François Bayrou, lors de sa conférence de presse, le 3 mai 2012 à Paris (CHAMUSSY/SIPA)
Les Français ont choisi de tourner la page du sarkozysme qui aura abimé si durement notre République. Un lustre marqué par la division et l’intolérance. Au Latran, le professeur ne pouvait jamais égaler le pasteur ou le curé. A Grenoble, les Roms devenaient les boucs émissaires d’un été, prenant le relais des Musulmans qui l’étaient le reste des saisons. A Dakar, l’homme africain n’était pas entré dans l’Histoire. Quelle trace le sarkozysme aura laissé en France si ce n’est celle d’une République prostituée dans ses valeurs ?
En pillant sans gêne dans le programme du Front National et en remettant en cause la liberté de circulation dans l’Europe, le président sortant ne nous a pas donné d’autre choix que de voter pour François Hollande au second tour. Je l’avais parfaitement assumé, expliquant que l’on pouvait toujours amender un programme, mais plus difficilement s’affranchir des valeurs que l’on défend.
François Bayrou a, lui aussi, fait ce choix personnel. Un choix historique. Jamais dans l’Histoire de la Ve République, un centriste n’avait exprimé un tel choix en faveur de la gauche. Le président du MoDem n’avait eu de cesse, depuis 5 ans, de revendiquer son indépendance et notamment de dénoncer l’ancienne hémiplégie dont souffrait le centre, qui ne faisait qu’appliquer la cruelle mais si lucide définition que lui en donnait François Mitterrand : "Le centre n’est ni de gauche, ni de gauche."
En déclarant vouloir voter pour François Hollande, dénonçant notamment le terrible discours de Toulouse de l’entre deux tours, articulé autours de la "frontière" et le spot de campagne de Nicolas Sarkozy qui laissait apparaître un panneau "douane" écrit en français et en arabe, non sans d’inacceptables sous-entendus, François Bayrou a alors donné des gages à sa volonté d’indépendance, et plus encore dans sa volonté d’en appeler à l’Union nationale.
Vers une Assemblée plurielle ?
Car François Bayrou ne s’est pas arrêté là. Depuis, il a clairement expliqué que la cohabitation serait "une catastrophe" pour la France. Ce qui en revient à ne pas désirer la victoire de la droite aux législatives.
Le centre serait-il devenu alors membre de la majorité présidentielle ? Évidemment pas. Larévélation du gouvernement de Jean-Marc Ayrault a définitivement convaincu les plus sceptiques, d’ailleurs, ou les amateurs de conspirations en tous genres. Il n’a jamais été question de participer au gouvernement de François Hollande.
En revanche, l’on aurait tort de rester sourd aux déclarations de Pierre Moscovici, Vincent Peillonou encore Ségolène Royal. Les législatives sont donc le moment de mettre en œuvre un premier pas vers une Assemblée plurielle et pluraliste qui n’aura qu’une vocation, une seule : la volonté de faire réussir la France. Le centre pour la France.
Je serai candidat aux législatives
Voilà pourquoi François Bayrou se lance dans les législatives. Voilà pourquoi des centaines de candidats se lanceront à ses côtés. Voilà pourquoi, j’ai décidé de me présenter dans la 1ère circonscription du Nord pour représenter les habitants de Loos, Lille Sud, Lille Sud-Est et Lille Centre.
Je suis certain que nombreux sont ceux qui partagent comme moi le projet de société proposé par le nouveau président de la République : une meilleure répartition de l’effort fiscal, faire de l’éducation une priorité, mais également redonner à l’égalité la place centrale que notre devise lui accorde, en ouvrant le mariage aux homosexuels et en donnant aux étrangers résidant sur le territoire le droit de vote aux élections locales.
Ces valeurs-là, je les partage sans aucune réserve.
Pour autant, le projet socialiste comporte un risque et non des moindres : en planifiant des dépenses excessives et en comptant sur une croissance providentielle que tous les spécialistes contestent, il laisse le spectre de la Grèce planer sur nos têtes, une épée de Damoclès.
Et la réaffirmation par François Hollande de sa volonté d’embaucher 60.000 postes dans l’éducation mardi, dans un pourtant magnifique discours à l’attention des enseignants qui retrouvent enfin un peu d’estime et de considération après avoir tant et tant été éreinté par un enfant barbare, ne va malheureusement pas dans le bon sens.
La question de l’éducation ne se résume pas à une question de moyens. Bien au contraire.
Nous devons rester vigilants sur les dépenses publiques en rappelant sans cesse au nouveau gouvernement qu’il est un devoir, non pas de dépenser toujours plus, mais de faire mieux.
Notre seule priorité doit être l’intérêt national.
Ce n’est donc pas dans une opposition stérile à François Hollande que nous nous présentons, mais avec la volonté de redresser ensemble notre pays. En lui rappelant que la question de la dette devra guider nos choix.
Notre volonté n’est donc ni de signer un blanc seing à un programme qui ne prend pas suffisamment en compte le poids de la dette, ni d’entrer dans l’abêtissante guerre de tranchée que se livrent droite et gauche depuis plusieurs décennies. S’opposer à une idée sous le fallacieux prétexte qu’elle est l’œuvre du camp d’en face n’est pas rendre service au pays en temps normal. Ca devient un crime quand ce même pays est en crise.
La seule force susceptible d’aider à faire voter des lois qui vont dans le sens de notre pays tout en comptant sur une vigilance redoublée par rapport à la gestion financière de notre état est le centre pour la France. Pour que l’opposition ne soit plus esseulée, mais qu’elle s’accompagne d’une épithète qui, elle seule, sera au service des Français : l’épithète "constructive".
Car c’est en étant ensemble que l’on construit. Pas en restant éternellement divisé.