Coluche, Patrick Sébastien, Philippe Torreton, Dieudonné, Ronald Reagan, Beppe Grillo, Olivier Minne et aujourd’hui Véronique Genest. La liste n’est évidemment pas exhaustive, mais tous ont un point commun : parti du statut de comédien, ils ont fini par s’engager dans la politique, avec plus ou moins de réussite. Parmi eux, Philippe Torreton fut élu conseiller de Paris (et par là même conseiller général) et Reagan président des Etats-Unis. Preuve s’il en est que les clowns de la rubrique people peuvent user de leur strass et paillettes pour séduire les électeurs.
Nul n’ignore ce dont le succès politique se nourrit. L’image et la notoriété sont des outils essentiels et nécessaires, même s’ils ne sont pas toujours suffisants. Mais nul salut sans avoir une image bien ancrée chez les citoyens.
Etre artiste empêcherait-il d’aspirer à une carrière politique ? Evidemment, non. Tout citoyen, quelles que soient ses aspirations et son activité peut emprunter la voie de l’engagement. Le problème, c’est évidemment quand ces comédiens se contentent d’être des comédiens avec un engagement sans autre épaisseur. Et les cas de Beppe Grillo et de Véronique Genest, chacun dans son genre, et chacun à son niveau en sont une illustration des plus fraiches.
En devenant le troisième homme des élections générales en Italie, Beppe Grillo a la position la plus convoitée de l’autre côté des Alpes : la gauche ne pouvant faire coalition avec la droite de Berlusconi, il est le seul recours possible pour obtenir une majorité. Pour autant, rien ne se fera ni avec l’un ni avec l’autre, et pour cause : le comédien a fait du poujadisme l’essence même de sa campagne, mettant dos à dos gauche et droite au son du « tous pourris », le tout avec des relents d’antisémitisme et de propagande anti-immigration. Toute ressemblance avec un certain parti de France serait purement fortuite.
Pas très loin de là, pour le moins virtuellement, la comédienne française Véronique Genest alias Julie Lescaut, est suppléante de Jonathan-Simon Sellem dans la huitième circonscription des Français de l’Etranger, regroupant notamment l’Europe du Sud Est et Israël. Invitée à décliner les motivations de sa candidature et à dévoiler quelques pans du programme et de la pensée de celui dont elle dit être un simple « porte-voix » dans l’émission « On n’est pas couché », elle abonde dans le sens de son titulaire quand celui-ci explique que « La Palestine est une fiction ». Plus grave encore, elle explique qu’elle a « l’impression qu’on dissimule un antisémitisme dans la création d’un état palestinien ». Véronique Genest, en ingénue politique, malgré une ligne idéologique un peu trop claire n’hésite pourtant pas à dire qu’elle ne fait pas de politique, qu’elle ne fait qu’une entrée, et qu’elle finira bien par en faire. A quelques semaines du scrutin. On croirait rêver.
Alors manipulé ou manipulateur, nos artistes ne sont décidément plus toujours très drôles quand ils décident d’utiliser leur image pour faire avancer un discours politique. Et Dieudonné avait déjà marqué la voie. Brunâtre. Un savant mélange de « bon sens populaire » et de « parler vrai » qui se veut un antidote à la langue de bois des politiques. Les deux vers de Mallarmé pourraient ici s’appliquer à leur vision politique : « Le sens précis rature / Ta vague littérature ».
Car tout ceci ne serait possible avec un peuple averti, un peuple éclairé, un peuple cultivé. Les élites politiques ont, sournoisement et avec un cynisme assumé, laissé le peuple s’abêtir pensant pouvoir les manipuler. Ils se rendent compte qu’à ce rythme, ils se sont coupés de lui et que d’autres en profitent. Les mêmes qui étaient censés le distraire. La valse macabre est engagée.
Publié sur Mediavox le 11 mars 2013.