. ».


Il précise :

« Les deux camps (…) sont avec le temps devenus prisonniers de groupes de pression qui ne leur laissent pas le choix. ». avant de prédire : « Si la guerre des deux perdure, c’est la certitude de l’échec et, partant, la certitude du clash. ».

 

Pour voir chacun des deux troupes s’affronter dans l’hémicycle, avant de déclamer de manière moins mécanique dans les couloirs quand les masques de la comédie sont tombés, François Bayrou sait qu’individuellement, une bonne majorité de chacun des deux clans rejoignent sa vision et les idées qu’il propose.

 

004Et ce qui était séduisant en 2007, devient impératif pour 2012 : l’opposition pavolovienne clan à clan provoquera la perte de la France, qui ne s’en sortira qu’avec une union nationale :

« Quand on sait que des efforts devront être consentis, chacun des citoyens doit avoir la certitude que les décisions prises ne seront ni partiales ni partisanes, qu’elles ne serviront ni intérêts de groupe, de classe ou d’idéologie. Le pluralisme de la majorité garantira que les décisions seront nécessairement d’intérêt général ».

Bayrou en réfère même à Aragon pour illustrer la nécessité d’une telle union : « Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat, fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat ». Rappelant que le redressement de l’Allemagne ne put se faire qu’en faisant travailler, main dans la main, les ennemis jurés de la CDU et du SPD… « Les politiques abandonnent leur confort et leurs habitudes, leurs préventions et leur égotisme, acceptent de partager l’effort et même la possible impopularité. ».


Mais pour ce faire, il faudra bien évidemment que certains acceptent de délaisser la politique des clans, sans pour autant se renier. Un enjeu ambitieux. Mais pour François Bayrou, c’est à ce prix, et seulement à ce prix, que l’état d’urgence, qui « est précisément le temps pendant lequel on peut encore faire quelque chose » laissera sa place à des temps plus apaisés.

 

Bay01

 

On pourra toujours reprocher à François Bayrou de ne pas avoir chiffré ses propositions, et même de ne pas avoir tranché notamment concernant le financement de la CSG par la TVA comme le préconise depuis des années Jean Arthuis, mais 2012, Etat d'urgence n'est pas un programme. Pas même un acte de candidature. Juste un engagement qui laisse entrevoir un projet. La voie qu'il espère voir la France emprunter. De là à se voir en guide, il y a un pas que François Bayrou ne franchit pas encore...

 

Et n'oubliez pas l'article consacré à la partie Education du livre, commenté et analysé ICI

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Présentation

  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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