Jean Glavany et Elisabeth Guigou au Conseil national du PS, le 19 juin 2012 (CHESNOT/SIPA)
PARITÉ. Des quatre prétendants au perchoir ce jeudi pour l’Assemblée nationale, il y a peu de chances que Jean Glavany sorte le vainqueur. Non que l’ancien directeur de campagne de Lionel Jospin soit dénué de qualités, et plus personne ne lui tient encore rigueur de ne pas avoir suffisamment pris au sérieux la menace Jean-Marie Le Pen lors de la campagne de 2002.
Et Glavany se prit les pieds dans le tapis
Son problème est bien plus récent, puisqu’il date de mercredi, quand il a voulu doubler Elisabeth Guigou, donnée favorite pour le poste convoité par une Ségolène Royal lâchée dans les urnes, et qui n’a pas hésité pour convaincre les députés de l’assemblée à déclarer : "Il faut absolument faire avancer la parité. Il est très important qu'aux plus hautes fonctions de l’État, il y ait au moins une femme."
À cela, Jean Glavany n’a pas pu trouver plus intelligent à dire que cette formule aussi sexiste que rédhibitoire : "L’adéquation d’un homme pour le poste, cela ne se mesure pas à la longueur des cheveux ou de la jupe. (…) Je suis le candidat de la France dans toute sa diversité."
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jean Glavany n’a pas été finaud. Dans une société toute médiatique qui s’empare du moindre lapsus pour en faire des gorges chaudes, rebaptisées "buzz" dans le langage 2.0, ce genre de sortie est suicidaire dans la perspective de la course au perchoir.
Et il est toujours surprenant de voir qu’au PS, les vieux réflexes de cette France rance et sans égard pour la gent féminine l’emporte sur le bon sens de l’image et de la communication, qui est pourtant une des pierres d’angles de la politique. Comme si c’était plus fort qu’eux. Pavlovien. Et qui n’est pas sans rappeler les amabilités lancées à Ségolène Royal à l’automne 2006, lors de la primaire socialiste…
La première qualité de Guigou selon elle ? Sa féminité !
Il faut dire que les femmes du PS en profitent bien et n’hésitent pas à surjouer de leur rôle de femme connaissant à la perfection la faiblesse de leurs adversaires à moustache (ou pas d’ailleurs…). Pourquoi Elisabeth Guigou a-t-elle absolument tenu à mettre en avant sa condition de femme avant d’énumérer les qualités innombrables qui lui permettent de postuler au poste de président de l’Assemblée ?
Seulement voilà, la parité est un sujet qui trouble la fête des politiques. Et pour cause : si François Hollande a bel et bien fait ce qu’il faut pour proposer un gouvernement paritaire, force est de constater que les postes-clés sont tenus par des hommes : Vincent Peillon à l’Éducation, Laurent Fabius aux Affaires étrangères, Pierre Moscovici, Jérôme Cahuzac et Benoit Hamon (trois hommes !) au poste de l’Économie. Seul le pôle de la Justice, avec Christiane Taubira et Delphine Batho, sauve la maigre mise.
Christiane Taubira et Delphine Batho font leur entrée au gouvernement, le 17 mai 2012 (ALFRED/SIPA)
Mieux : à l’Assemblée nationale seuls 27% des députés sont des femmes, contre 18,5% en 2007, quand la moitié de la population est française... Malgré une loi sur la parité votée en 2000, la cause féminine n’a pas suffisamment avancé, et la France fait partie des pays qui leur laissent la partie la plus congrue.
Tout est fait pour contourner la loi. Lors des législatives, une blague circulait à droite, qui en disait long sur l’état d’esprit : "Comment appelle-t-on une candidate UMP aux législatives ? Une suppléante !" Même si la loi sanctionne à présent financièrement les partis, il n’y a toujours pas de parité respectée, et seuls les Verts peuvent s’enorgueillir d’avoir élu autant de femmes que d’hommes.
Il ne faut pas une parité mécanique par quotas
Pour autant, il serait simpliste de croire que seule le machisme archaïque explique ce déséquilibre. La réalité, c’est qu’il y a beaucoup plus de militants que de militantes dans les groupes politiques. Et plus ce dernier est restreint, plus ce déséquilibre est criant.
Au MoDem, nous avons pris l’habitude d’alterner les prises de parole dans les assemblées et autres conseils. Et il est arrivé parfois de faire parler les mêmes femmes plusieurs fois afin de respecter scrupuleusement le principe.
De la même manière, combien de femmes ont été placées assez haut dans des scrutins de liste pour remplir les conditions de la parité, davantage que pour leurs véritables compétences ? Si l'on y ajoute des quotas sur la "diversité", comme on le dit avec beaucoup de précaution dans les rangs politiques, et l’implantation géographique, vous comprendrez pourquoi les investitures provoquent tant d’irritation dans les rangs des militants...
Croire que les femmes seraient moins intéressées par la politique que les hommes serait évidemment une profonde erreur. La difficulté ne réside évidemment pas dans les gènes, mais dans l’organisation de la société elle-même : tout comme dans le domaine professionnel, combien de femmes doivent prendre en charge les tâches ménagères et s’organiser autour des enfants, quand leur mari en profitent pendant ce temps pour, eux, assister aux réunions militantes ? En d’autres termes, la loi sur les quotas ou les pénalités financières ne changeront rien tant qu’une solution ne sera pas trouvée pour que les femmes puissent consacrer un temps égal à leur engagement que les hommes.
Mais une chose est certaine : ce n’est certainement pas en disant que la compétence ne se mesure pas à la longueur de la jupe que l’on fera avancer la cause des femmes…