Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 09:04

François Bayrou, lors de sa conférence de presse, le 3 mai 2012 à Paris (CHAMUSSY/SIPA).

François Bayrou, lors de sa conférence de presse, le 3 mai 2012 à Paris (CHAMUSSY/SIPA)

 

Les Français ont choisi de tourner la page du sarkozysme qui aura abimé si durement notre République. Un lustre marqué par la division et l’intolérance. Au Latran, le professeur ne pouvait jamais égaler le pasteur ou le curé. A Grenoble, les Roms devenaient les boucs émissaires d’un été, prenant le relais des Musulmans qui l’étaient le reste des saisons. A Dakar, l’homme africain n’était pas entré dans l’Histoire. Quelle trace le sarkozysme aura laissé en France si ce n’est celle d’une République prostituée dans ses valeurs ?

 

En pillant sans gêne dans le programme du Front National et en remettant en cause la liberté de circulation dans l’Europe, le président sortant ne nous a pas donné d’autre choix que de voter pour François Hollande au second tour. Je l’avais parfaitement assumé, expliquant que l’on pouvait toujours amender un programme, mais plus difficilement s’affranchir des valeurs que l’on défend.

 

François Bayrou a, lui aussi, fait ce choix personnel. Un choix historique. Jamais dans l’Histoire de la Ve République, un centriste n’avait exprimé un tel choix en faveur de la gauche. Le président du MoDem n’avait eu de cesse, depuis 5 ans, de revendiquer son indépendance et notamment de dénoncer l’ancienne hémiplégie dont souffrait le centre, qui ne faisait qu’appliquer la cruelle mais si lucide définition que lui en donnait François Mitterrand : "Le centre n’est ni de gauche, ni de gauche."

 

En déclarant vouloir voter pour François Hollande, dénonçant notamment le terrible discours de Toulouse de l’entre deux tours, articulé autours de la "frontière" et le spot de campagne de Nicolas Sarkozy qui laissait apparaître un panneau "douane" écrit en français et en arabe, non sans d’inacceptables sous-entendus, François Bayrou a alors donné des gages à sa volonté d’indépendance, et plus encore dans sa volonté d’en appeler à l’Union nationale.

 

Vers une Assemblée plurielle ?

 

Car François Bayrou ne s’est pas arrêté là. Depuis, il a clairement expliqué que la cohabitation serait "une catastrophe" pour la France. Ce qui en revient à ne pas désirer la victoire de la droite aux législatives.

 

Le centre serait-il devenu alors membre de la majorité présidentielle ? Évidemment pas. Larévélation du gouvernement de Jean-Marc Ayrault a définitivement convaincu les plus sceptiques, d’ailleurs, ou les amateurs de conspirations en tous genres. Il n’a jamais été question de participer au gouvernement de François Hollande.

 

En revanche, l’on aurait tort de rester sourd aux déclarations de Pierre MoscoviciVincent Peillonou encore Ségolène Royal. Les législatives sont donc le moment de mettre en œuvre un premier pas vers une Assemblée plurielle et pluraliste qui n’aura qu’une vocation, une seule : la volonté de faire réussir la France. Le centre pour la France.

 

Je serai candidat aux législatives

 

Voilà pourquoi François Bayrou se lance dans les législatives. Voilà pourquoi des centaines de candidats se lanceront à ses côtés. Voilà pourquoi, j’ai décidé de me présenter dans la 1ère circonscription du Nord pour représenter les habitants de Loos, Lille Sud, Lille Sud-Est et Lille Centre.

 

Je suis certain que nombreux sont ceux qui partagent comme moi le projet de société proposé par le nouveau président de la République : une meilleure répartition de l’effort fiscal, faire de l’éducation une priorité, mais également redonner à l’égalité la place centrale que notre devise lui accorde, en ouvrant le mariage aux homosexuels et en donnant aux étrangers résidant sur le territoire le droit de vote aux élections locales.

 

Ces valeurs-là, je les partage sans aucune réserve.

 

Pour autant, le projet socialiste comporte un risque et non des moindres : en planifiant des dépenses excessives et en comptant sur une croissance providentielle que tous les spécialistes contestent, il laisse le spectre de la Grèce planer sur nos têtes, une épée de Damoclès.

 

Et la réaffirmation par François Hollande de sa volonté d’embaucher 60.000 postes dans l’éducation mardi, dans un pourtant magnifique discours à l’attention des enseignants qui retrouvent enfin un peu d’estime et de considération après avoir tant et tant été éreinté par un enfant barbare, ne va malheureusement pas dans le bon sens.

 

La question de l’éducation ne se résume pas à une question de moyens. Bien au contraire.

 

Nous devons rester vigilants sur les dépenses publiques en rappelant sans cesse au nouveau gouvernement qu’il est un devoir, non pas de dépenser toujours plus, mais de faire mieux.

 

Notre seule priorité doit être l’intérêt national.

 

Ce n’est donc pas dans une opposition stérile à François Hollande que nous nous présentons, mais avec la volonté de redresser ensemble notre pays. En lui rappelant que la question de la dette devra guider nos choix.

 

Notre volonté n’est donc ni de signer un blanc seing à un programme qui ne prend pas suffisamment en compte le poids de la dette, ni d’entrer dans l’abêtissante guerre de tranchée que se livrent droite et gauche depuis plusieurs décennies. S’opposer à une idée sous le fallacieux prétexte qu’elle est l’œuvre du camp d’en face n’est pas rendre service au pays en temps normal. Ca devient un crime quand ce même pays est en crise.

 

La seule force susceptible d’aider à faire voter des lois qui vont dans le sens de notre pays tout en comptant sur une vigilance redoublée par rapport à la gestion financière de notre état est le centre pour la France. Pour que l’opposition ne soit plus esseulée, mais qu’elle s’accompagne d’une épithète qui, elle seule, sera au service des Français : l’épithète "constructive".

 

Car c’est en étant ensemble que l’on construit. Pas en restant éternellement divisé. 

Partager cet article
Repost0
11 mai 2012 5 11 /05 /mai /2012 09:03

Martine Aubry à Paris, le 25/04/2012. (WITT/SIPA)

 Martine Aubry à Paris, le 25/04/2012. (WITT/SIPA)

 

C’est elle qui l’a annoncé en personne. Martine Aubry, Première secrétaire du Parti socialiste, a officiellement confirmé qu’il y aurait bien une investiture PS dans la seconde circonscription de Pau, celle de François Bayrou, lors des législatives.

 

Le feuilleton tenait en haleine toute la classe politique depuis trois jours. Le week-end du second tour de la présidentielle, c’est Martine Lignères-Cassou, maire socialiste de Pau, qui avait exprimé son refus de voir sa candidate plier face à une quelconque bienveillance à l’égard du Béarnais et ce, malgré le choix de ce dernier de voter Hollande à la présidentielle.

 

Puis ce fut au tour de Pierre MoscoviciVincent Peillon ou encore Ségolène Royal de reconnaître qu’un petit geste ne serait pas déplacé quand on sait qu’entre temps, l’UMP, furieuse de la décision de François Bayrou, avait décidé de "dégeler" la circonscription pour présenter un des siens. Alors que Frédéric Nihous était pressenti, c’est finalement Eric Saubatte qui s’y collera.

 

 Mais mercredi matin, Martine Aubry a sifflé la fin de la récréation en se drapant des oripeaux de la transparence et de l’honorabilité : "Il n'y a pas de service rendu, on ne fonctionne pas comme ça dans la République".

 

Une occasion manquée

 

Voilà ce que l’on pouvait craindre du Parti socialiste après la présidentielle. Encore une fois, le problème n’est pas François Hollande.

 

Le problème, c’est cet instinct clanique de survie, ce sectarisme forcené qui rend fou et qui est en contradiction avec la visée pluraliste à laquelle s’est habituée notre République.

 

N’est-ce pas Hollande qui avait promis une part de proportionnelle dans son programme présidentielle ? A quoi bon l’annoncer puis la repousser aux calendes grecques, c’est-à-dire en 2017, sans donner quelques signes en ce sens, si ce n’est pour finalement y renoncer comme le fit Nicolas Sarkozy ?

 

Un "geste" envers François Bayrou n’avait rien d’un marchandage : n’était-ce pas là un premier pas vers une union nationale raisonnée de personnes n’ayant pas la même étiquette mais susceptibles d’œuvrer ensemble au sein de l’Assemblée nationale dans un duo majorité/opposition constructif ?

 

L’autre problème réside bien évidemment dans ce gage de probité que Martine Aubry s’évertue à brandir comme argumentaire principal : "on ne fonctionne pas comme ça en République".

 

Ah oui, vraiment, Madame Aubry ? Cela ne fonctionne-t-il pas comme cela en République ? Le PS ne pratique-t-il jamais d'accords de la sorte ? Vous-même, ne fonctionnez-vous jamais comme cela, Madame Aubry ?

 

Un choix contradictoire

 

La maire de Lille serait-t-elle atteinte elle aussi comme Jacques Chirac d’anosognosie ou bien sa mauvaise foi dissimulerait-elle sa propension déjà avéré au mensonge et aux vérités évolutives, faisant d’elle une "menteresse" ? Sans doute est-il salutaire de revenir quatre ans en arrière dans le fief de Madame Aubry pour s’intéresser au "fonctionnement" de la socialiste.

 

En 2008, le MoDem, mouvement naissant, était porté par le 18,57% obtenu par son leader à la présidentielle. La question des alliances avec le MoDem allait alors bon train lors des municipales, surtout depuis que François Bayrou avait déclaré au cours de l’entre-deux tours savoir pour qui il n’allait pas voter (à savoir Nicolas Sarkozy).

 

A Paris, on s’en souvient, Bertrand Delanoé était arrivé avec une confortable avance au premier tour et avait finalement cessé toute discussion avec Marielle de Sarnez.

 

A Lille, Martine Aubry aurait pu suivre le même chemin : avec 46% des voix au premier tour et 18% de réserve avec les Verts et l’extrême gauche, il ne faisait aucun doute que la future Première secrétaire du Parti socialiste allait être réélue, d’autant qu’elle se devait de conforter sa position en vue du Congrès de Reims durant lequel elle serait opposée à une Ségolène Royal plus prompte aux alliances avec le MoDem.

 

Le grand public pensait fort logiquement que Martine Aubry ne fusionnerait pas sa liste avec le parti de François Bayrou. Pourtant, c’est ce qu’elle fit, au grand dam de la tête des listes des Verts Eric Quiquet, qui a l’époque et en off n’avait pas de mots assez durs pour qualifier pareille alliance.

 

Un ligne politique à géométrie variable

 

Mais ce que beaucoup ne savent pas, c’est qu’au-delà du beffroi, se jouait une autre élection, autrement plus importante pour Martine Aubry : la présidence de la Communauté urbaine de Lille pour succéder là encore à un certain Pierre Mauroy.

 

Et dans cette élection parallèle, la victoire était loin d’être acquise car de nombreuses communes proches de Lille, souvent en milieu "rurbain", sont dirigées par des maires sans étiquettes et plutôt proche du centre.

 

De son côté, le président de la Fédération du Nord Olivier Henno avait fait le choix de rester avec François Bayrou en 2007, quand de nombreux autres cadres choisirent l’opportunité d’investitures et autres maroquins alléchants proposés par l’UMP de Marc-Philippe Daubresse, le régional de l’étape. Il voyait donc son avenir se jouer à ce moment-là.

 

En coulisses, un pacte d’importance se mit en place : aux municipales de Lille, le PS fusionna avec le MoDem, en accueillant trois candidats, dont deux en position éligible.

 

Dans le même temps, dans les cantonales partielles, le MoDem renonça au deuxième tour dans sept cantons et dans le huitième, celui de Lille Ouest, le PS se retira pour laisser Olivier Henno combattre seul le candidat UMP, qui écœuré choisit lui aussi de se retirer, laissant le maire de Saint André se faire élire avec 100% des voix… et un tiers de votes nuls.  

 

C’est ainsi que Martine Aubry put tranquillement briguer quelques jours plus tard le poste de présidente de la Communauté urbaine de Lille avec en premier vice-président un certain Olivier Henno du MoDem.

 

Ainsi quand on évoquait l’exemple lillois d’une Martine Aubry assez courageuse, qui avait fait alliance avec le MoDem sans en avoir besoin, les Lillois riaient jaune. Ce n’est que parce que cet accord lui ouvrait les portes de la présidence de la Communauté urbaine de Lille que celle qui est devenue par la suite Première secrétaire du PS eut ce visage altruiste.

 

Car il est une chose que l'on doit bien comprendre : Martine Aubry aime le MoDem comme le cowboy aime l'indien : quand il est mort.

 

Ainsi, durant son mandat, la maire de Lille s'est évertuée à cannibaliser les forces du MoDem avec lesquelles sa majorité municipale travaille. Au point de suggérer au 20 heures de France 2 que les élus du MoDem lillois pourraient tôt ou tard rejoindre le PS :

 

Martinedélire Vidéo Snoopyves sélectionnée dans Actualité

 

Vampiriser les forces du MoDem pour les absorber. Chez Martine Aubry, les alliances électorales tournent à l'assimilation. En 2009, "La Voix du Nord" n'en déduisait pas autre chose dans un article dont le titre en dit long sur la nature de l'emprise de Martine Aubry sur les élus du MoDem local : "Le MoDem peu audible sous le beffroi"...

 

D’ailleurs, Olivier Henno lui-même n’était pas dupe. Lors de la régionale 2010, quand j'étais candidat sur sa liste et que je faisais campagne à ses côtés, nous parlions de l’éventualité d’un accord pour le deuxième tour avec la gauche sachant que rien ne serait discuté avant le résultats des urnes du premier.

 

Et le maire de Saint André de me confier : "de toutes façon, si le PS le peut, il nous écrasera comme une m**** ". Les régionales furent un naufrage, notre liste ne dépassant pas 5%. Nous n’avons même pas eu l’occasion de vérifier si ce qu’il pensait s’avérerait exact puisque le PS faisait de son côté le carton plein dès le premier tour.

 

Aujourd’hui encore dans le Nord, la possibilité de voir Olivier Henno sans candidat PS se dessine jour après jour. Lui qui avait lancé un appel dans l’entre-deux tours pour voter François Hollande.

 

Lui qui avait dit n’être pour rien dans la fuite de cet appel qui fut rendu public à trois heures de la fin légale de la campagne du second tour. Lui qui en appelle à une étiquette "majorité présidentielle" pour se présenter face aux électeurs.

 

Problème : Martine Aubry vient de dire non à François Bayrou dans les mêmes circonstances.

 

Autre problème, lors du Conseil national de l’entre-deux tours, Marielle de Sarnez avait été très claire sur les législatives et je peux relater ses propos sans trahir de grands secrets : elle avait appelé à former un groupe parlementaire, s’inscrivant dans "une opposition vigilante et constructive" en précisant "moi je ne me vois pas dans la majorité présidentielle de François Hollande".

 

D'ailleurs ce jeudi, lors de sa conférence de presse, François Bayrou a bien rappeler que les candidats de sa formation se présenteraient sous l'étiquette "le Centre pour la France" en martelant l'indépendance de celui-ci par rapport à la majorité présidentielle.

 

Ce qui n’est pas exactement la position prônée par Olivier Henno. Alors, appel du pied, mauvaise formulation ou révélation de ce qui a été déjà discuté avec la maire de Lille ? En tous cas, aujourd’hui c’est à nouveau Hélène Parra, la candidate pressentie pour le PS dans la circonscription d’Olivier Henno et qui avait dû se retirer en 2008, qui tremble à nouveau.

 

Il faut donc en revenir à Martine Aubry et lui reposer les questions sur ce qui ne se fait pas en République : ah oui, vraiment, Madame Aubry ? Cela ne fonctionne-t-il pas comme cela en République ? Le PS ne pratique-t-il jamais d'accords de ce type ?

 

Vous-même ne fonctionnez-vous jamais comme cela, Madame Aubry ?

Partager cet article
Repost0
8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 09:02

François Bayrou, lors de son vote à Pau, le 22 avril 2012 (G.COLLET/SIPA).

François Bayrou, lors de son vote à Pau, le 22 avril 2012 (G.COLLET/SIPA)

 

Même si les chiffres sont à prendre avec beaucoup de précaution, il semblerait que ce sont bel et bien les électeurs qui ont voté François Bayrou qui ont fait gagné François Hollande.

 

Précaution, car la méthodologie guidant les Instituts, pour savoir comment s’est déroulé le report de voix, fait que sur 1000 personnes interrogées, seule 91 personnes sont concernées, à l’aune du score du Béarnais au premier tour. Et pour que l’échantillon soit représentatif, il faudrait donc prendre en compte, avec la méthode des quotas, plus de 10000 personnes, ce qu’aucune officine n’a fait et ne fera sans doute. Il faudra donc se contenter de chiffres aléatoires qui évaluent ce report de voix de 29% chez Ipsos Consulting, à 49% selon Opinion Way.

 

Sans doute faut-il écouter Pascal Perrineau, directeur du Cevipof, Centre de Recherche de Sciences-Po Paris, qui hier soir, à "Mots Croisés" sur France 2, tranchait avec bon sens et affirmait que "un gros tiers des électeurs de Bayrou ont voté pour François Hollande".  Sachant que le Béarnais avait réuni sur son nom près de 3,3 millions de voix au 1er tour et qu’au second, François Hollande compte une avance d’un peu plus de 1,1 million de voix, l’on peut se dire que les reports de voix du candidat centriste auront pesé lourd dans le choix final.

 

Alors, certains mégoteront en affirmant notamment que la décision personnelle de François Bayrou n’a pas fait déplacer les intentions de votes à en croire l’évolution fournie au 4 mai par Ipsos. Ce qui est vrai. Mais qui ne dit que la décision de François Bayrou n’est justement pas la conséquence de cette journée du 3 mai quand il réunit son Bureau stratégique le matin même et le Conseil National, l’après-midi ?

 

Les voix des électeurs de Bayrou, déterminantes pour l'issue du scrutin

 

D’autre part, d’autres sortiront la calculatrice pour rappeler que les voix qui se sont portées sur Jean-Luc Mélenchon ont largement plus contribué à la victoire du candidat socialiste. Pourtant, pouvait-il en être autrement ? Le report des voix de Mélenchon à Hollande a-t-il été une seule fois, dans la campagne, remis en question et ce malgré les sobriquets aimables du président du Front de Gauche à l’égard de François Hollande ? Les voix n’étaient-t-elles pas plus "naturelles" venant de l’électorat de Mélenchon qui voulait avant tout la victoire de la gauche ? D’ailleurs, le député européen n’a-t-il pas fait une consigne de vote quand François Bayrou n’a émis qu’une initiative personnelle ?

 

N’en déplaisent à une certaine gauche, parfois sectaire (mais nul ne conteste que son équivalent est tout aussi méprisable à droite), les reports de voix des électeurs qui avaient voté François Bayrou au premier tour ont décidé de l’issue du scrutin, d’autant que l’écart final est autrement plus ténu que celui qu’annonçaient les Instituts de sondage et ce, depuis des mois.

 

Aussi, au lendemain de la défaite assumée, l’heure est au règlement de compte. Les "centristes" de droite ont crié à la traîtrise et parle même de "foutage de gueule" de la part de François Bayrou et assument de manière unilatérale la rupture définitive avec le Béarnais.

 

Jean-François Copé a, quant à lui, décidé de "dégeler" la circonscription de François Bayrou, en parachutant un candidat face à lui, en mesure de représailles.

 

La conséquence de la bipolarisation politique

 

Qu’il est beau le spectacle de la politique quand se mettent en scène, devant les Français, avec un tel cynisme, les manipulations qui finissent de dégouter le citoyen de cette mascarade. Où est la considération des Français, des citoyens, de ceux qui vous donnent la confiance dans ces marchandages et autres règlements de compte ?

 

Mais au-delà de cette mécanique perverse de nos institutions et qui est une conséquence logique de cette bipolarisation, qui donne aux deux grands un pouvoir suffisamment grand pour prétendre imposer ses règles du jeu, il faut tout de même comprendre comment la droite semble perdre la tête en refusant de se remettre en question.

 

Tout d’abord, concernant la circonscription de François Bayrou, il est à noter que le Béarnais n’avait pas du tout apprécié le "geste" de Copé en janvier, y voyant un mirage fondé de toutes pièces par la droite pour faire croire à une connivence entre le MoDem et l’UMP. Encore une fois, l’indépendance n’est pas dans le vocabulaire de l’UMP qui continue à entrevoir le centre comme une force d’appoint de la droite. Combien de fois dans la campagne les grands ténors se sont bousculés devant les caméras pour rappeler que François Bayrou faisait partie de la famille, sous le regard hilare du Président du MoDem ?

 


la danse du ventre de l'UMP par snoopyves1

 

Comment oublier, pourtant, le congrès extraordinaire de Lyon en 2006, le "si on pense tous la même chose, on ne pense plus rien" lancé par Bayrou au congrès fondateur de l’UMP en 2002, ou encore le Congrès de Villepinte qui enterra l’UDF pour créer le MoDem en décembre 2007 ? Le déni est une marque de fabrique à droite qui, nostalgique, ne conçoit le centre que sous son inféodation, comme parti godillot, hémiplégique et qui, pavlovien, revient aux pieds du maître quand la cloche du scrutin sonne. "Faites fi de vos différences et donnez votre voix" : telle est la devise cynique de cette droite arrogante et dépourvue de valeurs.

 

Alors que Le PS, par la voix de Martine Lignières-Cassou, maire de Pau avait réaffirmé son intention de présenter un candidat contre François Bayrou avec qui il n’y a jamais eu de tractations de quelque sorte que ce soit, Marisol Touraine a expliqué, hier, qu’il pourrait changer d’avis estimant qu’il était "normal que M. Bayrou puisse ne pas être pénalisé pour le soutien à François Hollande". Pour un parti qui a mis dans son programme la proportionnelle… mais pour 2017 seulement, ce serait un geste en faveur de la pluralité à l’Assemblée Nationale en effet.  

 

Mais dans toute cette affaire, il y a quelque chose qui tord le cou au bon sens et à la cohérence :en quoi la position de François Bayrou est-elle surprenante ? N’avait-il pas déjà exprimé tout ce qu’il pensait de l’action de Nicolas Sarkozy dans "Abus de pouvoir", la plus lourde et violente charge qui ait été écrite dans le dernier lustre à l’encontre de celle-ci ? N’avais-je pas expliqué, ici-même, à quel point il était inconcevable que l’on puisse imaginer une seule seconde la proposition ubuesque de faire de Bayrou le Premier ministre de Nicolas Sarkozy ?

 

Et au-delà de ces chimères qui ont alimenté et nourri l’espoir de ceux qui croyaient aux miracles, comment se fait-il que la droite et le centre de droite conspuent la décision logique et plus que respectable de François Bayrou puisque fondée sur des valeurs, en faisant fi des raisons qui l’ont poussé à trancher de la sorte ?

 

N’y a-t-il pas ironie ici les voir d’acharner sur l’homme en omettant de faire une saine remise en question ?

 

Car, qu’a dénoncé François Bayrou en affirmant choisir de voter François Hollande ? Cette course effrénée, non pas vers les électeurs de Marine Le Pen mais vers ses idées et sa vision d’une France emmurée, repliée sur elle-même.

 

Qu’ont dit les "centristes" Sauvadet, Méhaignerie et Morin, europhiles à les croire sur parole, quand Nicolas Sarkozy a fait du chantage sur les accords de Schengen ou a instrumentalisé le spectre de la frontière au meeting de Toulouse ? Qu’ont pensé les humanistes quand Sarkozy a fait les poches de Marine en proposant la présomption de légitime défense des policiers ?

 

Qu’ont-ils pensé des regrets du président de ne pas avoir suffisamment œuvré pour que l’Europe rappelle dans sa Constitution ses origines chrétiennes, ce que les lobbys les plus intégristes d’Europe dont le nouveau gouvernement sulfureux hongrois et le Vatican réclament à corps et à "Christ" ? Ont-ils bien ri ou bien encore frissonné de voir le panneau douane écrit en français et en arabe dans le dernier spot de campagne du président sortant comme pour évoquer la menace d’une immigration massive au-delà de la Méditerranée ?

 

Au lieu de condamner cette prostitution des valeurs de la République et de l’Esprit de tolérance des lumières, à droite on ne parle que d’accords ancestraux qu’ils ont passés pendant trois décennies avec le centre.

 

Panique à bord, la mécanique si bien huilée de l’hérésie bipartite, qui de décline au son des chaises musicales, "un coup à moi, un coup à toi" s’enraye. Pensez donc, la gauche est sur le point d’être majoritaire à tous les étages : elle tient les plus grandes villes de France, des cantons, des régions, elle dirige le Sénat et s’apprête à prendre d’assaut l’Assemblée Nationale.

 

La droite a tout perdu : elle a voulu un parti unique en 2002 pour s’assurer un score de premier tour, en oubliant qu’elle asséchait ses réserves de voix ; de la même manière, elle a élevé à 12,5% des inscrits le seuil pour se maintenir au second tour des cantonales et des législatives, en espérant faire la nique au Front national et vit en 2011, ce dernier lui griller la politesse dans 204 cantons.

 

Le cynisme ne paye pas toujours en politique. Telle est la morale de l’affaire. N'en déplaise à Valérie Russo-Debord qui a été démasquée aux yeux des Français hier dans le fabuleux film de la campagne de Serge Moati, le dernier de sa série, quand elle ironisait sur le choix de Douste-Blazyde voter Hollande : "Pff Douste-Blazy ? quand j'étais à l'UDF on l'appelait 'soigne ta mèche' !"

 

A l’image de Chantal Jouanno, l’UMP ferait bien de revoir sa stratégie. Et de remettre ses valeurs au centre de sa politique. Il en va de l’équilibre du paysage politique français. Mais surtout des valeurs de la République elle-même.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
  • Contact

Recherche