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29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 20:13

Les médias ont décidé que la semaine de François Hollande s'était parfaitement passée. C'est ainsi. On a vu aussi beaucoup d'encre couler sur le face à face avec Juppé et le volet économique... et si peu sur l'éducation.

 

Rentrée au lycée Massena à Nice le 13 septembre 2001 (BEBERT BRUNO/SIPA)

Rentrée au lycée Massena à Nice le 13 septembre 2001 (BEBERT BRUNO/SIPA) 

 

Pourtant, les propositions sur l’école étaient pour le moins guettées, après des primaires socialistes qui avaient vu les candidats s’écharper sur la question. De ces débats, vifs mais sincères, était restée une proposition, claironnée comme un hymne : les 60.000 postes de l’Education Nationale.

 

Des créations de poste, certes : mais quels postes, et où ?

 

Et ce même si, au fil du temps, la proposition s'est métamorphosée en un concept pour le moins flou. Et il n’est guère besoin de s’appeler Martine pour flairer que là où il y a du flou, il y a un loup. Surtout quand  Vincent Peillon, chargé de la mission éducative dans le projet PS, s'est complu en novembre dernier dans une glose approximative, abstraite à souhait, sans donner l’ombre d’une proposition concrète. 

Autant le dire, les amateurs de gastronomie généreuse risquent de rester sur leur faim : sur la question éducative, le projet PS fait davantage dans la cuisine minimaliste. Pensez donc : sur les soixante engagements, et ce malgré un chapitre entier titré : "Je veux redonner espoir aux nouvelles générations", seuls quatre d’entre eux traitent de la question ! On sombre même franchement dans la cuisine moléculaire. Ceux qui s'étaient pourléchés les babines en espérant que les appétences d’une profession plus déprimée que jamais allaient être comblées en seront pour leur compte.  

Comme on pouvait s’y attendre, les 60.000 postes crées ne seront pas tous des postes d’enseignants, alors que Hollande avait joué sur l’ambigüité. Ce ne sont donc pas tous les postes qui ont été supprimés sous l'ère Sarkozy qui seront rétablis. Douche froide en salle des profs avec la confirmation sur le papier de ce qui était pressenti : "60.000 postes supplémentaires dans l’éducation. Ils couvriront tous les métiers". C’est bien connu, les promesses n’engagent que ceux qui veulent bien y croire.

Du bon sens non plus d’ailleurs, il n’y en aura pas davantage, car la promesse de ces moyens supplémentaires sera orientée en priorité en primaire, faisant fi des analyses du HCE (Haut Conseil de l’Education), selon qui c’est bel et bien le collège qui est et reste le talon d’Achille de l’Education Nationale : "Dans l’affectation des nouveaux personnels, ma priorité ira aux écoles maternelles et primaires, car c’est là que les premières difficultés se manifestent et que l’échec scolaire se forme".

 

Les rythmes scolaires : une histoire de tourisme

La question des moyens, du moins dans le secondaire, ne semble donc plus une priorité. De là à croire que c'est l'occasion pour François Hollande de faire son mea culpa et de reconnaître que la question éducative ne peut se résumer à une question de moyens, il y a un pas que ce projet ne franchit pas.


Dans ce famélique inventaire se tortille par ailleurs un vieux serpent de mer : les rythmes scolaires, dont on sait qu’ils sont la corollaire des exigences des professionnels du tourisme, rare secteur en croissance constante et en pôle d’excellence.

 

Vacances sur l'étoile de la mort (flickr/Kalexanderson/cc)

Vacances / Flickr cc 

 

Et il n’est pas sûr que l’on sacrifie un des leviers de notre économie sur le bûcher des journées prétendument trop lourdes de nos écoliers, sauf à croire que c’est le rythme scolaire qui explique nos résultats catastrophiques.

 

De quoi faire bien rire les Coréens, au deuxième rang mondial du classement PISA, dont les dirigeants ont dû réfréner le stakhanovisme de leurs jeunes pousses (et la lubie de leurs parents) en votant une loi empêchant de donner des cours particuliers au delà de… minuit pour éviter les abus.

 

Preuve s’il en est qu’il n’y a pas de solutions miracles, et qu’il ne peut être question que de caricatures quand on prétend vouloir copier ce qui réussit là quand de l’autre côté on triomphe avec des recettes exactement inverses.

 

Pas de vraie réforme pédagogique

Pour le reste, la déception est tout aussi considérable : si la scolarisation des enfants de moins de trois ans ne rencontrera aucune opposition, de même que la formation des enseignants, dont même l’actuelle majorité regrette le sacrifice, qu’en sera-t-il de la réforme pédagogique tant attendue ?

 

"Je donnerai la priorité à l’acquisition des savoirs fondamentaux et d’un socle commun de compétences et de connaissances. Au collège et au lycée, nous transformerons, avec les enseignants, les méthodes pédagogiques. Les élèves les plus en difficulté bénéficieront d’un accompagnement personnalisé"

La priorité sera donc donnée au socle commun des compétences et des connaissances, qui privilégie tant les premières pour sacrifier les secondes : cache-misère qui garantit un socle de connaissances minimum quand il devrait assurer un socle de connaissances minimales.

 

Une perte d’ambition qui s’accompagne d’une idéologie : la pédagogie dont il faut revoir les méthodes. Formulation sibylline et dont on sait qu’en déduire : nous revient alors le spectre de Philippe Mérieu qui affirme dans "La Pédagogie, le devoir de résister que", si les réformes pédagogiques des trente dernières années n’ont pas abouti, c’est que l’on n’est pas assez loin dans l’expérimentation...

 

Des "réformes" qui pourtant ont fait des classes des laboratoires incertains tenus par des apprentis sorciers, laissant la portion congrue à une véritable transmission du savoir... 

 

Le paradoxe de la personnalisation de l'enseignement


Enfin, on l’a lu, la priorité sera donnée à la personnalisation de l’enseignement. L’école est devenue une gigantesque usine à gaz, dans laquelle l’enseignant doit répondre à deux objectifs aussi éloignés que contradictoires : la massification de l’enseignement et la personnalisation des savoirs.

 

Il n’est plus question d’amener l’élève à l’autonomie. Il faut s’adapter, c’est-à-dire se plier aux exigences et aux desiderata des élèves. C'est l’élève qui amène le professeur à lui. Ainsi plutôt que d’apprendre à un élève de faire silence dans la classe, on veillera à adapter sa pédagogie pour faire cours dans le bruit. Inique. 

Et ce manque d’autonomie, François Hollande espère le poursuivre bien au-delà du secondaire puisqu’il préconise le décloisonnement : "des filières à l’université afin d’éviter une spécialisation trop précoce des étudiants".

 

Avec l’abandon de la spécialisation, les premières années d’Université deviendront la continuité du lycée quand bien au contraire le lycée devrait être préparatoire à l’Université, une forme de propédeutique pour donner les armes aux futurs étudiants. Les armes de l’autonomie.

 

Rien de tout cela ici pour nos futurs étudiants qui auront des diplômes mais sans savoirs précis.Une vraie chair à patron à la recherche d’employés bassement payés. Très socialiste comme idée...

 

Appâter les électeurs parents d'élèves 

Alors comment donner du rêve aux parents qui sont tout de même appelés à voter ? Eh bien en faisant actionner l’arme de la démagogie et en usant et abusant de l’Etat Providence à une époque où nos finances publiques ne nous le permettront pourtant pas : "J’augmenterai de 25% (sic !) l’allocation de rentrée scolaire dès la prochaine rentrée." 25% !

 

Comme s’il s’agissait là d’une priorité ! Alors que le vrai problème n’est pas dans la somme attribuée mais dans le fait que les parents qui envoient leur enfant en primaire touchent peu ou prou la même somme que s’il l’envoyait au lycée alors que le coût de la scolarité n’est pas le même. Ce n’est pas dans les moyens que réside le problème mais dans la répartition. 

Non, décidément non, Monsieur Hollande n’a rien à proposer à l’école. Son projet a éludé la question, en ne proposant RIEN, ou en laissant entrevoir des orientations mortifères pour un secteur qui n’en finit plus de souffrir.

 

Décidément, comme je l’avais dit, l’histoire d’amour entre l’école et le PS se termine vraiment mal. Et la note risque d’être salée au soir du premier tour...

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23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 20:13

C’est devenu presque un poncif depuis quelques jours, le bon mot qu’il convient de glisser dans les diners mondains, histoire d’épicer le repas : François Bayrou creuserait le même sillon populiste que Marine Le Pen.

 

François Bayrou (CHAMUSSY/SIPA) et Marine Le Pen (J.BRINON/SIPA) - Montage Le Plus / Le Nouvel Observateur

 François Bayrou (CHAMUSSY/SIPA) et Marine Le Pen (J.BRINON/SIPA) - Montage Le Plus / Le Nouvel Observateur

 

Et ils en glosent avec le ton péremptoire et l’assurance de ceux qui ont trouvé l’analogie la plus subtile qui soit. Omettant, leur mémoire leur faisant défaut, que c’est à Bernard De la Villardière, qui est au journalisme ce que Lorie est à la chanson française, que l’on doit l’expression "Bayrou, c’est du Le Pen light".

Alors on en discute, demandant sur un ton accusatoire à quoi François Bayrou joue avec la démocratie française (pas sûr que l’on sache très bien de quoi il en retourne, mais de la part de celui qui estimait qu’il était gênant de soutenir "Charlie Hebdo" qui avait été victime d’un attentat sous le fallacieux prétexte que Marine Le Pen avait apporté son soutien, on ne s’étonne plus de rien), on échafaude des deuxièmes tours improbables pour se faire peur.

 

Car c’est bien cela dont il s’agit : se faire peur. Avec la seule question qui finalement semble intéresser certains : si le deuxième tour venait à ne pas proposer un bon classique droite/gauche, à savoir Hollande/Sarkozy, la France et la démocratie se remettraient-elles d’un tel cataclysme ? 

 

La même peur qui avait poussé Jean-Marie Colombani à signer, dans "Le Monde", un des éditoriaux les plus scandaleux et le plus antidémocratique qui soit à la veille du premier tour de la présidentielle de 2007 sous le titre de "Impératif démocratique", quand François Bayrou menaçait, déjà, de souffler la deuxième place à Ségolène Royal (et par là même de remporter la présidentielle) ? 

 

Fantasme

 

Le même "Monde", qui cette semaine va encore plus loin ce week-end, puisqu’il a fantasmé les mots prononcés par Bayrou lors de son premier meeting de Dunkerque, au point de lui avoir fait dire l’expression "UMPS" que jamais le Béarnais n’a utilisée ? L’erratum fait sourire quand "Le Monde" parle d’"erreur de lecture". Le mal est fait. Et en dit long sur l'état d'esprit qui règne et l'impartialité (sic) de ceux qui retranscrivent la campagne. Calomniez, il en restera toujours quelque chose.

 

Mais de quoi est-il question au juste ? Car autant on peut estimer que Nicolas Sarkozy avait clairement siphonné les voix du Front National il y a cinq ans, et continue de vouloir le faire à en croire les déclarations parfois fracassantes de Claude Guéant, autant on ne peut pas dire que François Bayrou ne peut être accusé d’agiter le drapeau rouge de l’immigration dans son discours, lui qui s’est d’ailleurs déclaré favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales(contrairement à la droite et au FN qui s’y opposent catégoriquement).

 

Certains diront que le "Produire français" sonnait "Front National" ? Mais ont-il alors entenduNicolas Sarkozy et François Hollande reprendre le même créneau sitôt qu’ils avaient vu que ce discours qui faisait l’économie d’un protectionnisme stérile et surtout contraire aux accords européens avait permis à François Bayrou de faire une percée non négligeable ?

 

Non, le seul argument qui peut expliquer le début d’une analogie c’est le "classement politique" des deux candidatures de Marine Le Pen et de François Bayrou : celui des "anti-système", expression grand public s’il en faut. Mais encore faudrait il expliquer ce que ces deux candidats recouvrent sous cette étiquette qu’on leur donne.

Chez Marine Le Pen, le système, souvent contracté à travers l’expression UMPS, a supplanté la sémantique paternelle qui lui préférait "l’establishment". Système, UMPS, establishment ? Que désignent tous ces termes, au juste ? Tous ceux qui, selon, le FN, ont été "aux affaires" depuis 30 ans, et qui ont été la cause de la crise.

 

Au son du "tous pourris", qui n’est pas rappelé un certain Poujade, derrière qui militait, jeune, Jean-Marie Le Pen, le FN fait du "sortez les sortants" un hymne éternel. Et qui fonctionne à merveille. La preuve, nombre de maires FN ont été éjectés du pouvoir une législature plus tard, par la force des urnes ou de la Justice, Jean-Marie Le Chevallier maireToulon, ayant la palme du mieux loti puisque éliminé en 2001 avec moins de 10% des voix en 4e position.

 

Bayrou, l'anti-bipartisme

Rien de tout cela chez François Bayrou. Pour lui, ce ne sont pas les élus en eux-mêmes qui sont en cause, mais les partis et leurs étiquettes. C’est l’alternative stérile droite/gauche, fruit de l’hydre bipartite, qui gangrène notre système. Non pas pour dire "tous pourris", mais pour que les membres des partis puissent travailler sans avoir l’abêtissante loi des appareils pour faire de la politique.

 

Pour Bayrou, on ne doit pas voter pour respecter la logique d’un parti, mais parce qu’une loi est utile aux Français. En d’autres termes, pour Marine Le Pen, être anti-système revient à dire que tout le monde est pourri et que seul le FN a les clefs de la République, quand François Bayrou estime que les femmes et hommes politiques doivent oublier leur étiquettes pour travailler ensemble.

 

L’une s’escrime à diviser les Français quand l’autre œuvre pour les rassembler et les faire travailler ensemble. Alors comment interpréter autrement ces amalgames douteux si ce n'est l'envie de savonner la planche du Béarnais, de couper court à tout élan, et bien pire de contourner le débat puisque les arguments manquent ? Surtout quand on apprend que les QG, et notamment celui de Hollande, ont demandé à durcir le ton envers le Président du MoDem. Et pour cause : il fait peur. 

 

Bayrou gagnant au deuxième tour quelque soit le candidat en face ? Voilà qui devrait rassurer ceux qui craignaient de "devoir" voter utile...

 

Et à ceux qui perdureraient à vouloir manier les amalgames, parce qu’évidemment qu’à défaut de programme ou d’idées claires, il vaut mieux focaliser sur autre chose que sur ses propres insuffisances, je ne saurais leur conseiller de relire ces quelques mots :


"La politique à suivre, qui est une politique d’entente nationale, est incompatible avec le ciblage permanent des immigrés. Elle est incompatible avec l’obsession de l’islam. Parce qu’on ne peut pas demander des efforts partagés à un peuple dont on rejette violemment un partie."


C’est François qui les a écrits. Pas Hollande. François Bayrou [1]. Le même que l’on compare volontiers à Marine Le Pen.

 

--

[1] "2012, Etat d’Urgence"

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22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 19:55

Marine Le Pen aura décidément passé une sacrée semaine. A peine remise de son KO incontestable et unanimement reconnu face à notre championne WBC en catégorie journalisme, j’ai nommé Anne-Sophie Lapix, v’là-ty pas qu’elle revient, encore l’œil jauni par son coquard, sur le devant de la scène, pour sauver le peu de crédibilité qui lui reste.

 

Meeting de campagne de Marine Le Pen, le 15 janvier 2012 à Rouen (CHAMUSSY/SIPA)

Meeting de campagne de Marine Le Pen, le 15 janvier 2012 à Rouen (CHAMUSSY/SIPA).


Puisque son programme économique, nerf de la guerre de cette campagne présidentielle, a été réduit à néant, lui reste tout de même l’électorat populaire. Et pas question pour elle de partager le gâteau. C’est donc avec une ironie farouche qu’elle s’est attaquée à François Bayrou, ce vendredi, qui a tenu jeudi son premier meeting à Dunkerque en tenant à s’adresser tout particulièrement "parler au nom" des "petits, des obscurs, des sans-grade".


Estimant que le mot "sans-grade" et "petits" étaient la propriété exclusive de la famille, elle a tout bonnement déclaré : "Bayrou fait du Le Pen, mais tout le monde fait du Le Pen en réalité, avec plus ou moins de succès, il faut bien le dire", a commenté la candidate du parti d'extrême droite à l'Elysée.


Marine Le Pen serait donc la seule légitime pour parler au peuple ? A Saint-Cloud, il faut bien le dire, la nouvelle a eu un effet dévastateur. Les fous-rires ont déclenché une secousse sismique suffisamment importante pour qu’elle puisse être mesurée sur l’échelle de Richter.

 

Et pour ceux qui auraient des trous de mémoire, et il se pourrait bien que Marine Le Pen soit de ceux-là, il convient d’exhumer cet extrait d’un reportage diffusé en décembre dernier, pendant les vacances de Noël sur Canal Plus. Un  passage très court, mais qui en dit long sur la légitimité de Marine Le Pen sur ce bon vieux peuple qu’elle connait si bien :

 

 

Quand je vous disais qu’à St-Cloud, tout le monde en rit encore…


Sinon, sans doute faudrait-il par ailleurs éclairer la lanterne de la châtelaine de Saint-Cloud, qui joue à la Madone d’Hénin-Beaumont les jours de messe : François Bayrou n’a guère de temps ni l’esprit à citer la famille Le Pen quand il fait ses discours… Eh, non, ne lui en déplaise, c’est chez Edmond Rostand que le Béarnais aime trouver sa muse, la libre inspiration de sa plume, et non dans les discours fleuves d'un homme d'extrême droite, aux idées nauséabondes et dont la fille est la digne héritière... loin du peuple.


Y’a des semaines comme ça. Quand ça veut pas, ça veut pas…

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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 19:54

Grand moment de professionnalisme hier sur Canal Plus : alors qu'on avait l’habitude de voir des journalistes servir la soupe à Marine Le Pen, ou la contredire mollement en lui ressortant les vieux dossiers du père (tactique inefficace auprès de l’électorat flottant, qui tend à être séduit par ce qu’il considère être un nouveau FN), Anne-Sophie Lapix a offert hier une prestation de choix.

 

Préparée à riposter à la rhétorique de la nouvelle présidente du Front national, pointue sur le chiffrage du projet et très au fait des dossiers abordés, la présentatrice de Dimanche Plus a offert à la France entière une leçon de journalisme. Extrait :


Veuillez installer Flash Player pour lire la vidéo

 

Voilà ce que l’on appelle faire échec et mat. Dans les cordes, on a enfin vu Marine Le Pen en face de ses aberrations, sans qu'elle ne sombre dans la caricature. Des faits, rien que les faits. Et la démonstration fait mouche. 

 

Sur le revenu familial, elle avoue avoir lancé une idée avant même de savoir sa faisabilité. Et affirme, sans même le garantir, que sa mesure serait effective dès 2013 (après la sortie de l’euro, sans doute ?).


Concernant la suppression des allocations familiales des étrangers, Lapix met au jour une ambigüité concernant les enfants nés sur le sol français qui pourraient se voir priver ides sociales malgré le droit du sol.


Mais la cerise sur la gâteau reste l’augmentation de 200 euros pour tous les salaires de moins de 1500 euros net par mois, qui met en lumière l’amateurisme de Marine Le Pen, incapable de faire une simple multiplication pour rectifier un chiffrage ubuesque.

 

On n’est plus, vous me direz, à quelques milliards près. Et Marine Le Pen enchaîne en disant que la calculatrice, dont elle aurait au passage bien besoin, oublie l’augmentation de la TVA sur les produits importés qui, au final, sera payée par les mêmes qui auront vu leur salaire augmenter.

 

Prise la main dans le pot de confiture, Marine Le Pen digresse sur les salaires : "Ce n’est pas parce que l’on fait une augmentation des taxes de 3% que les prix augmentent de 3%." Logique, non ?


Groggy, la présidente du FN tente la riposte du pauvre en prétendant que la journaliste mélange tout, qu'elle enchaîne trop de sujets à la fois... alors qu'elle ne fait que reprendre son propre raisonnement ! Mauvaise foi quand tu nous tiens !

 

Alors Marine le Pen s’énerve et fait tomber le masque avec sa phrase "puisque vous êtes une grande économiste". Diantre, Anne-Sophie Lapix a osé poser une question pertinente et voilà l’arrogance et la condescendance qui arrivent ? 


Et le passage on ne peut plus tendu de se conclure par le "pas orientées, des questions simples" de l’animatrice et le sourire figé, jaune, de Marine Le Pen qui rétorque un "bien sûr" qui cache mal une colère froide.


Marine Le Pen a vu son programme économique, ainsi que le chiffrage annoncé en grande pompe cette semaine, complètement décrédibilisés en quelques minutes.

 

Preuve est faite qu’avec un minimum de préparation et de pugnacité, on parvient à démontrer avec pédagogie l’imposture proposée par Marine Le Pen. Du grand art. Bravo, Madame Lapix.

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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 19:53

"Un pays uni, rien ne lui résiste." Plus qu’un slogan, une promesse. François Bayrou tente de garder le cap dans la tempête. Alors que la France vient d’avoir la confirmation de sa situation critique, en perdant son fameux triple A, le bateau de la présidentielle pourrait prendre une autre direction.

 

François Bayrou lors du Conseil National du MODEM, le 26 novembre à Paris (CHAMUSSY/SIPA)

François Bayrou lors du Conseil National du MODEM, le 26 novembre à Paris (CHAMUSSY/SIPA)

 

Repoussés par les quarantièmes rugissants, portés par un puissant zéphyr, ou bien encore noyés par la puissante marée, les candidats n’auront pas toujours leur destin entre leurs mains.

 

Bayrou, le plus solide des candidats

 

Et François Bayrou, en vieux loup des mers, est de loin le plus expérimenté. Car il a fait de la résistance l’essence même de sa carrière politique. Au moins durant la dernière décennie. Mais au-delà de cette carapace qui s’épaissit de semaines en semaines, pourquoi semble-t-il poussé par des vents aussi porteurs ?


Le mythe de la puissance mystique viendra certainement alimenter les débats. La légende s’est ébruitée de ports en ports. Certains par pur persiflage, d’autres pour inverser le cours d’une élection qu’ils ont fini par remporter en déroulant le tapis…vert. Et Nicolas Domenach de puiser dans les confidences et les souvenirs pour évoquer cette confiance en soi, qui habite tous les hommes politiques, qui rendent ces hommes-là si confiants, qu'on les croirait faits d'une autre pâte que les hommes du commun (pour parodier le joujou du pauvre de Baudelaire, évocation que je me dois de souligner en ces temps de suspicions intenses sur toute intertextualité…).

 

Lévangile selon Cohn Bendit - la vierge et St... par snoopyves1

 

Arrogance ou piété déraisonnable ?

 

Aucune des deux. Si François Bayrou a toujours cru que son destin politique passerait nécessairement par la présidentielle, ce n’est pas tant en raison d’un rapport religieux à la chose mais parce que le Béarnais a compris, sans doute mieux que tout le monde, comment fonctionnaient les arcanes de notre cinquième République, surtout depuis l’inversion du calendrierinitiée par Lionel Jospin.

 

La présidentielle engendre depuis deux lustres déjà le résultat des législatives. Les Français ont besoin de cohérence et ils n’ont jamais hésité à accorder leur confiance au président qu’ils avaient fraîchement élu, même quand une majorité d’entre eux l’avaient fait par dépit comme au deuxième tour de 2002, qui offrait Jean-Marie Le Pen pour compléter l’alternative.


Une fois le président et l’assemblée décidés, il n’y a guère d’illusion pour espérer peser sur le débat public. Les hauts sièges discrets de l’Assemblée n’offrent que des strapontins pour apercevoir le spectacle pathétique des affres du crétinisme bipartite, en aucun cas une tribune royale pour être l’acteur des débats.

 

Sans présidentielle, point de salut. Que les camelots adeptes du mercantilisme en guise de discours politique remballe leur rhétorique vieillie et inopérante : à moins de négocier comme l’ont fait les Verts en vue des législatives quitte à stériliser la candidature d’Eva Joly, négociations qui ne fait pas honneur à notre démocratie, la volonté de marquer, et surtout de remporter la présidentielle ne relève pas d’une lubie ou d’une arrogance forcenée, mais d’un impératif pour celui qui croit.


Qui croit que la vérité de jaillit pas de l’hydre bipartite.


Qui croit que l’efficacité ne peut être le fruit d’une querelle stérile entre deux partis, aussi hégémonique veuillent-ils être.


Qui croit surtout que la crise se régale de l’affrontement manichéen qui oppose clan à clan les Français quand seule l’union peut faire la force.


Et qui d’autre que François Bayrou peut s’enorgueillir d’incarner celui qui a résisté à cette vision abêtissante de la politique ? Celui qui s’est opposé à ce que Jacques Chirac, pourtant élu avec au moins autant de voix de gauche que de voix de droite en 2002, crée un parti unique qui tuait toutes les sensibilités, quitte, a-t-on appris cette semaine, à user et abuser d’arrogance ?


Celui qui a refusé de prendre parti au soir d’un premier tour, en 2007, qui l’avait vu tout de même rassembler presque 7 millions de voix, entre une candidate qui ne croyait pas elle-même en son programme, et un candidat avec qui, et c’est sans doute plus grave, bien plus grave, il ne partageait aucune valeur, comme il l’expliqua dans "Abus de pouvoir". Un ouvrage que Manuel Valls, responsable de la communication de la campagne de François Hollande aurait pu écrire, lui et tout le PS, à en croire ses confidences récentes chez Ruquier ?

 

Valls aurait signé Abus de Pouvoir par snoopyves1

 

Celui qui a refusé de céder aux sirènes des maroquins quand d’autres ont accouru en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire ? On a souvent glosé sur ceux qui quittaient François Bayrou, en prétendant qu’il devait les faire fuir, quant il eut fallu en déduire que certains préféraient troquer des valeurs qu’ils empruntaient, déjà, en quête d’un eldorado, pour d’autres rives qui leur étaient tout aussi étrangères mais tellement plus concrètes en termes de titres de gloire. Présentez moi mes chapeaux à plumes et dites-moi quelle sera ma solde et je vous dirai ce que je pense…


La constance est la moindre des qualités que l’on peut attribuer à François Bayrou. Et l’acte de résistance qu’il a signé et porté avec force et courage, même dans le désert qu’on lui avait prédit, a, pardonnez-moi l’expression, « de la gueule », à l’heure où certains, après s’être goinfré pendant des années, menacent d’entrer en dissidence parce qu’on ne cède pas à leur caprice, ou parce qu’ils ont décidé depuis belle lurette qu’ils allaient construire leur pensée ailleurs, histoire d’être davantage en cohérence avec leur conscience.


Fi des discours de façades qui prostituent les convictions profondes, mais qui construisent astucieusement les carrières. Fi des éléments de langage qui puisent leur force dans la mauvaise foi pour discréditer l’autre car dans ce monde pavlovien, on est tout pour ou tout contre, et si rarement dans la nuance.

 

Un acte de résistance


L’avenir de la France ne se fera pas dans la séparation constante des Français. Et certains ont le beau rôle de le reprocher, certes avec raison, au Front national, quand eux-mêmes ne sont pas avares de cette politique manichéenne : les riches contre les pauvres, les pauvres contre les plus pauvres, les employés contre les patrons, le privé contre le public.

 

Dans un monde de crise, on trouve toujours un âne à qui attribuer la responsabilité de la transmission de la peste, notre peste, la crise économique. Nous portons tous une part de responsabilité, et la course au bouc émissaire n’a pas de sens quand on doit tous se serrer les coudes pour avancer ensemble.  


"Un pays uni, rien ne lui résiste", proclame François Bayrou pour montrer la voie, lui qui répondait à ceux qui hurlent au loup en promettant de grands soirs dans son livre "2012 Etat d’urgence" en citant George Orwell : "En ces temps d’imposture universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire."

 

Plus qu’une candidature à la présidentielle, le projet de François Bayrou est un acte de résistance à une pensée manichéenne qui nous a envoyés droit dans le mur. Les solutions hémiplégiques n’ont pas de place dans un pays en crise. Pour qu’enfin, celui qui résiste voit l’union qu’il prévoit pour son pays devenir irrésistible.

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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 19:53

La question peut paraître saugrenue. Elle mérite pourtant d’être clairement posée : Marine Le Pen a-t-elle véritablement envie d’être candidate à la présidentielle ? Ou, plus précisément, y a-t-elle intérêt ?

 

Pleurer les 500 signatures, une tradition lepéniste


Alors que le résultat des sénatoriales avait vu une poussée historique des votes pour le FN de la part du cortège des "grands élus" (et dont une large majorité est en capacité de donner une signature pour parrainer une candidature), nous pouvions légitimement penser que Marine Le Pen allait rompre avec cette lancinante tradition familiale. Tradition qui consiste à pleurer, à fustiger la diabolisation, en faisant planer le spectre d’une impossibilité à se présenter à l’élection suprême. Posture victimaire, l'essence même de la communication frontiste depuis trois décennies.

 

 

Il faut dire que le cas s’est bel et bien présenté pour celui qui est devenu président d’honneur du FN. Mais il date tout de même de 30 ans, quand en 1981, Jean-Marie Le Pen échoua à récolter les fameuses 500 signatures, à une époque où le FN n’avait jamais encore franchi le cap des 2% aux élections auxquelles il se présentait. Deux ans avant le coup de tonnerre de Dreux. Il y a si longtemps.


Marine Le Pen radoterait-elle donc ? Certains pensent que non. En effet, le Front National a toujours eu du mal à récolter les signatures. Ainsi, en 2007, Jean-Marie Le Pen se présenta avec seulement 507 parrainages ce qui ne lui laissait que très peu de marge de manœuvre.

 

Faut-il lever l'anonymat des signatures ?

 

D’autres expliquent que la levée de l’anonymat pour 500 signataires désignés au hasard (autrement dit, pour tous les parrainages concernant le FN qui peine à atteindre le chiffre fatidique) rebute certains vis-à-vis de leur électorat local. Surtout que les gardiens de l'hydre bipartite ont, tour à tour, fermé le robinet.

 

Il n’y donc rien d’étonnant à ce que le Front National ait tenu à mettre dans son programme la fin de ce système, qu’il juge contraire à la démocratie : "La loi sur le parrainage des candidats à l’élection présidentielle sera révisée afin d’établir l’égalité entre les candidats : les parrainages seront de nouveau anonymes."


Ainsi depuis quelques semaines, il n’est pas une sortie médiatique de Marine Le Pen sans rappeler qu’elle est loin du compte… sans jamais donner de chiffres. Étrange phénomène qui manque de clarté. Plus étonnante encore est cette manière d’agiter le drapeau rouge, un argumenta contrario, qui envisagerait sa non-participation à l’élection : "Si jamais je n’étais pas candidate, Nicolas Sarkozy peut faire une croix sur sa réélection."

 

Comme une menace.


Mais, quand on sait que Marine Le Pen n’a aucune chance de gagner au second tour de la présidentielle, soyons sérieux, et que la présidentielle se résume finalement à un match à quatre, dans lequel seules trois candidatures peuvent gagner, n’y aurait-il pas intérêt pour Marine Le Pen de se faire passer pour une victime et de faire ainsi la démonstration que la démocratie ne joue pas le jeu ? Car si le père n'avait jamais voulu gouverner, sans doute la fille estime-t-elle que son temps n'est pas encore venu.

 

Le Pen vise les législatives


Et tout concourt à aller dans ce sens : le FN n’envisage pas de présider tout suite, en témoigne le chiffrage douteux de son programme, chiffres que certains  n’hésitent pas de qualifier de "fous". Quand l’incantation se substitue au rationnel, nul doute que se masque la vérité.


La stratégie ne serait-elle pas alors de préparer les législatives, en espérant une "vengeance" de son électorat qui serait alors mobilisé comme jamais, alors que, généralement, cette élection rassemble beaucoup moins que la présidentielle ? Histoire de gonfler quelque peu un score, qui, n’en doutons pas, sera déjà très élevé.

 

Le but ne serait-il pas clairement de créer un véritable troisième tour de la présidentielle, avec l’arrivée plusieurs représentants du FN dans l’hémicycle assorti d’un joli pactole dans le financement légal du parti, puisque chaque voix récoltée au premier tour des législatives rapporte 1,63 euro par an?

 

Car il faudrait rappeler que si le FN semble prospérer par la grâce d’une Marine Le Pen qui a su dépoussiérer le devant de la boutique, il ne faudrait pas oublier que les comptes de la caisse sontloin d’être au beau fixe, entre l’affaire la scissionl’affaire de l’imprimeur Le Rachinel qui entraîna la vente du célèbre "Paquebot" ou encore, bien évidemment, le score calamiteux aux dernières législatives, qui avaient privé le parti d’une source vitale.

 

 

Et un score aux législatives autour de 20% pourrait rapporter beaucoup, beaucoup d’argent. Un véritable trésor de guerre pour les cinq années à venir. Quand on voit comment s’est relevé le parti avec les comptes dans le rouge, on n’imagine pas ce qu’il en serait avec des finances plus que confortables…


Dans ces conditions, l’on comprend mieux pourquoi Marine Le Pen s’époumone  à qui mieux mieux pour crier au loup. Et le pire serait sans doute que cela marche.

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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 19:52

Le marché de l’immobilier est en émoi. VIIIe arrondissement de Paris. Le locataire le plus célèbre de la capitale remet en jeu son bail. C’est une belle demeure située en plein centre de la capitale.

 

La crémaillère fit grand bruit, il y a quatre ans, place de la Concorde. Un ballet ininterrompu de chanteurs morts ou de chanteurs à mourir (d’ennui), ou encore destinés à mourir (artistiquement), ne s’étaient pas fait priés pour inaugurer le nouveau bail.

 

Nicolas Sarkozy, président de la République, lors de la remise de la Médaille de la Famille au Palais de l’Élysée, Paris, le 30 septembre 2011 (J.MARS/SIPA)

Nicolas Sarkozy lors de la remise de la Médaille de la Famille au Palais de l’Élysée, Paris, le 30 septembre 2011 (J.MARS/SIPA)

 

À l’époque, l’état des lieux mentionnait une bâtisse vieillissante, poussiéreuse, archaïque dans ses fondations. Tenu par un roi fainéant, chuchotait-on. "À rénover", avait-on pris la peine de marquer sur l’annonce, relevé par un slogan rempli d’espoir, "Ensemble, tout devient possible".


Des travaux depuis, il y en a eu. Des tas. Des tonnes. Sans que l’on en comprenne toujours le cheminement. Souvent, le projet a été modifié pour laisser place à la même chose, quand il n’en est pas resté au simple devis, faute de financement. Si bien qu’au terme de ce bail, il serait temps de se poser la véritable question : le bail présidentiel est-il renouvelable en l’état ou la recherche d'un nouveau locataire s’avère-t-elle nécessaire ?

 

État des lieux : l'état de grâce, c'est fini


Certains se veulent aveuglément confiants. "Ai-je perdu tout esprit critique ?" s’interroge même un promoteur qui se revendique "irréductiblement UMP". On peut le craindre tant les travaux de décoration ont fait l’effet d’un tsunami sur notre petite République. On nous promettait un architecte à l’œuvre ; nous eûmes Attila qui pratiqua une politique de la terre brulée, avec le goût si raffiné de Valérie Damido. Rien de surprenant à ce que la demeure soit actuellement cotée bien en-dessous du marché… État des lieux.


La visite s’ouvre sur un patio superbe, qui rappelle les débuts, l’état de grâce. À l’époque, par cette porte dérobée, sur la droite, se trouvait le passage conduisant vers les cuisines du restaurateurFouquet's, remercié depuis parce que cela jasait au-delà du thuyas, dans la rue. D’ailleurs, c’est tout le personnel de maison qui a connu des va-et-vient impromptus : Fillon I, Fillon II, Fillon III ; sans compter les mini-remaniements, dus au personnel devenu dérangeant comme la petiteMichèle.

 

D’aucuns se sont dit que c’était sans doute le majordome qu’il fallût changer. Mais le locataire n’en démordit pas. Il avait, il faut dire, fait du choix de son petit personnel un véritable enjeu de cour. Débauchant à sa gauche, détroussant le centre et déboussolant sa droite, il avait imaginé une petite équipe au garde-à-vous, qui lui jurerait allégeance, affidés qu’ils étaient tous, jusqu’à renier leurs valeurs.

 

François Fillon lors des vœux du président de la République aux parlementaires, Palais de l'Élysée, Paris, le 11 janvier 2012 (CHAMUSSY/SIPA)

François Fillon lors des vœux du président de la République aux parlementaires, Palais de l'Élysée, Paris, le 11 janvier 2012 (CHAMUSSY/SIPA)

 

Mais revenons-en au patio. Sur les murs trônent encore les unes et les éditos élogieux qui foisonnaient. Il n’en figure qu’une maigre partie ici, tant les dithyrambes ne cessèrent de s’enchaîner des semaines durant. Même les plus railleurs, qui accusèrent leurs homologues de servir la soupe présidentielle en monopolisant l’espace médiatique autour d’un seul personne, se mordirent la queue en ornant leur une du nouveau locataire, semaine après semaine. Une sorte de fascination.


En avançant un peu plus loin, vous découvrez la pièce principale de cette construction bourgeoise, un rien baroque par son côté m’as-tu-vu et sa pendule Rolex qui trône majestueusement à côté de la bibliothèque verte (tous les exemplaires de la Pléiade, si ennuyeux et inutiles quand on veut travailler véritablement, ont été classés sans suite au grenier ; ne restent que cet exemplaire deZadig & Voltaire et un disque de Renaud "Tous coupables... sauf Carlos Ghosn ?"). C’est dans cette pièce que le locataire y a rangé ses plus beaux trophées : la réforme des universités, celle des droits de succession, celle de la Constitution

 

Du bouclier fiscal aux redoutables molosses : besoin de protection

 

En revanche, au-dessus de la cheminée, la chose déglinguée que vous voyez là était un bouclier, le bouclier fiscal. Branlant comme pas un depuis son érection sur le mur, il finit par tomber comme on le pressentait un beau matin. Car c’est peu de dire que le séjour ressemble parfois à un véritable champ de ruine : la table dite du "travailler plus pour gagner plus", pierre d’angle de la nouvelle décoration, fut annoncée avant même l’emménagement. Notre nouveau locataire fit feu de tout bois pour l’imposer. Las, elle coûta bien plus qu’elle ne rapporta. Il n’en reste à présent que quelques copeaux qui raviveront la cheminée dès les premières lueurs de l’automne.

 

La porte-fenêtre donne une belle vue, malheureusement gâchée aujourd’hui par les écuries d’Augias, anciennement baptisées Bercy. Le nettoyage se fit attendre. En vain : il se fait attendre. Et se fera attendre. Pire, la dette devient abyssale. Attenantes à la maison principale, les écuriesmenacent les fondations. L’édifice est à surveiller de près.


Dans la cour, l’on voit aussi une cage où deux molosses, muselière rangée, s’acharnent sur deux os presque entièrement déchiquetés. Un long filet de salive perle sur leur collier où l’on parvient encore à lire Fredo et Nado. Pavlov est le nom du maître chien. Deux mâtins redoutés et redoutables, qui sauteraient sur quiconque ne serait pas de la maison et oserait salir ne serait-ce que le tapis de l’entrée.

 

Frédéric Lefebvre et Dominique Paillé, alors porte-parole de l'UMP, lors d'une de leurs conférences de presse hebdomadaires, le 19 juillet 2010 (F.DUPUY/SIPA)/1007191544

Frédéric Lefebvre et Dominique Paillé, alors porte-parole de l'UMP, lors d'une de leurs conférences de presse hebdomadaires, le 19 juillet 2010 (F.DUPUY/SIPA)


À l’étage, les chambres… Enfin moins une. En effet, la première chambre nuptiale fut très vite condamnée. Les fenêtres étaient restées grandes ouvertes et un vent venu d'outre-Atlantique y fit des ravages.


La seconde est beaucoup plus harmonieuse. Complètement insonorisée. On eut juré que le locataire y avait élu villégiature sur l’aile gauche de la résidence avant de constater, sans le moindre doute possible, qu’elle se plaçait parfaitement à droite.

 

La chambre d’ami, elle, a vu de nombreux visiteurs. Certains reviennent avec assiduité comme Brice ou, la pièce rapportée du trottoir d’en face, le petit Eric (n’allez tout de même pas dire qu’il travaillait sur le trottoir !), ou encore Claude, qui se fait de plus en plus présent au domaine. En revanche, d’anciens locataires, pourtant favoris, n’y ont plus accès comme le grand Eric, banni pour Banier.

 

Salle de jeu et cave, les pièces qui ont abîmé l'Élysée


La salle de jeu est fermée à double tour. Trop bruyante. Trop turbulente. Trop dangereuse ? Les enfants de la Droite populaire s’y époumonent. Le petit Luca griffonne sur son affiche Banania avec un masque de cochon, le petit Mariani joue avec sa Barbie Jeanne D’arc, le petit Mothron s’amuse à faire exploser des boules puantes, tandis que le moins jeune Vanneste découpe frénétiquementdes drapeaux arc-en-ciel en hurlant "aberration anthropologique"… Mais, à part cela, les promoteurs les plus zélés ne peuvent plus supporter le soupçon d’alliance que la droite ferait avec l’extrême-droite.


Enfin, la porte du bureau attenant s’ouvre et une vidéo-surveillance vous observe. Une affiche du roman d’Orwell "1984" y tient une place inratable, même à l’œil attentif. Big brother is watching youbrille à la force d’une encore rouge. C’est la pièce des petits pour leurs devoirs. Un crucifix rappelle à l’étourdi que l’instituteur ne remplacera jamais le pasteur ou le curé. Pensée qui vous amènera naturellement à regarder par la fenêtre pour admirer la noblesse du jardin.


Scrutant le spectacle, vous apercevrez au-delà des feuillages et des arbustes si parfaitement taillés, une splendide chapelle. Jamais assez remplie et honorée pour notre hôte. De Latran àRyad, en passant par la béatification de Jean-Paul II, elle se remplit à chaque occasion avec ferveur laissant parfois un couloir communiquant avec la propriété principale, ce que les anciens locataires s’étaient pourtant toujours refusé à faire.

 

Il faut dire que notre résident a besoin d’espace depuis que sa cave est occupée. Cinq fois par jour. Et tous les vendredis à l’en croire. Il l’a même désignée comme la cause de tous ses problèmes d’installation, de tous les défauts de fabrication de la maison et de toutes les incuries dont il était pourtant le seul responsable. À force d’y raviver la braise, il risque à terme d’y mettre complètement le feu. La vague Marine s’imposera alors comme le seul recours. Et le déluge après un incendie a toujours représenté un risque pour les fondations…

 

Marine Le Pen, candidate du Front national à la présidentielle 2012, lors d'un meeting, Nanterre, le 12 janvier 2012 (J.BRINON/SIPA)

Marine Le Pen, candidate du Front national à la présidentielle 2012, lors d'un meeting, Nanterre, le 12 janvier 2012 (J.BRINON/SIPA)


Alors, bien évidemment, la demeure fait envie. Terriblement envie. Mais les copropriétaires, plus de 44 millions, sont amenés à se réunir d’ici quelques mois pour savoir s’il faut renouveler le bail. On l’a vu, les agents du locataire en place n’en finissent plus de peaufiner leurs plus beaux arguments et, n’en doutons pas, en y ajoutant une sincérité somme toute parfaitement authentique.

 

Mais la demeure, dont les fondations ne remontent pas à Clovis, n’en déplaise à notre hôte, mais à nos révolutionnaires, est fragile. Aménager n’est pas dynamiter. Il en va de la nature même des lieux. Et il est une chose dont on peut être sûr : dans trois mois, le prochain locataire aura dans ses mains les clefs d’une maison non pas changée, mais bel et bien abîmée.

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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 19:51

Cinquième volet de nos aventures de la bigote qui radote, aussi connue sous le nom de Christine Boutin. Vous l'attendiez, je l’imagine avec impatience ! Il faut dire que notre petit chapelet rouge est revenu sur le devant de la scène en attendant l’épiphanie.

 

Christine Boutin lors de la présentation de son programme pour l'élection présidentielle le 5 décembre 2011 (M. BUREAU/AFP)

 Christine Boutin lors de la présentation de son programme pour l'élection présidentielle le 5 décembre 2011 (M. BUREAU/AFP)

 

Voyant ses chances de récolter ses 500 parrainages se réduire comme peau de chagrin, notre héroïne avait menacé de lancer "une bombe atomique" ! Une menace pas très catholique mais notre chapelet rouge continue, malgré tout, contre mauvaise fortune, sa croisade auprès des maires de notre patrie, fille ainée de l’Eglise à en croire son projet pour la présidentielle. Un pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle, à bord de son vaisseau, un monospace.


Sur le chemin de sa désormais improbable candidature, puisque seuls 180 maires ont participé à la quête dominicale, Christine Boutin partira avec un petit panier drôlement fourni à l’intention de notre mère-grand patrie,  avec, rappelons-le la suppression de la Halde, le statut légal pour le fœtus, première pierre vers la remise en question de l’IVG, une "saine laïcité", l’inscription dans la Constitution européenne de nos racines judéo-chrétiennes.

 

Nicolas Sarkozy, le méchant


Mais en chemin, la candidate du parti chrétien-démocrate (PCD) sait que le gros méchant Loup Nicolas Sarkozy est passé par là et l’empêche de rejoindre son paradis. Elle a tenu alors à montrer patte blanche cette semaine, pour éclaircir ce si noir destin qu’elle promettait, en évoquant sa bombe atomique : pas de "dossier de corruption, ni de mauvaises mœurs", ne s’adonnant pas à la "politique de caniveau", mais un ralliement à… François Bayrou !


Diantre ! Notre petit chapelet rouge aurait-elle bu tout le vin de la messe pour s’enhardir de la sorte ? S’allier avec François Bayrou ? Celui qui est d’un "laïcisme forcené" ? Ce serpent tentateur, qui "est brillant", qui "peut séduire" , mais avec qui "ce n’est pas possible"?


Celui qui "a perdu les pédales" pour avoir oser se déclarer pour l’adoption des couples homosexuels ? Cet "agrégé de lettres classiques qui conduit un tracteur" mais qui s’avère être une hydre démoniaque, "adepte de la terre brûlée qui détruit tout sur son passage: nos racines comme nos alliances" ?


Mais où Diable Christine Boutin s’est-elle imaginée pouvoir rejoindre François Bayrou en tentant, qui plus est, de l’amener à se raisonner sur la question de l’adoption ?


Elle a cru trouver dans la candidature du Béarnais un vaisseau ma foi fort bien amarré à 14% dès janvier, se disant que, finalement, l’arche de Noé valait mieux qu’une union contre-nature avec le Grand méchant loup.


Oui mais voilà, la bigote n’est pas seule à vouloir faire de la candidature de François Bayrou l’arche de Noé : les identitaires s’étaient déjà signalés il y a peu (en réalité, ils ont clairement choisi Marine Le Pen, comme le montre l’article du "Journal du Dimanche", mais il était tellement tentant de titrer sur une improbabilité…). Sans compter l’incroyable demande de Maxime Brunerie, le tristement célèbre déséquilibré qui avait voulu attenter à la vie de Jacques Chirac le 14 juillet 2002.


Cette élection les rend décidément tous fous

Las, il nous faut interrompre les vaines prières et faire en sorte que nos agneaux rêveurs remettent les pieds sur terre. Car, pour rejoindre notre vaisseau, encore eut-il fallu partager des valeurs communes. Et la bigote qui radote a, dans ses homélies, autant de mots que d’arguments qui s’opposent aux valeurs que défend François Bayrou.


La laïcité de François Bayrou, qu’elle qualifie de "laïcisme" est non-négociable. Et il est hors-de question tant de remettre en cause l’abolition du blasphème que d’inscrire dans la Constitution Européenne que nos racines sont judéo-chrétiennes dans la droite lignée de ce que Viktor Orban a fait pour la Hongrie.


La proposition de légaliser l’adoption pour les couples homosexuels de François Bayrou et de reconnaître le lien du parent non biologique avec un enfant élevé dans le cadre d'une famille homoparentale est non-négociable. Car comme il le dit dans le numéro de Têtu du mois d'octobre : "parce que si la personne, la mère généralement, par qui il a été conçu, ou par qui il a été adopté, meurt, l'enfant se retrouve orphelin alors qu'il a été élevé par ces deux personnes. Ce n'est pas juste."

 

Un positionnement rappelé par Centr’égaux, l’association des LGBT du MoDem, qui milite pour l’égalité des droits entre les citoyens hétérosexuels, homosexuels et transsexuels, lutte contre l’homophobie et toutes les formes de discriminations dues à la sexualité.


Et sans oublier qu'aucune alliance ne pourra se faire concernant le projet funeste de la destruction de la Halde qui ravira Eric Zemmour, la création d’un euro-franc, la promotion du chèque-éducation qui sont inscrits sur sa table des 12 commandements, dans un missel baptisé Boutin2012. Autant de fruits défendus pour François Bayrou qui empêchent toute genèse de rapprochement.


Jean-Luc Bennahmias, vice-président du MoDem, a ainsi préféré évoquer "une blague" de la part de Christine Boutin. La bigote qui radote serait-elle devenue facétieuse ? En tous les cas, elle peut d’ores et déjà ranger son arme de destruction massive. Et repartir en quête de ses 500 fidèles. Sans quoi, il ne lui restera plus qu’à prêcher dans un désert.

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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 19:51

Jean-Luc Mélenchon est bougon. Il est énervé. Pas seulement parce qu’il ne décolle pas dans les sondages. Mais aussi parce que tout le monde ne parle que de "lui". Tout le monde "lui" fait la Cour. Tout le monde "s’égare", à l’entendre. "Lui" ? François Bayrou, bien évidemment !

 

Jean-Luc Mélenchon le 14 décembre 2011 à Nancy lors d'une intervention à Sciences Po (JC VERHAEGEN/AFP)

Jean-Luc Mélenchon le 14 décembre 2011 à Nancy lors d'une intervention à Sciences Po (JC VERHAEGEN/AFP)


Déjà, le Front de Gauche n’avait pas eu de mots assez durs pour François Hollande quand celui-ci avait évoqué le Président du MoDem dans un gouvernement futur… Son parti avait mis la main à la pâte en produisant une brochure d’une mauvaise foi sans nom pour tenter de déstabiliser l’homme qui monte. En vain.

 

Bayrou, personnalité politique préférée des Français


L'observatoire politique du CSA publié jeudi 5 janvier confirme la percée de François Bayrou : le Béarnais n’est pas seulement crédité de 14% d’intention de votes ; il est devenu le personnage politique préféré des Français. Ni plus, ni moins. Et avec une très forte augmentation chez les 18/24 ans (+19 points en 1 mois).


Alors, lorsqu'Eva Joly a évoqué l’idée d’un pacte de désistement pour battre Nicolas Sarkozy, lors de ses voeux,  allant du Front de Gauche au MoDem, Mélenchon a vu rouge :

 

"Le programme de François Bayrou est rigoureusement incompatible avec la gauche. Il propose la hausse de la TVA et un plan de rigueur de 100 milliards d'euros. Il refuse de recréer les postes d'enseignants supprimés par Sarkozy. La gauche n'a rien à voir avec de telles orientations."


Oui il est vrai que François Bayrou est pour l’adoption des couples homosexuels, pour le droit de vote des étrangers aux élections locales, pour sanctuariser l’éducation nationale et rompre avec les suppression macabre de l’administration Sarkozy tout en préservant le cadre des 18 heures des enseignants contrairement notamment à François Hollande ! Quel affreux homme de droite pour reprendre la sémantique de l’hydre bipartite atteinte d’hémiplégie.

 

Super-austérité ?


Certains viendront rétorquer que Mélenchon parle de la vision économique de François Bayrou. La lubie de Mélenchon. Haro sur le Béarnais, un "super libéral" qui voudrait appliquer une "super-austérité" !


Membre du Conseil National du MoDem, et adhérent de ce mouvement depuis sa création, j’ai eu l’occasion d’entendre plus d’une fois François Bayrou sur sa vision du Monde. Plus que l’immense majorité des Français. Je me souviens notamment de notre conseil en novembre dernier où je me lamentais de voir les médias et certains politiques persister à nous placer tantôt à gauche, tantôt à droite, en fonction des humeurs et des opportunités, et François Bayrou de me répondre, avec le sourire et une assurance à toute épreuve : "mais laisse les dire. Nous on sait où l’on va".

 

Bayrou le philosophe face au sophiste Sarkozy : l’affiche est belle. Mais elle est d’autant plus parlante quand l’image, dérobée, vient l’illustrer avec brio.

 

Et quel meilleur réalisateur pouvait le faire, si ce n’est Serge Moati, l’homme qui filme la politique comme aucun. Celui qui a créé la politique cinématographique. Tous les mois, sur France 3 est diffusé un épisode de 50 minutes de la série intitulée "Elysée 2012 la vraie campagne". Ce jeudi, un extrait a particulièrement attiré mon attention. Comme un réponse aux mensonges de Jean-Luc Mélenchon :

 

 


Ah qu’il est doux ce moment où l’on découvre le vrai François Bayrou, aux antipodes du "super-libéral", costume dans lequel la gauche caricaturale veut le déguiser. Et Bayrou fait la leçon à Jean Arthuis, l’ancien Président de la Commission des Finances du Sénat à propos de ce que Mélenchon lui-même ne pourrait renier : "ça n’est pas en faisant la course à baisser le coût du travail perpétuellement qu’on arrivera à retrouver le niveau de compétition nécessaire."

 

La mascarade étant terminée, nous pouvons passer au discours de vérité, à présent, non ?

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6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 19:50

L’heure est au bilan. Nécessairement. En 2007, Nicolas Sarkozy avait réussi un invraisemblable tour de prestidigitation en incarnant la rupture alors qu’il avait été ministre sous l’ensemble du premier quinquennat de la Ve République. Principalement au ministère de l'Intérieur, avec les résultats que l’on sait lorsque la France entra dans la terreur des émeutes de banlieue à l’automne 2005. Et pourtant, il fut bombardé l’homme de la rupture. Un homme sans bilan. Avant d’incarner le candidat permanent au début de sa présidence quand il multiplia à l’excès ses déplacements. 

 

Nicolas Sarkozy lors de ses voeux à l'éducation nationale le 5 janvier 2012 (F. DUFOUR/AFP)

Nicolas Sarkozy lors de ses voeux à l'éducation nationale le 5 janvier 2012 (F. DUFOUR/AFP) 

 

Mais cette fois-ci il n’y a plus de Roi fainéant à conchier, ni même de bouc-émissaire qui passera pour une victime dans un nouveau Clearstream. Nicolas Sarkozy n’échappera pas à son bilan. Et, s’il aime invoquer la crise par tous les Dieux pour justifier son bilan calamiteux (pour ne pas dire dramatique) pour un homme qui prétendait revêtir les oripeaux du président du pouvoir d’achat, il est un domaine qu’aucune conjoncture ou conjecture ne viendra brouiller la lecture : l’Education nationale. 

 

Un président méprisant

 

Autant le dire, le locataire de l’Elysée n’avait pas fait de l’école le thème central de sa campagne de 2007. C’est le moins que l’on puisse dire. La seule mention notable dans son discours liminaire d’entrée en campagne le 14 janvier 2007 est purement allusive : 

 

"Mais si l’école n’apprend plus la citoyenneté, ce n’est pas la faute des enseignants. Si l’Etat va mal ce n’est pas de la faute des fonctionnaires. C’est la politique qui est responsable."

 

Et s’il se veut rassurant en proposant un "projet de civilisation", dans lequel l’école redevient celle "de la transmission où les mots 'exigence' et 'excellence' reprennent un sens", c’est même inquiet que toute la profession lit dans le même entretien la funeste destinée qu’il réserve aux langues anciennes : 

 

"Vous avez le droit de faire littérature ancienne, mais le contribuable n’a pas forcément à payer vos études de littérature ancienne si au bout il y a 1000 étudiants pour deux places." 

 

Le ton était donné. Et la logorrhée accouche en quelques instants du sens précis de mots qu’il entend donner à son "projet de civilisation". Une civilisation sans Histoire. Oxymore. 

 

A peine sorti de son diner du Fouquet’s le soir de la victoire, symbole de cette civilisation qu’il tente de redessiner, il envoie une lettre aux éducateurs, qui tranche avec la confusion du discours du candidat : 


"Jadis, il y avait sans doute dans l’éducation trop de culture et pas assez de nature. Désormais il y a peut-être trop de nature et pas assez de culture." 

 

Une analyse somme toute juste et nuancée et qu’il accompagne d’une prose chatoyante pour amadouer son lectorat quand il évoque la noble tâche des enseignants : "cette responsabilité est l’une des plus lourdes mais aussi des plus belles et des  plus gratifiantes". Mais hélas : qui ne sait que ces loups doucereux / De tous les loups sont les plus dangereux ! Et c’est au Latran que Sarkozy fit tomber le masque en se réconciliant soudainement avec le latin dans cette lettre aux éducateurs.

 

Le latin de messe : "L’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé." A en perdre son latin, en effet. Quel meilleur purgatoire pouvait-il offrir aux enseignants que d’assener cette homélie sur un ton aussi péremptoire ? Non content de trahir l’école républicaine, Nicolas Sarkozy venait de faire cocu notre chère Laïcité. D’une pierre deux coups. Le projet de civilisation était en marche. Funèbre. 

 

Des suppressions de postes pour des économies dérisoires

Le mythe de "l’enfant barbare" était né, expression créée par François Bayrou. Ne respectant aucune de nos Institutions, bafouant tout sur son passage. Jusqu’à écorcher régulièrement notre belle langue lui qui avait déjà fait de la Princesse de Clèves une de ces poupées sans tête qui gisent sur le sol des vide-greniers qui sentent bon le graillon. Détruire. Vite. Et fort. Telle est sa nouvelle devise. Les suppressions de postes s’enchainent à un rythme effréné. Plus de 60.000 postes disparaissent au rythme du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. 

 

Officiellement, on évoque les premiers mois, la démographie, défavorable au collège. Et puis quand l’argument s’épuise, on compare la situation avec celle d’il y a quinze ans en omettant de préciser qu’entre temps, nos résultats se sont effondrés. Officieusement, c’est bien pire. L’économie réalisée est dérisoire.

 

François Bayrou le rappelle dans son "2012, Etat d’urgence" : 0,5 milliard d’économie soit 0,3% de la dette. La belle affaire. Et pour quelles conséquences sur le terrain quand les effectifs des classes explosent, quand on demande aux enseignants de se partager entre plusieurs établissements quitte à empêcher tout projet et rendre précaire même un CDI… 

 

Les provocations des ministres de l'Éducation nationale


Les provocations se multiplient entre Xavier Darcos qui ridiculise la profession en résumant grossièrement le travail des enseignants en maternelle au changement des couches et Luc Châtel parce qu’il le vaut bien, qui déclare sans coup férir que "notre école a moins besoin de grands soirs que de petits matins quotidiens". Le prof qu’on se le dise, ne fait rien, ou fait grève. Les fossoyeurs sont en action. Et "l’enfant barbare" est parfaitement épaulé par ses petites frappes. 

La carte scolaire est imparfaite ? Alors il faut la détruire !

La formation des enseignants est rendue inefficace par des IUFM, véritables laboratoires où des enseignants, souvent en panne de motivation, s’improvisaient apprentis sorciers, quitte à totalement déconnecter les professeurs de la seule voie qui devrait les guider, la seule !, à savoir la transmission du savoir ? Alors il faut détruire les IUFM ! Et détruire la formation des professeurs !

Les RASED (réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté) ? Détruire !

L’histoire en Terminale scientifique ? Détruire ! Détruire, détruire, détruire ! Et "l’enfant barbare" est affamé. Il se métamorphose en enfant roi, despotique, prêt à tout pour assouvir ses caprices les plus inacceptables. Il vante l’école de la République dans son discours sur la réforme des lycées en octobre 2009 en proclamant : "ce qui compte en France pour réussir, ce n’est plus d’être ‘bien né’ ; pour réussir, il faut travailler dur, et avoir fait preuve, par ses études, par son travail, de sa valeur. Principe de Justice."

 

Principe bafoué la même semaine quand la presse révèle, éberluée, que Jean Sarkozy va postuler pour la présidence de l’EPAD, le plus grand quartier d’affaire d’Europe ! Alors que le Prince peine à conclure sa licence. Ce qui vaudra une des saillies les plus grinçantes et les plus savoureuses à l’égard de la famille Sarkozy, de la bouche de Laurent Fabius, langue de vipère dans un ironie de velours : "on a besoin d’un très bon juriste. M. Sarkozy est en deuxième année de droit, c’est un élément fort."

 

Dans ce climat délétère, il n’est guère surprenant alors de voir surgir d’Eden des serpents venimeux comme SOS Education, qui, et serait-ce le fruit du hasard, sont soutenus par 145 députés, tous de l’UMP, y compris le désormais ministre, un autre "enfant barbare", David Douillet.

 

L’"enfant barbare" n’a donc pas terminé sa rixe. Il tente de se succéder à lui-même. Il a déjà cassé l’école dont il semble avoir fait un jouet. Mais qui ne sait ce qu’il réserve aux ruines de son beau joujou si joyeusement démantibulé.

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Présentation

  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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