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14 décembre 2011 3 14 /12 /décembre /2011 19:37

Il l’avoue lui-même : l’expression lui fait horreur, lui, l’agrégé en lettres classiques qui voit en cet anglicisme l’expression même de ce qu’il abhorre. Il n’empêche, comme l’explique Robert Rochefort, vice-président du MoDem, député européen, et ancien directeur du CREDOC, l’expression sonne bien… en tous cas bien mieux que "fabriqué en France".

 

Francois Bayrou à Pau, durant son premier meeting le 10 décembre 2011 AFP/PIERRE ANDRIEU

Francois Bayrou à Pau, durant son premier meeting le 10 décembre 2011 (P. ANDRIEU/AFP)  

 

Au-delà de cette affaire de slogan, force est de constater que le sujet vient de faire une entrée fracassante dans la campagne présidentielle. Tellement fracassante que la droite a sonné la charge pour expliquer à tout venant qu’ils étaient les géniteurs de l’idée. Et le président Sarkozy d’aller aujourd’hui prodiguer la bonne parole aux frais du contribuable pour financer sa campagne alors qu’il n’est pas officiellement candidat à Sallanches pour rendre visite à Rossignol qui a relocalisé ses usines. L’Elysée qui s’agace de voir François Bayrou faire de ce slogan son thème central de campagne, rappelant que l’UMP avait été précurseur. Il faut dire que l’on avait cru que le thème de la campagne à droite allait être l’immigration, le droit de vote des étrangers et la laïcité… Au temps pour nous. Il faut dire que Nicolas Sarkozy vient de découvrir qu’en parlant des véritables préoccupations des Français, on décrédibilise totalement les offensives frontistes avec des intentions de vote en berne pour Marine Le Pen. Il n’y avait pas encore pensé, le bougre !

 

La polémique est vaine de savoir qui est venu en premier, la poule ou l’œuf, et rappelons que François Bayrou avait déjà amplement exprimé son idée, bien avant l’annonce de sa candidature, dans son livre "2012 Etat d’Urgence", aux pages 86 et 87 pour ceux qui voudraient vérifier la source, dans lesquelles il est questions d’un "label "produit en France" (qui) dira au consommateur qu’il est engagé dans le produit, qu’il achète un peu pour lui-même, pour son emploi, ou pour l’emploi des siens, pour sa sécu et sa retraite", comme il existe pour le commerce équitable ou pour l'agriculture biologique, AB.

 

D’ailleurs, c’est assez amusant de constater qu’à l’époque, l’immense économiste Alain Minc, qui inspire tant notre cher président Sarkozy, avait cru y lire - au mépris d’ailleurs des titres mêmes des chapitres du livre, ce qui lui valut un soufflet cinglant du Béarnais qui rebaptisa son contradicteur de "méridianopète" - un "protectionnisme" déplacé, ajoutant : "On ne peut pas prendre le pouls de l'économie française en se désolant parce qu'une PME des Pyrénées-Atlantiques délocalise." Alors les larmes de crocodiles, que ne manquera pas de verser Nicolas Sarkozy aujourd’hui sur l’industrie française, font doucement sourire, surtout quand Minc est en général dans ce genre d’interview, télécommandée d’un poste assez proche de l’Elysée, suppose-t-on…

 

Plus grave, Minc avait mal vu, ce qui n'est pas, en soi, une surprise, mais en la matière il n'est pas le seul. Certains veulent voir dans la préconisation de François Bayrou un nationalisme exacerbé comme Les Verts, ou plus exactement l'équipe de campagne d'Eva Joly, puisque celle-ci s'est visiblement trop laissée aller à son goût sur le plateau de Canal Plus quand l'ancienne magistrate a exprimé tout son respect pour François Bayrou, un crime de lèse-majesté chez Les Verts où le sujet est on ne peut plus sensible. Il faut s'y habituer : chez Les Verts, la campagne est schizophrène. Toujours est-il que sur le "made in France", les écolos estiment que la proposition "acheter français" est nationaliste et rappelle trop "le slogan du PCF des années 1970". François Bayrou en digne héritier de Georges Marchais ! Il fallait oser !

 

Donner de l'emploi aux Français

 

On atteint tout de même des sommets de mauvaise foi de la part d’un parti qui fait feu de tout bois dès que l’on parle taxe carbone, et qui, par un réflexe pavlovien, est incapable de reconnaître une bonne idée, sous le prétexte qu’elle ne vient pas de son camp, quand bien même elle est écologiquement irréprochable…

 

En quoi favoriser l’emploi de nos entreprises françaises aurait des relents nationalistes ? Donner un emploi aux Français ne relèverait donc pas de la priorité des écologistes ? Encore un joli pan du programme des Verts qu’il faudra éclaircir… A moins qu’ils n’aient quelques difficultés avec la terminologie, mais ils ne semblent pas les mieux placés pour faire des leçons de morale en terme de démagogie du discours politique, semble-t-il…

 

Il semblerait d’ailleurs, au vu de l’emballement général sur la question et qui ne laisse personne indifférent, puisque les sondages se suivent et se ressemblent en montrant la remontée assez nette de François Bayrou alors qu’il en a fait un des piliers de sa campagne, que la confusion fût de mise.

 

On entend ainsi les critiques de ceux qui estiment qu’il est difficile dans un monde globalisé, où l’on achète la matière première dans un ou plusieurs pays, avant de profiter du savoir-faire d’un autre et de les assembler encore ailleurs, de savoir ce qui est français de ce qui ne l’est pas. C’est vrai. Mais telle n’est pas la proposition de François Bayrou.

 

Le problème n’est pas tant d’acheter des produits de marque française mais bel et bien d’acheter des produits qui offrent des emplois en France. Si vous achetez votre polo Lacoste qui est fabriqué en Chine vous n’apportez rien au bassin de l’emploi et à l’industrie française ! Vous apportez juste les 19,6% de TVA au budget, et une portion encore plus maigre au distributeur qui a embauché la vendeuse, voire l’hôtesse de caisse… En revanche, quand vous achetez une Toyota fabriquée à Valenciennes, vous achetez, certes une voiture japonaise, mais qui a été assemblée à Onnaing et qui a contribué donc à créer de l’emploi dans le secteur automobile. Et il me semble difficile ensuite de dire qu’en incitant à acheter une Toyota vous fassiez du quelconque nationalisme…

 

Le patriotisme économique

 

Voilà, pourquoi, également, les critiques de Marine Le Pen sont stériles quand elle affirma ce week-end lors de son meeting à Metz : "Comment François Bayrou ose, ne serait-ce qu'évoquer, la nécessité d'acheter français alors qu'il est un admirateur aveugle d'une construction européenne qui interdit le patriotisme économique, qui a tué la production française ?" La contre-vérité, telle que la présidente du Front national sait la manier pour faire prendre des vessies pour des lanternes. En quoi l’Europe interdirait-t-elle de sensibiliser le citoyen en l’informant que l’achat d’un produit favorise les emplois industriels de son pays ? Quelle étrange loi, quelle indicible article de la Constitution, quel chapitre incroyable du traité de Lisbonne empêche le citoyen d’être informé ?

 

En revanche, il est certain que la proposition de Marine Le Pen de taxer plus lourdement tous les produits qui ne viennent pas seulement de Chine mais aussi de l’Europe de l’Est, des droits de douane comme elle l’appelle, qui entrent en conflit total avec la Constitution européenne, et que seule une sortie de l’euro et de l’Europe s’avérerait nécessaire pour l’appliquer, ce qui ravira les deux tiers des entreprises françaises qui fonctionnent en import/export et qui se verront donc lourdement pénalisées, pour ne pas dire condamnées par un tel dispositif.

 

On le voit, le "made in France" prôné par Bayrou est au centre de toutes les préoccupations, chacun lorgnant sur la poussée du Béarnais dans les côtes de popularité où il retrouve des scores supérieurs à tous ses concurrents pour le premier tour de la présidentielle. De quoi presque créer un label "Made in Bayrou" à ses idées, histoire de ne pas le voir piller de ses ressources.

 

Et forcément, quand on se retrouve sur le devant de la scène, l’on se sait guetté. "Le Petit Journal" le sait bien et Yann Barthès a bien cru prendre à contre-pied François Bayrou hier soir en le montrant rentrer dans une voiture Audi, lui qui venait de préconiser d’acheter français.

 

Veuillez installer Flash Player pour lire la vidéo

 "Le Petit Journal" 12/12/11 - Profession journaliste

 

On passera sur la démonstration déjà faite qu’il ne s’agit pas tant d’acheter des produits de marque française que ceux qui produisent des emplois en France pour faire toute la lumière sur la contradiction qu’a cru dégotée le distributeur automatique de poil à gratter du PAF et qui a tant amusé la toile hier soir. En rappelant pour commencer que la voiture en question n’est pas celle de François Bayrou, mais celle d’un conseiller municipal de Pau. Pas de chance Monsieur Barthès. A moins que vous n’estimiez que lorsque l’on doit acheter français, on s’oblige aussi à n’emprunter que des voitures françaises.

 

Commencez alors par demander aux écolos de s’éclairer à la bougie et de communiquer en tam-tam, eux qui condamnent le nucléaire qui sert pourtant à éclairer leurs foyers, et les métaux rares utilisés dans les portables qu’ils utilisent pour twitter… Par ailleurs, pas de chance encore une fois, la voiture de François Bayrou est une Peugeot 3008 ! Et il s’en était fait l’écho lors d’une visite à Sochaux en avril dernier chez l’industriel français en question. Et lors de cette fameuse visite il était arrivé… en C5… Autre chose, Monsieur Barthès ?

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  • : Les Nouveaux Démocrates
  • : Enseignant et essayiste. Auteur de La Croix et la bannière sur la rhétorique des intégristes à propos du mariage pour tous (Golias, novembre 2012) et de Mariage pour tous vs Manif pour Tous (Golias, mai 2015) Auteur également d'articles sur Prochoix, la revue tenue par Fiammetta Venner et Caroline Fourest (n°57,58,59, 63 & 66) Ancien membre du Conseil national du MoDem et candidat aux Régionales 2010 et législatives 2012. Démission du MoDem en octobre 2012. Blog d’un militant du Mouvement Démocrate (MoDem).
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