Journalisme, une extinction de plus : pour une fois, le réchauffement climatique n’y est pour rien !
C’est devenu « l’affaire du petit Younès »… comme il y eut « l’affaire du petit Louis ». J’eus préféré que l’on parle de « l’affaire du journalisme »…
Mardi 27 octobre dernier, une dépêche AFP tombe peu après 13 heures en annonçant la mort du petit Younès dans le canal d’Armentières. Ni une, ni deux, l’information est diffusée. Deux exemples, que d’aucuns estimeront équivalents… à tort :
TF1 :
Le Post :
Pourtant, il y a une différence fondamentale entre ces deux exemples. FONDAMENTALE. L’un est un transmetteur, un vecteur de communication, Le Post qui publie des informations que je dois vérifier en corroborant les sources. L’autre est un vecteur d’informations, dont les sources ont été vérifiées, recoupées et que je peux croire. Or en 2009, force est de constater que l’un et l’autre utilisent à présent les mêmes méthodes. D’où la question : le journalisme est-il mort ?
C’est d’autant plus flagrant que l’ensemble des médias qui ont été coupables de précipitations se sont empressés de trouver leur bouc émissaire : l’AFP. Certes, cette agence, à la réputation certaine, a commis une erreur considérable. Mais au nom de quelle urgence, la presse journalistique traditionnelle s’est-elle autorisée de la diffuser alors même que leurs émissions se déroulaient, avant même d’avoir recoupé elle-même l’information ? L’annonce ne pouvait-elle pas attendre le soir, si le petit Younès avait été effectivement retrouvé mort ? N’est-ce pas là une dérive du scoop dans lequel tombent les journalistes depuis quelques années ? La finalité du journalisme n’est-elle pas justement de prendre le temps, le recul nécessaire pour offrir une information de qualité, expliquée et illustrée de manière pertinente, là où internet privilégie l’immédiateté de l’information ? Si l’on considère que la rapidité seule compte, alors considérons Yahoo! comme une plateforme d’information, Le Post comme un éditorialiste ou encore jeanmarcmorandini.com le concurrent direct de Reuters !
Le pire c’est que cette tendance n’est pas neuve.
On se rappelle de la bourde de Pujadas qui annonçait que Juppé, embourbé dans les affaires, se retirait de la vie politique… alors que le même Juppé annonçait le contraire au même instant sur TF1.
Et puis il y eut il y a un an, une affaire similaire à celle de Younès, avec Florence Schaal, journaliste de renom qui travailla plus de trente ans pour TF1, qui fit une erreur incompréhensible pour elle en intervenant en direct au journal de TF1 pour annoncer la mort du petit Louis… Information démentie peu après par la rédaction de la chaîne :
Florence fut licenciée pour faute grave. Et l’affaire fut close. Encore une fois, le bouc émissaire était trouvé. Pour autant, comment se fait-il qu’une journaliste de cette expérience puisse commettre une telle erreur de débutante ? Erreur d’autant plus confondante que Julien Arnaud qui présentait le journal alors admet que Florence Schaal n’avait pas pris les précautions d’usage :
N’est-ce pas là la preuve flagrante qu’une pression certaine s’exerce en permanence sur les journalistes ? N’est-ce pas l’aveu, même indirect, de cette course au scoop, de la commercialisation de l’information qui est ici mise en exergue ?
Que Brigitte Bardot se rassure : pire que le bébé phoque ou encore l’ours brun, la situation du journaliste est plus grave encore. Son extinction devient jour après jour plus certaine. En atteste cet aveu terrible d'Anne Elisabeth Lemoine, dans l’émission du midi de Canal, qui le 28 octobre, lendemain de l’annonce faite par Bruce Toussaint de la mort de Younès, déclare, sans rougir qu'à l’antenne, « l’on n’a pas toujours 15 minutes pour vérifier l’information » ! Et la blonde incendiaire d’allumer l’AFP pour cette erreur. Ahurissante justification ! Révélatrice également.
Cela rappelle cette confession de Daniel Schneidermann, l’animateur-concepteur d’Arrêt sur Images qui rappelait il y a quelques années, son premier emploi dans la Maison Le Monde consistait à prendre son téléphone et à vérifier toutes les informations qui allaient être la matière première des brèves qui figureraient dans les colonnes… avant d’avouer que cette fonction avait tout simplement disparue… contrairement aux brèves qui continuent d’abreuver les pages du canard.
« Quatrième pouvoir » l’avait-on baptisé. Le journalisme nourrit aujourd’hui un chiasme des plus inquiétants :
Le journalisme, clef de voûte de la démocratie, se meurt.
La démocratie, clef de voute du journalisme se meurt pareillement.
A l’époque du tout rhétorique, il y a des figures de style plus plaisantes et savoureuses à lire…