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27 mars 2012 2 27 /03 /mars /2012 20:00

Le moins que l’on puisse dire c’est que la campagne n’est pas passée inaperçue ! Depuis lundi 26 mars, la FCPE, la fédération la plus influente des parents d’élèves, a décidé d’organiser un boycott des devoirs à la maison. Elèves, souriez, vous êtes ciblés.

 

Polémique autour des devoirs à la maison en primaire, BFMTV, 26/03/2012 

 

Un appel démagogique 

 

Dans un blog, aux relents démagogiques, la FCPE a décidé de taper fort dès le titre : "ce soir pas de devoirs !". Rime riche qui cache mal la misère de l’argumentation : "nous dénonçons depuis longtemps la persistance des devoirs à la maison, dont personne n'a jamais prouvé l'utilité". La première phrase est à peine lue que, l’enseignant que je suis, sens des gouttes de sang perler de ses yeux. Meurtris.

 

Le reste est, en termes d’émotions ressenties, indicible, indécent, insupportable : "Nous rejetons cette forme de sous-traitance pédagogique aux familles". Cet appel, irrespectueux des méthodes pédagogiques des enseignants qui risquent de se retrouver face à une rébellion des élèves, est clair : il tend à enlever, de façon définitive, l'autonomie pédagogique des professeurs.

 

Mais à quoi correspond cet appel si ce n’est à la prise de pouvoir définitive des parents sur la pédagogie ? Il est temps de remettre un peu d’ordre dans cet appel, qui sous des apparences sympathiques, relève d’une idéologie dangereuse, celle qui a gangrené notre école publique depuis 30 ans.

 

Capture d'écran du blog

Capture d'écran du blog "Ce soir, pas de devoirs", FCPE, 26/03/2012

 

Interdiction des devoirs écrits = fin des leçons à apprendre 


Il faut dire que l’histoire des devoirs maison fait parler dans les chaumières depuis plus d’un demi-siècle. D’emblée, annonçons aux collégiens, aux lycéens et aux étudiants qu’ils ne sont pas concernés et qu’ils peuvent, avant même d’avoir achevé la lecture de cet article, retourner bucher sur leur cahier. La directive, rédigée par Christian Fouchet, date en réalité de 1956 et a été réactualisée en 1964 et ne concerne que le primaire. Que dit elle ?

 

"L’arrêté du 23 novembre 1956 et la circulaire du 29 décembre 1956 ont précisé qu’aux cours élémentaires et moyens les devoirs doivent être faits dans l’horaire normal de classe et non plus à la maison ou en étude. (…) Je tiens à préciser que l’interdiction formelle de donner des travaux écrits à exécuter hors de la classe s’applique également aux élèves des cours préparatoires et vise, d’une façon plus générale, l’ensemble des élèves de l’école primaire."

 

On le voit, la restriction ne concerne que les devoirs écrits ! Les fameux "DM" (Devoirs Maison) de maths, par exemple, qui hantent la vie des parents de manière bimestrielle (les principaux concernés comprendront). Malheureusement, et comme le veut une bien triste coutume, il y a les textes et ses interprétations. Il en va dans la religion comme dans l’Education nationale.

 

Et souvent l’exégèse prend le pas sur le texte fondateur, quand ce n’est pas l’exégète lui-même qui passe au statut de sacrée divinité… En supprimant les devoirs à la maison, la tradition implique donc la fin des leçons à apprendre.

 

Pourtant, où cela est-il inscrit dans la circulaire ? N’est-il pas question seulement de "travaux écrits exécutés hors de la classe" ? Même Bernard Defrance, dans "sanctions et discipline à l’école" (Ed. La Découverte), un livre aux analyses et conclusions souvent contestables tant il tombe dans le Doltoïsme mal digéré, le reconnaît sans ambiguïté : "cette circulaire interdit les devoirs sous forme écrite, les leçons comme mémorisation de ce qui a été vu en classe restent évidemment recommandées."

 

Pléthore de parents se plaignent de la masse des devoirs et leçons qui reviennent chaque soir, à en croire la FCPE, mais combien sont ceux, à tort et à raison d’ailleurs, qui s’étonnent de l’absence de la moindre charge de travail sitôt la sonnerie retentie ? À tort, car les exercices sur lesquels se focalisent la plupart des commentaires sont prohibés. Mais à raison dès lors qu’aucune leçon n’est assimilée.

 

Un apprentissage vital et nécessaire

 

Comment apprendre quand on ne peut plus le faire à la maison, après la classe ? Les cours deviennent des ateliers, où se multiplient des activités visant à ne pas ennuyer les élèves et révélant des savoir-faire tout en étant dans le savoir-être (verbiage jargonneux pédagogiste quand tu nous tiens). Un cours qui n’a pour finalité que l’exécution, comme le caricature la FCPE, et qui occulte l’apprentissage des savoirs est vain à court terme, nocif à moyen terme et la voie ouverte au totalitarisme à terme.


Car le savoir est une des clefs essentielles à toute démocratie. Ainsi depuis des décennies, des élèves de primaires reviennent sans leçon, soir après soir, devant leurs parents médusés, se disant que décidément l’école a bien changé.

 

 

Résumé des trente dernières années de la contamination au sein de l’éducation nationale. La seringue ne fut autre que la puissante IUFM (Institut Universitaire de Formation des Maîtres). Les professeurs furent ainsi culpabilisés dès qu’ils demandaient l’apprentissage des leçons et plus encore quand ils en faisaient des interrogations.

 

Petit garçon faisant ses devoirs, illustration 02/08/2005 (LEVY BRUNO/SIPA)

Petit garçon faisant ses devoirs, illustration 02/08/2005 (LEVY BRUNO/SIPA)

 

Même s’il a reconnu bon nombre de ses erreurs de jugement, Philippe Meirieu, spécialiste des sciences de l'éducation, n’en démord pas : dans "pédagogie, le devoir de résister" (Ed. Esf Editeur), plaidoirie pour sa paroisse et réquisitoire contre ceux qui ont osé prêter aux défenseurs de la pédagogie de mauvaises intentions.

 

Si l’on en croit le défenseur de "la pédagogie" , celle qui "tente de faire accéder à la culture et à la liberté des êtres humains jusque-là inéducables et voués à l’exclusion" (sic), l’apprentissage "par cœur" serait un apprentissage bête et inutile, n’ayant aucune sorte d’utilité.

 

Une mécanique du cerveau utile

 

Mais persister dans l’erreur avec rage et désespoir envers et contre tous relève de la bêtise pure et simple. L’apprentissage par cœur n’a jamais sous-entendu l’absence de compréhension. Il sera toujours plus aisé de retenir une leçon comprise. Le but n’est pas d’ânonner les versets écrits à la craie sans avoir à regarder son missel mais bien de retenir et de comprendre les choses. Étymologiquement, "comprendre" signifie "prendre avec soi".

 

L’absence d’apprentissage ne permet pas d’ancrer dans la mémoire les savoirs essentiels dont l’élève aura besoin plus tard. Les spécialistes le confirment régulièrement : l’on ne retient que 10% d’un cours, au mieux. Comment dès lors se passer de l’étape essentielle que représente l’apprentissage de la leçon ? 

 

L’apprentissage des leçons, régulier, quasi-journalier même, permet d’investir sur l’avenir : habitué à la mécanique, le cerveau mettra d’autant moins de temps à retenir les savoirs futurs.  Qu’on le veuille ou non, l’homme est une mécanique et ne peut, telle la machine, se programmer qu’autour d’un nombre limité de savoirs utiles.

 

Le rapprochement avec Meirieu n’a rien de surprenant sur cette thématique quand on lit ceci :

 

"Mais nous assistons justement à une demande forte d’un retour à des organisations du travail ou à des méthodes d’enseignement d’un autre temps, comme l’organisation par degrés et non par cycles, le redoublement, les méthodes de lecture syllabiques, l’uniforme, les récitations systématiques, etc. A quoi attribuer cette régression ?"

 

La FCPE vs SOS éducation

 

Les récitations, le redoublement et les méthodes syllabiques seraient des régressions ? La FCPE, à la lire, applaudit des deux mains et va même plus loin : elle met l'enfant au centre et non le savoir au centre, la suppression des notes qui s’ajoute à celle du redoublement et la classe comme lieu de valorisation.

 

C’est mot pour mot le programme opposé de SOS éducation.Troublant parallèle entre les deux associations qui sont fondées sur deux idéologies concurrentes : l’une est placée sur les rivages d’une droite très sombre quand l’autre triomphe dans la pédagogie, obtenant que la note de "vie scolaire" (la note de comportement et d’assiduité) puisse être l’équivalent d’une moyenne de français ou de mathématiques.

 

Mêmes méthodes aussi puisque l’une et l’autre se fondent sur les témoignages d’anonymes pour démontrer la véracité de leur discours. Même utilisation de la démagogie : qui est pour la violence et pour la différence sociale ?

 

Une bipolarisation du débat 

 

Le monde éducatif serait-il, à l’aune du monde politique, condamné à la bipolarisation, et à l’expression de deux visions extrêmes et irréconciliables ? Les devoirs maison ne relèvent pas d’un dogme. Les exercices ont vocation à être effectués sous l’expertise du professeur qui dispose de la formation et du savoir-faire.

 

En revanche, l’apprentissage des leçons est essentiel et le nier revient à dire que le savoir est inné. Ce qui ramène aux inégalités naturelles et à la pire injustice qui soit ! L’apprentissage des leçons est une mécanique, fondée sur la répétition qui fixe les notions. C’est ingrat. Souvent pénible. Mais c’est au prix de cet effort que se creusent les fondations sur laquelle la pensée peut naître. La pensée ne peut vivre si le souffle ne lui est pas donné. Ce souffle c’est l’apprentissage des leçons.

 

La FCPE se trompe de cible et ses idéologies mortifères vont plus loin : elles se font rivales de "SOS éducation", une association peu fréquentable qui fait de la violence et de l’exclusion sa nourriture exclusive à la manière d’une Marine Le Pen. Notre école est malade et ne peut se permettre pareille hémiplégie de part et d'autre.

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Présentation

  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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